Correspondance avec la mairie et le CERTU
à propos des double-sens cyclistes introduits rue Jolivet et de la Fuye à Tours


Cette page complète cette page précédente reprenant seulement la lettre au maire, ainsi que quelques photos commentées.
Le CERTU est le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l"urbanisme et les constructions publiques (site).
  1. Lettre ouverte de l'AQUAVIT au maire de Tours, le 25 septembre 2012
    Avec copie au préfet d'Indre et Loire et à la Ministre de l'Ecologie

    Monsieur le Maire,

    Vos services ont modifié les règles de circulation rue Jolivet et de la Fuye, ce qui a provoqué un fort mécontentement des habitants. Il ne s'agit pas d'un refus du changement, mais de la perception d'un danger plus important provoqué par les changements de côté de stationnement et par le contresens cycliste. Les cyclistes sont particulièrement concernés par cette insécurité nouvelle.

    Avant, ils roulaient de façon simple, fluide, apaisée, à peu près sécurisée (à part les voitures mal garées), entre les piétons sur leur droite et les véhicules en circulation sur leur gauche, bien séparés par une bande blanche. Désormais, ils roulent dans une insécurité tangible. Ils sont en effet obligés de frôler des voitures en stationnement, avec le danger d'ouverture intempestive de portes. Ils sont contraints de faire des zig-zag lors des changements de côté de stationnements, avec une visibilité qui peut être altérée par de gros véhicules. Ils ne disposent plus, dans le sens des voitures, d'une bande sécurisante, ils ne peuvent donc plus facilement doubler les véhicules sur la droite aux feux rouges, ce qui les amène à doubler sur la gauche en empruntant le contresens. Ajoutez la présence de voitures mal garées encore plus nombreuses à cause des changements de côté, ajoutez le trafic automobile toujours aussi important, l'étroitesse de la chaussée, le passage fréquent d'autobus très larges. La circulation cycliste est devenue stressante, confuse, le danger est continuel et bien plus important qu'avant.

    La situation est telle que se dessine un mouvement qui ressemble à de la désobéissance civile. Les cyclistes en contresens étant assez rares, certains dans le sens des voitures préfèrent rouler continuellement sur la gauche de la rue, en contresens du contresens cycliste, ce qui est pourtant interdit. C'est compréhensible, ils y sont davantage en sécurité, protégés des voitures par la bande blanche qui n'existe plus sur la droite, où les voitures ne les laissent plus passer. Pour contrer ce mauvais usage, la mairie a ajouté au sol des flèches directionnelles, en redondance avec les pictogrammes habituels. Mais la dangerosité du rouler-à-droite amène la persistance d'un certain rouler-à-gauche en connaissance de cause. Et de même, pour ne pas être frôlés, certains vélomoteurs préfèrent rouler au centre de la rue…

    Même si l'automobiliste est moins fragile que le cycliste, sa circulation est aussi devenue beaucoup plus stressante. Sur ces voies étroites, il peut voir surgir des vélos de gauche ou de droite, de devant ou de derrière. Quant aux piétons, ils souffrent aussi des situations confusionnelles, ils doivent faire attention à ce qui vient des deux côtés de la voie, alors qu'avant ça ne venait que d'un seul côté.

    En quoi la nouvelle configuration aurait-elle des côtés positifs ? La circulation serait ralentie par les changements de côté de stationnement ? Est-ce vraiment cela qui fait sensiblement ralentir l'automobiliste qui roule vite ? Seules des sanctions policières sont efficaces. C'est cela que réclame la population, pas des mesures artificielles qui génèrent de la dangerosité. Les cyclistes bénéficieraient du passage en contresens ? Certes, mais ils étaient habitués à emprunter les petites rues parallèles et ne s'en plaignaient pas. La mairie aurait pu les écouter au Conseil de Vie Locale Est du 17 février dernier quand plusieurs d'entre eux avaient exprimé leur désapprobation. On leur avait répondu que la législation des zones 30 imposait ce type de circulation. Or ce n'est qu'une recommandation qui admet des exceptions et nous sommes effectivement dans un cas exceptionnel.

    Car la règlementation apparaît bien faite. Effectivement, un contresens cycliste s'avère pratique pour la plupart des rues, des rues "normales", sans trop de trafic, pas trop étroites ou la circulation reste globalement apaisée. Dans les autres cas, la mairie est invitée à délivrer un arrêté municipal qui n'autorise pas le double sens. Le ministère de l'écologie, par le biais de l'organisme CERTU, a même été jusqu'à préciser les cas "normaux" et "exceptionnels". Ainsi, lorsque le trafic dépasse les 5.000 véhicules par jour (on y est, ou pas loin), et que la largeur de la chaussée est inférieure à 4,50 m (hors stationnement, elle est de 4,30 m), le double sens est jugé "peu réaliste ou déconseillé". Un troisième facteur aggrave la situation des deux rues : le passage fréquent (80 par jour) d'autobus très larges (2,55 m de largeur).

    Vos services n'ont pas tenu compte des arguments de bon sens montrant la dangerosité de la nouvelle configuration. Ils ont essayé de gagner du temps en espérant que le mécontentement se tasserait. Ils n'ont pas immédiatement réagi quand un de nos adhérents leur a présenté les recommandations ministérielles le 20 septembre. Il n'y a pas lieu d'attendre un éventuel accident, une période d'adaptation ne diminuera pas les dangers. Ceux-ci sont en effet inhérents aux nouvelles dispositions, pas aux comportements. La sécurité doit primer. Il convient de revenir à la situation initiale apaisée, où chacun, piéton, cycliste, automobiliste avait sa voie de passage clairement délimitée et ou il ne fallait pas slalomer entre des côtés de stationnement changeant.

    Cette demande est préventive. Je vous rappelle que les travaux du tramway ont donné lieu à des accidents très graves pour les habitants, alors que tout était censé être sécurisé. Beaucoup plus qu'avant, ce risque existe désormais rues Jolivet et de la Fuye. Dans l'attente de votre réponse, en espérant que vous ferez en sorte que les choses reviennent rapidement en ordre, je vous adresse, Monsieur le Maire, l'assurance de mes salutations distinguées.

    Le président,
    François Louault

    Références : Cette lettre est publiée sur notre site http://aquavit37.fr


  2. Réponse par lettre de la mairie à l'AQUAVIT, le 25 octobre 2012

    Madame, Monsieur,

    Votre courrier du 25 septembre dernier, relatif aux modifications de circulation réalisées à hauteur des rues de la Fuye et Jolivet, a retenu toute mon attention.

    La ville de Tours poursuit et intensifie le développement de son réseau cyclable initié depuis de nombreuses années. En parallèle, un renforcement du panel d'outils réglementaires est réalisé à l'échelle nationale.

    Aujourd'hui, une modération et un assouplissement du "code de la route" nous permettent, par le biais du "code de la rue", d'enrayer les phénomènes de pollution et d'envahissement de l'espace par l'automobile. Le "code de la rue" favorise l'apaisement et le partage de la voirie. Il permet de différencier les critères de sécurité de conditions de circulations urbaines de configuration plus routières.

    L'aménagement initial des rues de la Fuye et Jolivet découpait l'espace en bandes parallèles où chaque mode évoluait à sa propre vitesse.Les perspectives soulignées n'étaient pas favorables à une quelconque prise en compte des dangers potentiels et de la vie locale par l'automobiliste.

    La mise en "Zone 30" en cours de réalisation sur l'ensemble de Tours centre, entre Loire et Cher et l'îlot compris entre les axes Edouard Vaillant, Heurteloup et Estienne d'Orves participe à ces évolutions. Les mises à double sens cyclables quasi-systématisées permettent aux automobilistes de mieux prendre en compte la présence de cyclistes sur la voirie.

    Même si quelques incompréhensions ou réticences demeurent suite au "changement", l'ensemble du quartier va progressivement pouvoir profiter de l'adaptation des usagers à ces nouvelles configurations.

    Les règles évoluent, les dispositions précitées restent conformes au Guide Technique du Certu. Vos références concernant la version "2009" des recommandations officielles sont obsolètes et remplacées par des mises à jour datant du 24 août 2012.

    En vous remerciant de votre compréhension.

    Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l'assurance de ma considération distinguée.

    Pour le Maire, l'Adjoint Délégué
    Pierre Texier



  3. Message de l'AQUAVIT sur le site Web du CERTU, le 5 novembre 2012

    Nous avons été très attentif à votre fiche vélo n°6 de février 2008 sur les "double-sens cyclables", avec un tableau qui signale que pour les rues étroites (moins de 4,5 m), à fort trafic (+ de 5000 véhicules / jour), le CERTU juge le double-sens cycliste "Peu réaliste ou déconseillé".

    On nous a dit qu'elle était obsolète mais cette fiche est toujours sur votre site et nous n'y voyons rien la remplaçant. Nous supposons donc qu'elle est toujours d'actualité. Pouvez-vous nous le confirmer ? Si vous avez émis de nouvelles recommandations sur ce sujet des double-sens cyclistes, merci de nous les signaler.


  4. Réponse par courriel du CERTU à l'AQUAVIT, le 6 novembre 2012

    Cette fiche, obsolète, va effectivement faire l'objet d'une actualisation.

    Pour vous faire patienter, voici le nouveau tableau, qui prend notamment en compte le paramètre "vitesse maximale autorisée" [Cf. ci-dessous].

    Ce tableau est extrait du guide "la mise à double-sens cyclable" paru récemment, entièrement consacré à cet objet, et qui peut être commandé ici : http://www.certu-catalogue.fr/la-mise-a-double-sens-cyclable-guide-pratique-et-methodologique.html.

    Bien cordialement

    Thomas Jouannot
    Chargé d'études "développement de l'usage du vélo"


    Ci-dessus le tableau de la fiche n°6 du CERTU
    en 2008 et 2009.



    Ci-contre, le nouveau tableau du CERTU dans son
    document du 24 août 2012, alors que se
    terminaient les travaux rue Jolivet et de la Fuye.


  5. Courriel de l'AQUAVIT au CERTU, le 7 novembre 2012

    Merci pour votre réponse précise.

    Elle soulève toutefois des interrogations. D'abord il nous semble qu'un tableau ne devient obsolète que lorsqu'il n'est plus placé sur un document censé être de référence.

    Ensuite nous constatons que vous avez affiné les paramètres en y ajoutant la vitesse maximale autorisée. Mais dans le cas qui nous concerne (4,3 m de largeur de chaussée, 5400 véhicules par jour, zone 30), nous estimons que deux autres paramètres sont aussi à prendre en compte :
    • le fait que le côté de stationnement change, ce qui multiplie les confusions, notamment par visibilité défaillante (présence de camionnettes, voitures mal garées plus fréquentes lors des changements...)
    • le passage fréquent de bus très larges (2,55 m de largeur, 80 fois par jour)

    Les constats que nous faisons montrent un accroissement sensible de l'insécurité cycliste :
    • Généralement, même lorsqu'ils doublent un cycliste et qu'il n'y en a pas en face, les voitures roulent en ne mordant pas sur la bande pointillée qui les séparent des potentiels cyclistes en contresens. En conséquence ils ne respectent pas la distance de sécurité de 1 m entre véhicule et vélo doublé.
    • Les cyclistes sont donc frôlés par les voitures et se trouvent en danger en cas d'écart intempestif. Une bonne partie d'entre eux (roulant dans le sens des voitures) préfère donc rouler "à l'abri" de la bande pointillée, à gauche de la chaussée, en contresens du contresens, ce qui n'est pas autorisé. Cette habitude est prise et perdure (plus de 4 mois après la mise en place du contresens) (et malgré l'ajout de fléchages par la mairie).
    • Quelque soit le sens pris, les cyclistes sont amenés à longer des véhicules en stationnement, au gré des changements de côté. Ils sont donc à la merci d'une portière ouverte trop brusquement. Ce risque, redouté par tous les cycliste urbains, était auparavant inexistant, puisque les vélos longeaient le trottoir.
    • Une voiture ne peut pas doubler un cycliste et en croiser un autre s'il respecte les distances de 1 m de chaque côté. Par contre, il peut passer s'il ne les respecte pas. Un automobiliste prudent ne le fera pas et ralentira, voire s'arrêtera. Un automobiliste peu prudent, ou fatigué, ou pressé, ou surpris, le fera et frôlera les deux cyclistes. Un automobiliste vraiment imprudent peut accélérer pour forcer le passage. Que se passe-t-il s'il y a un imprévu, une maladresse de l'automobiliste ou d'un des deux cyclistes ?

    De plus, pour les deux rues considérées, il existe des rues parallèles moins fréquentées à double sens ou avec double-sens cycliste. Les cyclistes n'étaient donc pas demandeurs d'un contresens sur ces deux rues très passantes. La situation précédente leur convenait. Voitures et vélos allaient dans le même sens, chacun dans son couloir, c'était une situation apaisée par rapport à celle stressante et confuse d'aujourd'hui.

    Finalement, nous avons la désagréable impression que les cyclistes sont instrumentalisés et utilisés comme des ralentisseurs pour les voitures. Alors que le PLU de la ville préconise des circulations douces "plus directes, plus sécurisées, plus confortables", la circulation dans ces deux rues est devenue zigzagante, plus dangereuse et moins confortable. De telles méthodes (établies sans la moindre concertation) montrent que circuler en ville est de plus en plus compliqué et difficile. On décourage ainsi les déplacements à vélo, à l'inverse des proclamations municipales de promotion des circulations douces. Nous avons d'ailleurs l'impression que, depuis ces changements, ces deux rues sont moins utilisées par les cyclistes.

    Vous trouvez plus de détails et des photos sur notre page http://aquavit37.fr/2012JolivetFuye/index.html et sur celle de l'un de nos adhérents : http://pressibus.org/blogcvl/velos/index.html

    Nous précisons que nous sommes favorables en règle générale au double sens cycliste, mais nous estimons que certaines artères ne s'y prêtent pas.

    Nous prenons acte de l'existence de votre nouveau tableau, en espérant qu'il sera davantage modulé. Nous sommes à l'écoute de vos remarques, mais vous comprenez que nos observations nous amèneront probablement à poursuivre notre demande de remise en place de la situation précédente, sauf à conserver la zone 30, mais sans utiliser les vélos pour obliger les automobilistes à ralentir.

    Cordialement.


  6. Réponse par courriel du CERTU à l'AQUAVIT, le 7 novembre 2012

    Merci pour votre témoignage.

    Le document de référence est bien le guide "la mise à double sens cyclable" décrit dans mon précédent message.

    Mais vous avez raison, afin d'éviter toute ambiguïté, nous allons enlever provisoirement la fiche N°6 du site du CERTU que nous remettrons en ligne, sous sa forme actualisée, dans les meilleurs délais.

    Je ne rentrerai pas dans le détail des cas que vous présentez dans votre message, cela mériterait une visite sur place pour vous répondre correctement.

    J'insiste cependant sur le fait que le tableau que je vous ai transmis est un tableau d'aide à la décision et que, comme vous le soulignez, d'autres paramètres sont à prendre en compte, comme évoqué en bas du dit tableau.

    Bien cordialement

    Thomas Jouannot
    Chargé d'études "développement de l'usage du vélo"



    En sa réunion du 8 novembre, l'AQUAVIT a confirmé la poursuite de son action, d'une façon qui, le moment venu, sera présentée sur la page précédente.

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