Protections contre les crues de la Loire et du Cher
dans le val de Tours

Loire, pont Wilson, la crue de 1907, de probabilité "fréquente" [carte postale]

  1. Contexte

    Le 31 janvier 2014, l'AQUAVIT a eu un long échange avec le Directeur Départemental des Territoires (DDT d'Indre et Loire), largement centré sur le problème des crues et constructions en zones inondables. La discussion a permis le constat d'une parfaite maîtrise du dossier par notre interlocuteur. Cela nous aide à mieux comprendre ce qui s'est passé et mieux évaluer ce qui peut changer. Nous partageons globalement ses analyses hydrologiques, mais nous sommes plus circonspects quant aux implications futures sur la gestion du risque. La notion de "résilience" qui semble devoir s'imposer dans les futurs réglements attendus pour 2015 (PPRI, PGRI, SAGE) ne manque pas de nous inquiéter. Ces perspectives nous conduisent à actualiser le dossier précédent par la présente étude, et, bien sûr, à rester vigilant.

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, voici les sigles qui seront utilisés (ceux marqués * sont spécifiques à cette page), avec indication de liens permettant d'aller aux sources des documents :

    Sigles et liens
    • DDT : Direction Départementale des Territoires d'Indre et Loire, page, la lettre du 22 juillet 2013
    • DICRIM : Document d’Information Communale sur les RIsques Majeurs, celui de Tours 2007, celui de La Ville aux Dames, 2010, celui de St Pierre des Corps, celui de La Riche
    • DREAL : Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de la région Centre, page, document Val de Tours 2012
    • ICRP* : Intégration du concept de résilience dans le PPRI du Val de Tours, avril 2013, revue EchoGéo
    • MVdL* : Ménagement Val de Loire, 2009, étude
    • NR : La Nouvelle République du Centre-Ouest (deux articles référencés ci-dessous)
    • PLU : Plan Local d'Urbanisme de la commune de Tours, page voisine
    • PCRCD* : Permis de Construire de la rue Camille Desmoulins, dans le quartier Velpeau (inondable), en date de novembre 2012
    • PCRDF* : Permis de Construire de la rue du Dr Fournier, dans le quartier Velpeau, en date de décembre 2012, page du blog Pressibus
    • PCRG* : Permis de Construire de la rue Gounod, dans le quartier de Beaujardin (inondable), en date d'août 2013, article NR du 11/10/2013
    • PGRI : Plan de Gestion du Risque d'Inondation de l'Union Européenne, en cours de réalisation
    • PPRI : Plan de Prévention des Risques d'Inondation du val de Tours et val de Luynes, en cours de révision, page
    • PRC* : Lettre du 23 mai 2011 du Préfet de la Région Centre et le document de 19 pages qui l'accompagne
    • PSMV : Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur du secteur sauvegardé de Tours, adopté le 20 décembre 2013, page voisine
    • RCIT* : Rapport de présentation de la Cartographie du risque d'Inondation par la Loire et le Cher du secteur de Tours, de novembre 2013, document pdf d'une taille de 99 Mo
    • RNRC* : Risques Naturels en Région Centre, 2003, document
    • SAGE : Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux du val de Cher Aval
    • SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale de l'agglomération tourangelle, page voisine, conclusions de l'enquête (risque inondation en pages 29 et 30)
    • SDAGE : Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin Loire Bretagne, de novembre 2009, document complet, page
    • SMAT : Syndicat Mixte de l'Agglomération Tourangelle, chargé de la gestion du SCoT
    • TRI : Territoire à Risque (d'inondation) Important, arrêté préfectoral du 26/11/2012

    Liens sur études et articles d'avant janvier 2014


    Avant la confluence de la Loire et du Cher, Tours (point jaune vif ajouté sur carte RCIT 2013)


  2. Rappels historiques


    1. Des digues pour se protéger de l'imprévisible


      1846, val de Loire, crue de probabilité "moyenne"

      Histoire des digues
      La Loire marqua toute l'histoire de la Touraine. N'est-elle pas, en effet, le centre de ce "Jardin de la France" loué par de nombreux poètes ? Elle servait, comme la plupart des fleuves, de voie de communication. César l'emprunta à maintes reprises. Elle joua par la suite un grand rôle dans le transport du vin et dans le développement économique de la Touraine.
      Sous César, la Loire était déjà le grand fleuve que nous connaissons : irrégulier et impétueux. Souvent, lors des crues, elle changeait de lit, mettant en danger habitations et cultures et posant de graves problèmes pour la circulation fluviale.
      C'est en 821 que Hugues I er et Robert Ier, suivant la résolution de Charlemagne et de son fils Louis le Débonnaire, portèrent leurs soins dans la construction de levées ou turcies, afin de contrôler les eaux du fleuve. Les premières levées furent destinées à l'agriculture permanente : les seigneurs installèrent des paysans nommés "Hôtes", qui devaient en plus des travaux des champs entretenir les digues.
      Sous le règne de Saint-Louis (1226-1270), apparurent les premières corporations ligériennes pour défendre les droits des mariniers et des marchands, ceux-ci devenant de plus en plus nombreux. De plus grandes levées furent construites en Anjou au XIIème siècle et l'uniformisation d'Orléans à l'Anjou se fit sous le règne de Louis XIV, par Colbert. De grandes restaurations se firent également sous Napoléon III et la IIIème République.
      Ces digues favorisaient la navigation, l'expansion du commerce. Mais, en contre coup, les digues rendirent les crues de plus en plus nombreuses et surtout de plus en plus dangereuses, car le lit du fleuve ainsi resserré ne pouvait plus contenir une très grande quantité d'eau. De plus, la Loire rehausse son lit entre les digues. Elle transporte en effet de grandes quantités de sable et de limons qui se déposent au fond du lit au lieu de se disperser dans toute la vallée comme auparavant. Colbert fut obligé de porter la hauteur des digues à 5,50 mètres au-dessus de l'étiage et, au XVIII ème siècle, on les porta à 7 mètres.
      Ces travaux n'empêchèrent pas les cinq grandes inondations dues aux crues, au XIXème siècle (la crue centenaire !...). [...]
      D'autres travaux furent exécutés pour régulariser le cours de ce fleuve. Au XVIIIème siècle, Monsieur de Choiseul fit construire des digues au milieu du fleuve. Ces digues avaient pour effet de concentrer en été toute l'eau dans un seul chenal pour permettre la navigation à n'importe quelle époque de l'année. Ceci explique les grands bras morts que l'on voit l'été tout au long de la Loire. Nous pouvons voir le pavage de ces digues sur les bords de certaines îles, face à Rochecorbon.
      [Extrait de Monographie de Rochecorbon, Robert Blondel 1976]


      Tours entre Cher (en configuration ici d'avant 1970) et Loire

      Gigantesques et imprévisibles écarts de débit
      "Exacerbant des écarts qui, dans le langage des chiffres, situent ses eaux dans un rapport mensuel de un à six (240 m3/s en août, 1.426 m3/s en février à Montjean, en aval), la Loire peut aussi connaître des excès qui, de moins de 10 m3/s ** à plus de 9 000 sur son cours moyen, ôtent aux rapports numériques toute signification."
      "Le fougueux tempérament du géographe potamologue Maurice Pardé s’irritait de ne pouvoir ranger la Loire dans aucune typologie hydrologique, voyant comme « un cas navrant », « une bizarrerie », l’imprévisibilité de ses grandes crues et comme « trompeuse » la recherche de moyennes de leurs fréquence."
      "Les excès de la Loire échappent à toute périodicité, parce qu’ils n’obéissent climatiquement à aucun schéma cyclique déterminé, comme d’autres fleuves, par exemple tropicaux, réglés sur les saisons comme des horloges. Comment en serait-il autrement quand, par sa dimension et surtout par sa situation, son bassin enregistre et répercute les effets des mille combinaisons possibles de trois domaines météorologiques, atlantique, continental et méditerranéen, en conflit permanent ?"
      [Yves Babonaux, 1994]
      ** : ce débit de 10 m3/s n'est guère possible maintenant, la barrage de Naussac permet d'alimenter en eau la centrale nucléaire de St Laurent des Eaux...


      1866, à 8 km en amont de Tours, à La Ville aux Dames,
      rupture de la digue de Conneuil, qui avait aussi cédé en 1856.
      En 1846, elle avait tenu, ce qui avait permis de limiter l’inondation à la partie
      aval du val de Tours (à partir de la commune de La Riche) ; la cause en est
      la rupture en amont de la grande levée de Cisse à Escures (Onzain)
      et à Amboise, ce qui avait soulagé les digues plus en aval.


      Brêches répétées dans les digues
      "L’absence de tout débordement de la Loire dans nos régions depuis 1866, temps correspondant à cinq générations, a d’autant plus accrédité l’idée d’une totale sécurité contre l’eau que ses levées donnent, par leur volume, une très confiante impression de puissance. Une puissance que, malheureusement, elles n’ont pas. Suffisamment élevées pour la plupart, depuis Colbert, pour échapper à leur propre submersion, elles ne sauraient échapper, par contre, comme la façon dont se forment les brèches l’a toujours montré, à la rupture par imbibition de leur corps sableux, au travail de sape de leur base ou à l’éclatement des terriers qui les minent. C’est cette ignorance du danger qui faisait déjà dire à Rouillé-Courbe en 1856 : « Les générations à venir se refuseront à croire de si terribles faits ». Propos d’autant plus inquiétant qu’en près d’un siècle et demi le Val de Loire s’est sensiblement urbanisé et valorisé."
      [Yves Babonaux, 1994]


    2. Chronologie des inondations

      A Tours, la crue de référence de la Loire est celle de 1856, à 7,52 mètres, qui avait inondé une grande partie de la ville. Voici d'autres repères sur les crues les plus importantes :

      Les crues de la Loire à travers les siècles
      • Avant le XVème siècle, les crues les plus marquantes : 585 (8 inondations de 580 à 591), 820, 853, 1003, 1037, 1231, 1309, 1346, 1426, 1474
      • XVIème siècle, 14 crues dont les plus importantes sont celles de 1527 et 1586
      • XVIIème siècle, 16 crues dont celles de 1608 et 1628 semblent comparables aux trois grandes crues du XIXème (1846, 1856, 1866)
      • XVIIIème siècle, 28 crues dont au moins six de la même importance que les trois grandes crues du XIXème, et quatre très ressérées en 1707, 1709, 1710, 1711.
      • XIXème siècle, 8 crues : 1823 (5,10), 1825 (6,20) 1826 (5,36), 1835 (5,46), 1846 (7,15), 1856 (7,52), 1866 (7,20), 1872 (5,67)
      • XXème siècle, 2 crues : 1907 (5,57), 1924 (5,06)
      • XXIème siècle, pas encore de grandes crues, la cote la plus importante est celle de 2003 avec 3,40 mètres.
      [Yves Babonaux 1994, RCIT 2013, Wikipédia 2013]

      Ci-contre repères sous le pont Wilson à Tours, le 9 décembre 2003, avec en bas la montée d'eau de la crue de ce jour là (à 3,40 mètres, d'après le tableau ci-dessus)


      1856, crue de probabilité "moyenne"
      Sauvetage de quinze personnes, rue de la Dolve à Tours, près de la place Jean Jaurès
      "Seule la cité ancienne surnage, en bordure du fleuve en furie. La Loire et le Cher
      couchés dans le même lit, forment un lac de 30 km de long et 10 de large !
      "
      [La Loire déchirée, Alexis Boddaert, 1990 ; dessin de L. Cazeaux]
      Les dégâts y furent si considérables que Napoléon III vint trois jours après
      y parcourir en barque le boulevard principal [Heurteloup], lançant au maire un :
      "Non ! La ville de Tours ne périra pas, mon gouvernement ne le veut pas".
      [La Loire belle et rebelle, par Jean-Luc Péchinot, 2010]

      Chronologie synthétique des événements de la crue de 1856
      • 2 juin – 16 h : brèches de la levée de Rochepinard sur le Cher
      • 2 juin – 22 h: brèche de Savonnières sur le Cher
      • 2 juin – 23 h : brèches en retour vers la Loire et le Cher
      • 3 juin – 21 h : brèche du val de Bréhémont
      • 3 juin – 21 h 30 : brèche de la gare du canal et inondation du val amont
      • 3 juin – 23 h : le pont de la gare du canal (pont de la route d’Amboise) s'écroule
      • 3 juin – 23 h 30 - minuit : brèche de Conneuil (la Ville-aux-Dames)
      • 3 juin – 23 h 30 : brèches de la digue du canal et inondation du centre de Tours
      • 4 juin – 2 h 30 : l'onde de la brèche de Conneuil arrive au canal
      • 4 juin – 3 h : les brèches de la digue du canal sont compètement formées
      • 4 juin – 3 h : brèche de la Fouquerie
      • 4 juin – 4 h 30 – 5 h : rupture du pont de la ligne Nantes sur l'avenue de Grammont
      • 4 juin – 13 h : effondrement du pont de Savonnières
      [Document DREAL 2012]




      L'armée à la rescousse, ici du côté de La Ville aux Dames


    3. Les dégâts humains, matériels et financiers

      En 1866, près de la brêche de Conneuil, le soldat Paul Duvelle en service commandé fut emporté par les flots, alors que l'inondation de 1856 n'avait pas fait de victime. Il y en avait eu deux en 1846, à Amboise.
           
      Sur la levée de la Loire, à Conneuil, une stèle...
      Dans la NR du 12 décembre 2012, l'historien Michel
      Laurencin signalait qu'il était "urgent de procéder
      à un entretien du monument
      ". Qu'attend-on ?
      En 1856, à Tours même, on compte 2 055 sinistrés et 1,6 million de francs de dégâts. Cette année là, 85 communes étaient inondées (y compris celles des basses vallées du Cher, de l’Indre et de la Vienne), 26 000 personnes sinistrées, 15 millions de francs de dommages déclarés.

      En 1846, les dommages étaient évalués, pour tout le bassin, à 57 millions de francs (équivalant à 1 milliard 140 millions de francs en 1994, date d'un article d'Yves Babonaux présentant ces données).

      Une potentielle catastrophe
      Le diagnostic effectué pour la Loire démontre une situation d'une gravité et d'une complexité insoupçonnées ; une crue catastrophique, équivalente à celles du XIXe siècle, couvrirait la totalité des vals de Loire et constituerait la troisième catastrophe naturelle au niveau national en termes de coûts, après l’inondation de Paris et un séisme important à Nice.
      En effet, le pôle d'activités de la région est d’autant plus vulnérable qu’il est stratégique et attractif. Les systèmes de protection - digues et barrages -, et l’urbanisation des espaces inondables ont, en procurant un sentiment de sécurité, contribué à la perte de conscience du risque d’inondation.
      [...]
      300 000 personnes, dont plus de 80 % en région Centre, résident dans ces zones à risques le long du fleuve, soit dix fois plus qu'au XIXe siècle. La population exposée au risque ignore le plus souvent le danger qu'elle court. Cet étalement urbain se traduit par le développement des constructions pavillonnaires, des zones d'activités, des grandes surfaces commerciales, des espaces de loisirs et d'équipements divers reliés entre eux par des routes nouvelles. En 2000, l’agglomération d’Orléans comptait 53 300 habitants situés en zone inondable, celle de Tours 127 700 habitants, avec des communes inondables à 100 % comme Saint-Pierre-des-Corps, la Ville-aux-Dames ou la Riche. À Blois, 5 200 habitants résident en zone inondable, à Gien, ils sont 2 500.
      [...]
      Une pollution généralisée de la Loire est tout à fait possible lors d’une crue forte qui conduirait à une inondation des stocks de matières polluantes non mises à l’abri. Après la décrue, les sources de pollution potentielles sont nombreuseslibération des stocks atteints, destruction des réseaux d’assainissement, dysfonctionnements des stations d’épuration pouvant compromettre l’alimentation en eau potable. Certains dommages directs ou indirects n'ont pu être encore évalués (atteintes aux réseaux EDF, France Télécom et SNCF, au patrimoine naturel et architectural, conséquences sociales).
      [RNRC 2003]


      1978, effondrement du pont Wilson, sans que la crue, du reste modeste, en soit la cause directe
      (notre page voisine sur le pont Wilson)

      Le document RCIT de 2013 indique que "La période de retour admise pour les trois grandes crues du XIXe siècle est comprise entre 150 ans et 200 ans". On y est...

      Quelques autres indications du RCIT :
      • Les crues de la Loire ou du Cher qui se propagent jusqu’à Tours, naissent sur des secteurs très en amont. Il s’agit de phénomènes lents qu’il est possible d’anticiper de quelques jours. La montée des eaux s’observe généralement sur 1 à 2 journées, le passage de la pointe de crue sur 1 jour et la décrue sur une période de 3 à 4 jours. Il arrive que les ondes de crue s’enchaînent, comme aux mois de mai et juin 1856 sur la Loire.
      • Lors de précipitations généralisées à l'ensemble du bassin, le Cher et la Loire peuvent connaître des crues importantes en même temps. Cependant, le bassin du Cher étant plus réduit que celui de la Loire, la pointe de crue du Cher devance en général celle de la Loire de l'ordre de 2 jours.
      • Environ 124 600 personnes et 83 300 emplois5 sont susceptibles d'être impactés directement par une inondation exceptionnelle, 108 300 personnes et 66 000 emplois pour un événement de probabilité moyenne.
      • Trois installations classées SEVESO AS [Seuil Haut, notamment l'usine Primagaz de St Pierre des Corps] pourraient être inondées. Ces installations sont implantées dans la partie amont du val de Tours.


      1866, crue de probabilité "moyenne" - Document DREAL
      Cette photo interroge. Certes cette année là, la digue du Canal (devenue digue de l'autoroute)
      avait tenu, mais on voit nettement que, derrière le boulevard Heurteloup, même si la profondeur
      d'eau est bien moindre que dix ans plus tôt, ce qui va devenir le quartier Velpeau est inondé.
      Et, au fond, le quartier de Beaujardin l'est aussi. Qu'en serait-il aujourd'hui dans des
      circonstances similaires ? Il y a eu des remblaiements au moment de l'urbanisation, mais
      est-ce suffisant ? Quel serait l'impact du ruisseau de l'Archevêché, devenu souterrain ?


  3. Jusqu'à 2009, des contraintes qui disparaissent


    1. Comment ont évolué les risques sur la Loire

      Le document RCIT de 2013 indique que :
      • Le barrage de Villerest, construit à l’amont de Roanne, joue un rôle dans la régulation de l’écoulement des crues en Loire moyenne. Il peut aller jusqu’à y réduire le débit maximal de plusieurs centaines de mètres cubes par seconde. Toutefois, il ne supprime pas le risque de rupture des digues. Son impact sur le niveau maximal des grandes crues reste de l’ordre de quelques dizaines de centimètres en Loire moyenne.
      • L’accalmie constatée dans la fréquence des grandes crue de la Loire depuis le début du XX e siècle reste un phénomène ponctuel, dû à un enchaînement météorologique d'années particulièrement clémentes. Cette configuration a déjà eu lieu aux XIII e et XIVe siècle, faisant naître dans la population un faux sentiment de sécurité.Sur le plan des dommages, à chaque grande crue de la Loire, le secteur de Tours a été inondé. En rompant, les digues ouvraient le val à un flot brutal et dévastateur qui occasionnait des dommages considérables.
      • Le niveau de sûreté actuel, calculé à partir d'une probabilité de rupture de l'ouvrage [digues] de 15 %, est de l'ordre d'une crue de période de retour 70 ans.
      • Le débit naturel de la crue du Cher de 1856 est estimé à 1 700 m3/s avec une période de retour supérieure à 500 ans.


      La Loire le 7 décembre 2013 à Saint Cyr sur Loire, commune limitrophe de Tours, en aval

      Par rapport au XIXème, des éléments autres que météorologiques amènent à considérer que le risque de crue sur la Loire a un peu diminué :
      • la reforestation du massif central
      • la présence de barrage de Villerest (celui de Naussac aurait peu d'influence)
      • l'extraction massive de granulats dans le lit du fleuve (jusqu'en 1994 dans le val de Tours)

      Néanmoins, les digues restent fragiles, même si le risque de surverse est moindre, même si elles ont été à certains endroits renforcées. Les brêches restent donc probables lors de fortes crues, et à des endroits qui peuvent être imprévisibles, pas seulement à Conneuil... Il reste - a priori - une part d'irrationnalité que les études les plus poussées ne peuvent pas circonscrire...

      L'entretien des digues de la Loire
      Il faudrait engager un programme de travaux en amont de Tours, pour un coût estimé à 180 millions d'euros. « L'affaire de plusieurs décennies » selon le préfet, Jean-François Delage.
      En attendant, en mai prochain, ce sont 1.100 mètres de digues à Saint-Pierre-des-Corps et 900 mètres à Montlouis qui seront traitées. Une machine de 4,60 m de largeur creusera entre 8 et 10 mètres de profondeur pour malaxer la terre et y injecter un liant de façon à consolider l'écran entre le fleuve et le bassin de vie.
      [
      La NR du 30 janvier 2014]


      ["Le jour où la Loire débordera...", par Michel Varagne, éd. CPE 2003]

      En ce qui concerne le Cher, nous verrons plus loin que la situation est différente.


    2. Risques sous-estimés et laxisme

      Après guerre, jusqu'à 2009, l'expansion de la ville de Tours dans le val commun au Cher et à la Loire s'effectue de deux façons :

      • Presque sans contraintes dans les quartiers du XIXème et du début du XXème siècle. On oublie trop souvent les règles de fin du XIXème siècle, notamment celle qui obligeait à surélever les maisons individuelles de 4 ou 5 marches. En 1999, on tenait encore compte de la présence de ruisseaux souterrains dans la délivrance de permis de construire, cette contrainte a disparu (PCRDF). En 2009 des riverains ont dû insister à plusieurs reprises pour que la mairie interdise de louer des appartements en sous-sol, aménagés sans permis de construire. A contrario, la mairie ne réagit pas à des appels non répétés. Le laisser-aller apparaît presque complet au début des années 2000.

      • Trois nouveaux quartiers ont été créés sur les bord du Cher après d'importants remblaiements : les Rives du Cher, les Fontaines et les Deux Lions. Si le premier est bien surélevé; on verra qu'il y a lieu de s'interroger pour les deux autres, surtout le troisième.

      Le PPRI de 2001 avait contribué à ce laxisme en qualifiant de faibles les risques dans les quartiers de Tours, et cela se poursuivra jusqu'en 2009, comme le montrent ces deux cartes, aujourd'hui complètement obsolètes.


      2001 et 2009 : les risques sur Tours sont alors considérés comme faibles
      (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

      Pourtant, même avec un risque estimé faible, il convenait de prendre davantage de précautions, notamment en surélevant les rez-de-chaussée comme on le faisait au XIXème siècle et début du XXème. On peut même trouver des exemples plus anciens; comme le couvent des Minimes, dossier phare de l'AQUAVIT pendant plus de dix ans, parfait exemple de construction en zone inondable : rez de chaussée en pierre dure, murs obliques et vantaux qui s'ouvrent sur les deux façades pour laisser couler l'eau, premier étage en tuffeau avec les pièces à vivre.

      Toutes ces précautions ont été oubliées. Il y a lieu, notamment, de s'interroger sur la multiplication des parkings souterrains.

      On retrouve ce laxisme dans un domaine voisin, celui des risques d'éboulement des coteaux, bien sûr aggravés lors des période de forte humidité, notamment d'inondation. Alors que dans les années 1985 et 1986 s'élaboraient des Plans d'Exposition aux Risques (PER) les prenant en compte (par exemple ceux de Tours, de Rochecorbon, de Montlouis sur Loire), les études d'impact géotechnique dans les zones d'exposition aux éboulis sont éludés dans les projets de construction en tout genre.


  4. 2010 à 2012, des contraintes non respectées


    1. Un SDAGE ignoré par les municipalités

      Plusieurs facteurs ont conduit à une procédure de révision du PPRI de 2001 : des catastrophes naturelles comme la tempête Xynthia de 2010, la directive européenne Inondations, des textes devenus plus exigeants face à une réévaluation du risque local. Des études hydrologiques sur le val de Tours conduisent à ce que les secteurs d'aléa faible ou moyen passent en aléa fort, voire très fort.


      Signification des aléas faibles, moyens, forts, très forts
      [document PPRI 2011-2012]

      Approuvé en novembre 2009, le document SDAGE (Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin Loire Bretagne) permet de mettre en place de nouvelles précautions. L'une d'entre elles est particulièrement forte puisqu'elle oblige à ne pas construire au bord des digues de classe A, à raison de 100 mètres par mètre de hauteur de la digue dans l'attente des études de dangers. Pour la digue de l'autoroute, séparant Tours de Saint Pierre des Corps, haute de 5 mètres, cela signifie qu'il ne faut pas construire sur une profondeur de 500 mètres, donc sur une grande partie des quartiers Velpeau et Beaujardin.


      Les digues du val de Tours [document PPRI 2011-2012]

      Le SDAGE demande aussi de ne pas augmenter de façon significative la population exposée. Il n'est toutefois pas directement opposable. Il ne s'impose qu'aux documents administratifs PLU et SCoT. Qu'a fait la mairie de Tours pour son PLU de 2011 ? Elle a carrément oublié l'existence du SDAGE et a mis en place un programme de densification accéléré, sous prétexte d'arrivée du tramway. Tant pis si les quartiers sont inondables... Le commissaire enquêteur a constaté ce laxisme et a émis une recommandation pour limiter la densification. Elle a été rejetée.

      Recommandation n°6 : diminuer l'offre de logements en zone inondable
      "Considérant que le PLU constitue une opportunité pour anticiper les futures dispositions du PPRI révisé dans le sens d’une plus grande réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens et, en particulier, que le remplacement et l’extension mesurée des constructions peuvent être admis dans la mesure où ils ne génèrent pas une augmentation significative de la population vulnérable et où les logements nouveaux sont conçus de manière à ne subir aucun endommagement, le développement urbain en zone inondable doit être reconsidéré. En conséquence, il conviendrait de supprimer le secteur t dans les zones inondables des zones UC et US, diminuer l’offre de logements sur les sites d’orientations concernés et en tenir compte dans la révision du PLH en cours".
      La mairie de Tours a refusé d'appliquer cette recommandation des conclusions du PLU de 2011


    2. Une révision du PPRI qui prend du retard

      En 2011/2012, la révision du PPRI ( Plan de Prévention des Risques d'Inondation du val de Tours et val de Luynes) se précise avec une carte qui change la donne en montrant que les quartiers de Tours peuvent être, pour la plupart, noyées sous plus de deux mètres d'eau. Entre Loire et Cher, seule la ville historique entre les anciens remparts et le quartier des Rives du Cher resteraient hors d'eau. Cette carte reconstitue la crue de 1856 en l'adaptant à la topographie d'aujourd'hui.


      Hauteurs d'eau de 1856 sur la topographie actuelle [document 2008 PPRI 2011-2012]
      Les remblaiements expliquent que les hauteurs d'eau sont moins fortes
      que sur la carte présentée plus haut avec la topographie de 1856.
      On notera que la rive gauche du Cher n'est pas traitée.
      (cliquez sur l'image pour agrandir)


      La même carte (1856 topographie actuelle) sur tout le val de Tours [document 2008 PPRI 2011-2012]

      Le 11 mars 2011, le préfet de Région Centre prend des mesures exceptionnelles d'une durée transitoire. Dans sa lettre du 23 mai 2011 [PRC] au Président de l'établissement Public Loire, aussi maire de Tours, il stipule que "dans l'attente des nouveaux PPRI, il est nécessaire de gérer la période transitoire en prenant en compte les orientations du SDAGE Loire Bretagne", avec communication aux communes. Cela signifie que le SDAGE de 2010 a un pouvoir plus étendu qu'un simple SDAGE, il a aussi les pouvoirs d'un PPRI. Il est un PPRI transitoire. Il convient de se référer à la jurisprudence du PPRI davantage qu'à celle du SDAGE.

      Cette lettre est accompagnée d'un document de 19 pages [PRC] qui précise l'importance du "principe de sécurité à travers la prise en compte de la problématique des risques naturels et technologiques" [page 3], il impose "l'arrêt du développement pavillonnaire très vulnérable" [page 4]. Au delà, il faut que "l'augmentation de la population au niveau du quartier reste modérée" (page 4).

      Mais à Tours, rien n'y fait, comme si ces documents et consignes n'existaient pas, on continue de construire en zone inondable. C'est notamment le cas d'un grand ensemble immobilier sur les bords du Cher (apparemment sans étude de dangers), près du carrefour de Verdun, en face des locaux de la NR.

      Par certains côtés, le PPRI en phase transitoire de révision, toujours dans l'attente des études de dangers, est moins sévère que le SDAGE. Notamment l'insconstructibilité le long des digues est ramenée par le Préfet d'Indre et Loire à 300 mètres. Mais la mairie ne s'en soucie pas davantage en continuant à délivrer des permis de construire dans ce corridor (PCRCD).


    Vers 1995 en bas étiage :
    ci-dessus la Loire à Montlouis (amont de Tours), ci-dessous le Cher à Tours, vu du pont du Sanitas


  5. 2012 et 2013, les premières contraintes respectées


    1. Ne plus construire de logements en rez-de-chaussée

      En 2012, la délivrance des permis de construire dans le val de Tours se réduit, surtout dans les petites communes, comme La Chapelle aux Naux (NR du 8/7/2014 ou Berthenay (qui sera ensuite la première commune à instaurer l'inconstructibilité, Tribune de Tours du 12/3/2014). Par contre à Tours, la mairie avait refusé la recommandation n°6 du commissaire-enquêteur du PLU de 2011 interdisant les constructions vulnérables, si bien qu'entre Noël 2012 et jour de l'an 2013, elle va jusqu'à délivrer un permis de construire trois maisons de plain-pied dans le quartier Velpeau. C'est là un véritable passe-droit quand on sait que la DDT (alors sans directeur, en changement de poste) n'a délivré aucune autorisation, que le niveau de submersion sur la base de 1856 est de 4 mètres d'eau, aggravés par la présence de remous et d'un ruisseau souterrain (PCRDF). Le Tribunal Administratif d'Orléans a été jusqu'à valider ce projet pour un prétexte très léger de forme, le jugement doit être traité en appel au Tribunal Administratif de Nantes. Il semble que ce soit le dernier permis de construire des logements en rez-de-chaussée délivré en zone très vulnérable sur le val de Tours.

      En effet, courant 2013, la mairie de Tours va être obligée d'accepter les premières contraintes. Déjà, en novembre 2012, à l'occasion de la parution du bilan à mi-parcours 2011-2014 du Plan CLimat (page 34), il est écrit "Sur l’opération des Casernes évoquée supra, la Ville de Tours anticipant les prescriptions du PPRI et allant même au-delà de ce qui est envisagé, ne construira pas de logements en rez-de-chaussée". Ce n'était qu'un début de bonne intention vite réprimé, puisque, malgrè la demande d'un habitant, il n'y a pas eu de concrétisation dans la modification n°2 du PLU de 2013 portant sur ce quartier des casernes.

      En novembre 2012, dans le cadre de la règlementation européenne, le val de Tours est classé comme "Territoire à Risque Important" (TRI) d'inondation. Composé de 18 communes (en partie ou en totalité de leur surface, celle comprise entre les coteaux), il est l'un des cinq territoires du bassin Loire-Bretagne à être considéré comme "identifié au titre d'un risque important d'inondation ayant des conséquences de portée nationale voire européenne" (avec Nevers, Orléans, Angers et Nantes).

      C'est en juillet 2013 qu'est enfin intervenu un véritable virage. Nous ne l'apprendrons qu'en septembre en trouvant dans un permis de construire du quartier de Beaujardin (PCRG), attribué fin août, une lettre du 22 juillet du directeur de la DDT adressée au Maire de Tours l'obligeant à se plier à des contraintes fortes. La plus importante consiste à ne plus construire de logement en dessous de la cote de 50,80 mètres au dessus du niveau de la mer. Cette cote apparaît valable pour les quartiers Velpeau et Beaujardin, alors qu'elle naturellement est peu moins haute à l'aval pour les quartiers plus à l'Ouest.


      Les premiers étages des nouvelles constructions doivent désormais être au dessus des
      hauteurs d'eau atteintes en 1856 d'après document DREAL 2012. Ce même document
      indique (pages 33 à 35) que l'incertitude générale des hauteurs de submersion est de 30 cm,
      voire 50 cm ou davantage dans les zones directement sous l’influence de brèche

      Que s'est-il donc passé depuis décembre 2012 (PCRDF) quand il y avait un manque complet de contrôles ? Deux hypothèses sont plausibles, qui ont pu être concomitantes :
      • La pression exercée par les instances nationales et régionales (notamment le Préfet de région, autorité environnementale) ont obligé les mairies à consulter la DDT.
      • La DDT a changé de directeur. L'ancien laissait faire, le nouveau a serré les boulons.

      L'hypothèse d'une bonne volonté de la part de la mairie de Tours, comme probablement de la part des autres mairies, semble exclue. Cela se vérifie quand on sait qu'elle a refusé un recours grâcieux sur le permis PCRDF et qu'en ce début 2014, elle défend encore ces constructions de cote 47,30 mètres en rez-de-chaussé et 50,50 m en 1er étage, devant le Tribunal Administratif d'Orléans. Attitude d'autant plus incompréhensible qu'il y a la présence aggravante d'un ruisseau souterrain, dont l'existence n'est même pas signalée dans le permis de construire. La mairie de Tours résiste aussi à un autre recours, plus ancien, sur une construction à moins de 300 mètres de la digue de l'autoroute (PCRCD) et probablement avec des hauteurs insuffisantes.

      Ce plancher de hauteur a été confirmé par la maire de St Pierre des Corps (NR 30/1/2014) et par le directeur de la DDT. Même si elles cherchent à retarder l'échéance, toutes les communes du Val de Tours finiront par appliquer cette contrainte déjà actée par la DDT.

      Des rez-de-chaussée "sans occupants"
      "A Saint-Pierre-des-Corps, les nouveaux logements doivent être surélevés au sol d'au moins 50 cm et comporter un niveau de vie au-dessus des plus hautes eaux connues. Au minimum chaque maison neuve doit disposer de combles aménageables avec des ouvertures permettant l'évacuation des occupants. « Une nouvelle conception de logements apparaît avec des constructions sur pilotis, où le rez-de-chaussée inondable n'est pas habité mais dédié au stationnement ou au rangement » indique le cabinet du maire."
      La NR du 30 janvier 2014 confirme, sur St Pierre des Corps, l'abandon des constructions
      de logements en rez-de-chaussée. Pourquoi n'est-ce pas confirmé sur Tours
      et sur tout le val de Tours ? Le danger est le même...


    2. Stopper l'extension des zones urbanisées

      En juillet 2013, le rapport de l'enquête sur le SCoT (en sa page 29), est très révélateur. Probablement convaincu par la déposition de l'AQUAVIT, le commissaire-enquêteur s'est inquiété du manque de détermination des élus. Il propose de ce fait un contrôle coercitif, demandant à ce qu'on "inscrive explicitement l'objectif chiffré de 2500 logements supplémentaires d'ici 2030 en zone inondable". L'agglomération Tour(s) Plus, plus exactement le SMAT, a refusé, acceptant néanmoins de "suivre de manière précise la production de logements en zone inondable". Le commissaire a aussi demandé "de ne pas augmenter globalement le nombre d'habitants en zone inondable, limiter l'urbanisation à l'enveloppe actuelle". Le SMAT accepte ces objectifs en s'engageant à modifier les contraintes cartographiques afférantes. Il a aussi précisé la "notion d'intensité urbaine modulable" par l'intégration de nouveaux indices et par des reformulations d'objectifs. Tout cela apparaît compliqué et laisse la porte ouverte à trop d'interprétations...

      Ce chiffre de 2 500 logements supplémentaires d'ici 2030, sans augmentation globale de la population, est à rapprocher de celui indiqué quelques mois plus tôt par le document IRCP : "construire 44 000 logements d’ici 2030 pour accueillir les nouveaux 38 000 habitants (INSEE, 2009). Clairement, le val inondable de l’agglomération de Tours est destiné à être contributeur de la production de logements". Cette conclusion est donc complètement désavouée, au moins théoriquement, puisque le SMAT accepte les deux objectifs du commissaire, conformes au PPRI en cours de révision. Il convient de les répéter tant ils rompent avec les politiques urbaines passées et tant ils ne sont pas encore admis dans la tête des élus et des habitants :
      • ne pas augmenter globalement le nombre d'habitants en zone inondable
      • limiter l'urbanisation à l'enveloppe actuelle

      Lors de notre entretien le directeur de la DDT était sur la même résolution de refuser toute extension nouvelle de zone urbanisée dans le val inondable.

      C'est un changement de politique urbaine essentiel, puisque, ces dernières décennies, la poursuite de l'urbanisation était la même que l'on soit en zone inondable ou pas, comme le montre ce schéma :


      [MVdL 2003]

      On revient ainsi à un concept développé en 1971 dans le document "Vers la Métropole Jardin" (livre blanc par l'OREALM, Organisation d'études d'aménagement de la Loire moyenne), visant à alterner zones urbanisées et coulées vertes. Mais que de retard, que de risques accrus, que de gâchis en devenir...


      Le concept de "Métropole Jardin" [d'après MVdL 2003]

      Malgré cela, rien ne semble bouger. En janvier 2014, "Tour(s) Plus le Mag", le magazine de l'agglo, publie un gros dossier de 10 pages sur le logement, sans la moindre remarque sur les zones inondables. Simultanément, la sénatrice-maire de St Pierre des Corps déclare à la NR : "Le travail que nous menons sur le comportement des digues ne doit pas empêcher le développement urbain". Les élus restent obnubilés par leur volonté de construire à tout-va, là où ça leur paraît possible.


    3. Une nouvelle cartographie des risques

      En novembre 2013, une triple cartographie RCIT s'inspirant de la nouvelle nomenclature de l'Union Européenne confirme l'aggravation des risques. L'ancienne échelle de fréquence des crues (décennales, cinquantennales, centennales...) laisse place aux crues "fréquentes", de périodicité de 10 et 30 ans (provoquant l'inondation de la plaine de la Gloriette, sans impact sur les quartiers de Tours), aux crues "moyennes", de périodicité de 150 à 200 ans (du type de 1846, 1856, 1866) et aux crues "exceptionnelles" de type "millénaires" (on a souvenir d'aucune de ce genre). Dans ce dernier cas, la ville de Tours serait presqu'entièrement inondée entre les coteaux de la Loire et du Cher, et ce serait pareil pour les communes avoisinantes.


      Inondation du val de Tours en cas de crue de probabilité "moyenne" [RCIT 2013]
      (cliquez sur l'image pour agrandir)


      Carte représentant les trois niveaux de crue (RCIT 2013)
      En vert foncé : inondation de crue "fréquente"
      En vert foncé + vert moyen : inondation de crue "moyenne"
      En vert foncé + vert moyen + vert clair : inondation de crue "exceptionnelle"
      Dans ce dernier cas, les Rives du Cher et le vieux Tours sont atteints, presque tout est inondé
      Pour St Pierre des Corps à droite et La Riche à gauche, une crue "moyenne" suffit pour tout recouvrir

      Les hauteurs de submersion sur les communes du val de Tours
      De manière générale, on peut retenir les éléments suivants pour ce qui est des hauteurs de submersion atteintes sur le val de Tours :
      • sur La Ville-aux-Dames : des hauteurs comprises entre un et deux mètres en général, sauf à proximité du site de la rupture de Conneuil ;
      • sur Saint-Pierre-des-Corps : des hauteurs supérieures au mètre dans tous les cas, et supérieures à deux mètres sur une grande partie de la commune (voire supérieures à trois mètres près de l’autoroute A10 et du Technocentre de la SNCF) ;
      • sur Tours centre : des hauteurs majoritairement supérieures à deux mètres, parfois supérieures à trois mètres (jardin des Prébendes, sud du quartier Velpeau). Le centre ancien de Tours reste quant à lui exondé dans le cas reconstitué ici, du fait de son altitude plus élevée que celle des alentours ;
      • sur La Riche – Saint-Genouph : les hauteurs concernant les zones à enjeux sont supérieures à deux mètres. On observe parfois des hauteurs supérieures à trois mètres, mais dans des zones plus rurales ;
      • sur Berthenay : des hauteurs quasi systématiquement supérieures à trois mètres, supérieures à quatre voire cinq mètres sur les parties les plus à l’aval.
      Sur la base de 1856, les hauteurs d'eau prévues sur Tours et ses environs
      [document DREAL 2012]


  6. 2014 à 2015, quelles nouvelles contraintes ?

    Le processus devant aboutir à un nouveau PPRI, se poursuit. Il a pris un an de retard et doit se terminer par une enquête publique en 2015. L'étude de dangers des digues du Val de Tours, qui devait être achevée fin 2012, semble être réalisée mais n'a toujours pas été publiée par la préfecture début 2014. Certaines contraintes plus ou moins énoncées doivent être précisées. Outre le PPRI, un Plan de Gestions des Risques d'Inondation (PGRI), au niveau du bassin de la Loire, doit être mis en place. Plus sévère que le SDAGE, il aura une dimension règlementaire et opposable. Voici les points qui nous apparaissent en suspens.


    1. Dans quelle mesure y aura-t-il inconstructibilité ?

      Dans sa recommandation n°6 de 2011, le commissaire-enquêteur du PLU de Tours avait déjà indiqué que "le remplacement et l’extension mesurée des constructions peuvent être admis dans la mesure où ils ne génèrent pas une augmentation significative de la population vulnérable". Dans sa lettre du 22 juillet 2013 au maire de Tours, le directeur de la DDT est plus précis : "Il est nécessaire de limiter l'urbanisation en zone inondable. En effet, la réussite d'une évacuation du val, si elle devenait inévitable, nécessite de limiter le nombre de personnes à mettre à l'abri". En cas de crue majeure, ce sont plus de 100.000 personnes qui devraient être évacuées en 2 jours dans le val de Tours.

      Le rapport de présentation Partie 2 du Plan de Sauvegarde PSMV 2013 va plus loin : "Un principe d'inconstructibilité sera appliqué dans les zones d'aléa fort. Le SDAGE prévoit toutefois qu'afin de préserver le caractère urbain des centres-villes, le remplacement et l'extension mesurée des constructions peuvent être admis dans la mesure où ils ne génèrent pas une augmentation significative de la population vulnérable et où les logements nouveaux sont conçus de manière à ne subir aucun endommagement".


      Tours 2003. Ci-dessus, la Loire le 3 septembre, avec au fond le pont de Fil.
      Ci-dessous, trois mois plus tard, le 9 décembre, trois photos au même endroit,
      entre ponts Wilson et de Fil, lors d'une crue de probabilité "fréquente"


      Maintenant que le SCoT s'applique, rejetant l'urbanisation en zones inondables et l'augmentation du nombre d'habitants exposés (voir précédemment), la résistance s'organise. Le maître mot est "résilience", c'est à dire la capacité des bâtiments à résister à une inondation et à retrouver un fonctionnement normal dans les meilleurs délais. L'essentiel serait que l'inondation ne fasse pas de victime. Peu importe les documents d'urbanisme, les conditions d'évacuation, les coûts d'assurance. Peu importe aussi que la nouvelle qualification des aléas dans les PPRI estime qu'une hauteur d'eau de 1 mètre doit être considérée comme "la limite susceptible de fragiliser les murs maçonnés qui ne résisterait pas à la pression hydraulique engendrée par la hauteur d'eau dans le cas d'une immersion prolongée (plus de 3 jours)" (critère MEEDDM).

      C'est sous l'étendard de la résilience que s'organise la désobéissance aux objectifs du SCoT en zones inondables, comme le montrent ces propos de la directrice de l'Urbanisme de Saint Pierre des Corps en avril 2012 : "La prise en compte de la résilience aujourd’hui ? On ne peut pas dire que nous soyons à ce niveau de réflexion, car on est encore à s’entendre dire : ’ah non, il ne faut plus construire’. Mais, ça ne peut pas être ça : ça peut pas être cette solution-là. Sinon, [Saint-Pierre-des-Corps] en a pour dix ans de construction et après on peut mettre la clef sous la porte". Il faut être accro au béton pour tenir de tels propos hélas très révélateurs de l'état d'esprit des (ir)responsables communaux. Pour eux le critère de réussite d'une ville est l'augmentation de ses habitants. Quand donc pourront-ils mettre au premier plan de leurs préoccupations la sécurité des citoyens et de leurs biens ?

      Les propos précédemment cités sont présentés comme un exemple vertueux dans le document IRCP de la revue EchoGéo d'avril 2013, basé sur les données obsolètes du PPRI de 2001 (aléas faibles) en oubliant sa révision en cours (aléas forts), sauf pour critiquer sévèrement ses orientations. Pensez-donc, l'inconstructibilité ! Par exemple : "Le concept de résilience amène peut-être à ne plus pouvoir considérer le PPRI comme un socle intangible fait d’un zonage et un règlement, tous deux communs à toute une même enveloppe territoriale. Les espaces inondables deviendraient non plus des contraintes, mais les leviers d’un nouveau développement mettant en valeur des zones humides". La lecture de ce document laisse entrevoir de sourdes rivalités, des "négociations en chambre", toutes les mairies n'étant pas sur un pied d'égalité, rien de bien clair... C'est peut-être ce qui a permis à la mairie de Tours, on l'a vu, de ne pas se préoccuper des contraintes jusqu'en 2012. A en croire ses promoteurs, la résilience aurait de nombreux mérites, notamment de solidarité sociale (!), ces paravents cachent l'émergence d'un nouveau lobby : celui des décideurs bétonneurs et bonimenteurs...

      Du coup, bien loin de la définition première de ce mot, la résilience devient "peu compatible avec une règle unique", elle est "communautariste plus qu’égalitariste" (document IRCP). L'exemple donné est clair : "La commune de Saint-Pierre-des-Corps revendique une approche différenciée de la règle générale pour proposer et négocier - avec succès - une dérogation à la norme du PPRI". Ainsi il y aurait une différence entre les communes dont la surface est 100 % inondable, comme St Pierre des Corps, et les autres. Imaginez une inondation qui effectuerait cette différenciation !! On est en zone inondable ou pas, le critère essentiel est la hauteur d'eau prévue, avec quelques autres comme la présence de zone SEVESO et on oublie qu'il y a en une St Pierre des Corps (Primagaz) et qu'il serait bon de la déménager. La nomination de Marie-France Beaufils, sénatrice-maire de cette commune, au titre de Présidente du Centre Européen de Prévention des Risques d’Inondation (CEPRI) amène donc à s'interroger. Ce n'est pas un traitement inégalitaire qui protégera efficacement les populations.


      Tours, quartier Velpeau, rue Deslandes, 1910 [carte postale]
      Sans même qu'il y ait de crues et de digues rompues, ce quartier, traversé
      par le ruisseau de l'Archevêché, maintenant enterré, était fréquemment inondé.
      Le creusement d'un grand réservoir d'eau rue de la Tour d'Auvergne
      vers 1994, a diminué un risque toujours présent.


    2. Va-t-on prévoir d'évacuer plus de 100.000 habitants ?

      La conversation que nous avons eue avec le directeur de la DDT laisse apparaître des incertitudes encore fortes sur ce qui sera décidé d'ici 2015. Il semble que les politiques font pression au maximum pour garder les mains libres. En particulier, la question semble se poser sur la nécessité d'évacuer les plus de 100.000 habitants des zones à risque. Ne pourrait-on limiter l'opération aux résidents des rez-de-chaussée et des premiers étages ? Mais alors que feraient ceux bloqués plus haut, sans électricité, eau, chauffage, tout-à-l'égout ? En quoi consistera la "Stratégie Locale de Gestion du Risque d'Inondation" et son "plan d'évacuation massive de la population" ?

      On devrait le savoir fin 2014 (volet règlementaire du PPRI). En attendant, la DDT n'agit que par les contraintes actionnées en 2013.



      Extraits de DICRIM (Document d’Information Communale sur les RIsques Majeurs).
      A gauche La Ville aux Dames ; à droite, au dessus Tours, au dessous La Riche


      Toute la zone doit être évacuée
      - Mais je resterai à l'étage et j'attendrai que l'eau soit partie pour redescendre. Ne vous inquiétez donc pas pour moi.
      - C'est totalement exclu. Toute la zone doit être évacuée. Les ordres sont stricts. Et puis si votre maison ne tenait pas le coup, hein !

      [...] Elle sait bien que, cette fois, elle va devoir s'incliner. Elle l'a lu sur le journal, entendu à la radio, vu à la télé. Il n'y aura rien de négociable.
      [...] La vieille femme, qui sait bien, au fond d'elle-même, qu'elle va devoir partir, a d'ailleurs passé la matinée à monter à l'étage tout ce qu'elle pouvait porter elle-même. Des volontaires l'aideront à monter lave-linge, réfrigérateur, cuisinière et meubles situés au rez-de-chaussée de sa vieille maison. Tout devrait tenir, en haut, même s'il va falloir démonter une armoire pour pouvoir la passer dans l'escalier. Quant au congélateur, il faudra le vider et tout jeter.
      ["Le jour où la Loire débordera...", par Michel Varagne, éd. CPE 2003]


      Tours, le 8 décembre 2003. Ci-dessous l'île Aucard, au premier plan,
      à fleur d'eau, inconstructible, construite et habitée...



    3. La digue de l'autoroute sera-t-elle déclassifiée ?

      Les décideurs s'interrogent aussi sur l'utilité de la digue de l'autoroute, anciennement digue du canal, séparant Tours de Saint Pierre des Corps. Les éléments suivants semblent pris en compte :

      • En cas de grosse crue, des brêches apparaissent probables. La digue avait déjà cédé en 1856 (en cinq endroits) et 1866. Trop haute et trop étroite, elle est aussi fragilisée par les divers canalisations qui la traversent, par l'érosion et la végétation, et par les percées de la voie de chemins de fer et de la rue du Dr Zamenhof (photo ci-dessous), même si un système de fermeture est prévu.


        Percées dans la digue de l'autoroute. Des encoches dans le béton (photo de gauche) permettent de fermer l'ouverture
        avec des pièces métalliques. Tours est sur le devant, Saint Pierre des Corps au fond (à l'Est).

      • Si la digue tient, elle empêche l'eau d'envahir Tours (si ça ne cède pas ailleurs), ce qui aggrave l'inondation sur Saint Pierre des Corps.

      • Si elle ne tient pas, la brêche provoquera un violent afflux d'eau quand la digue cèdera, ce qui provoquerait sur Tours davantage de dégats que s'il n'y avait pas eu de digue


        Crue de 1866 à Saint Pierre des Corps

      Une réflexion est donc menée pour savoir si on garde opérationnelle cette digue. Logiquement, trois issues pourraient se dégager :
      1. On maintient son utilité en classe A.
      2. On déclassifie la digue et on laisse l'eau se répandre en cas de crue.
      3. On adopte une position intermédiaire où on bloque l'eau tant que le niveau n'est pas trop élevé, et on la libère à partir d'une certaine hauteur qui permet de ne pas créer de brusques et forts remous.


    4. Les risques sur le Cher sont-ils minorés ?

      Les aménagements réalisés après guerre sur la Loire et le Cher imposent aujourd'hui une gestion différenciée des deux bassins. Sur la Loire, la fréquence des crues redoutables semble s'être réduite (de retour centenale à 170 ans). A l'inverse, sur le Cher, les endiquements et remblais contemporains aggravent la fréquence et la hauteur des crues.

      Les études récentes conduisent à nous interroger sur la connaisance des risques de crues sur le Cher. Contrairement à la Loire, le contexte a radicalement changé depuis le XIXème siècle cela n'est pas vraiment pris en compte  :
      1. le canal reliant le Cher à la Loire a disparu (remplacé par l'autoroute A10). Il permettait de répartir les afflux d'eau.
      2. le lit du Cher a été en grande partie remodelé à partir des années 1960. On n'a pas d'expérience de hautes crues dans cette nouvelle configuration. L'impact des travaux sur les débits et cotes n'a jamais été calculé en laboratoire.


        Crue du Cher de probabilité "fréquente" dans la 1ère moitié du XXème siècle (atlas Deffontaines tome 2)
        Au premier plan, la route de Pont-Cher, devant elle (en bas) la plaine de la Gloriette, restée très inondable.
        Derrière, ce qui est devenu le quartier des Deux Lions et tout au fond ce qui est devenu le quartier des
        Fontaines. Tous ces remblaiements ont accompagné l'endiguement du Cher dont le lit est devenu étroit.
        A gauche le Cher. Encore plus à gauche, invisible car hors cadre, le pont Saint Sauveur, puis, visible en noir,
        le pont SNCF de Vendée détruit durant la guerre, remplacé depuis 2012 par le pont du tramway.
        Plus loin sur le Cher, en blanc, le pont du Sanitas avec l'avenue de Grammont.
        Privée de cette zone d'expansion des crues, où passera toute cette eau ?

      3. ces dernières années, le fond du lit du Cher s'est élevé à rythme inattendu, interdisant par exemple d'utiliser le plan d'eau d'aviron de Rochepinard.
      4. les études actuelles ne prennent pas vraiment en compte les caractères spécifiques de l'hydrologie du Cher.
      5. la jussie envahit les berges. Cette plante aquatique enracinée immergée ou émergée peut former des herbiers denses presque impénétrables. Elle accélère le processus d'alluvionnement.


        D'après un article de la NR du 30 juillet 2012. Un autre article présente une opération
        d'arrachage en amont du pont Saint Sauveur : dans la NR du 21 septembre 2012.

      6. les digues ne sont pas toujours considérées comme telles. Ainsi, au niveau du quartier des Deux Lions, elle a disparu des cartes en 2009 sous prétexte que le remblaiement avait atteint sa hauteur. Pourtant elle n'a pas disparu... Cela permet de construire à côté, sans qu'il n'y ait besoin d'effectuer d'étude de dangers...
      7. le pont Saint Sauveur constitue un goulot d'étranglement provoquant une accélération des flots, un réhaussement des écoulements, donc des risques de surverse et de destruction. En 1856, en aval, le pont métallique tout neuf de Savonnières avait été emporté par la crue.
      8. En cas d'hiver très froid, une crue de débâcle peut survenir avec des blocs de glace. Une banquise se forme, son épaisseur peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres. Au moment du dégel, cette banquise se fragmente en d’importantes plaques qui peuvent se bloquer dans les méandres ou au niveau des ponts. La section d’écoulement se trouve alors très réduite.
      9. Le nouveau pont du tramway, en amont Saint Sauveur, a un tablier très bas, nettement inférieur au niveau des remblais, ce qui fragilise davantage cette portion de la rivière à hauteur du quartier des Deux Lions sur la rive gauche.
      10. La dissymétrie du système d'endiguement sanctuarise la partie la plus peuplée de Tours entre Loire et Cher. A l'inverse, la rive gauche, côté Deux Lions, pourra fonctionner comme un déversoir en période de crue importante.
      11. Au niveau de Saint Sauveur, la déclinaison du Cher est forte (schéma ci-dessous), ce qui accroît la rapidité des eaux et donc leur dangerosité.


      Document DREAL

      A notre connaissance tous ces facteurs de dangerosité ne semblent pas avoir été pleinement pris en compte.


      Ponts sur le Cher le 6 février 2013 :
      ci-dessus celui du tramway (l'Est au fond) et ci-dessous celui Saint Sauveur (l'Ouest au fond),
      alors que les eaux sont hautes sans que l'on soit en phase d'inondation.
      Depuis 1980, le chemin à droite de la photo du haut a été largement recouvert par les eaux, à plusieurs reprises.
      Le tablier de ce pont construit en 2011 est situé plus bas (1 m à 1,5 m) que le haut de la digue

      Le lecteur peut comparer cette photo avec la première de la page, correspondant à une crue de la Loire beaucoup plus forte.
      N'y a-t-il pas lieu de craindre que le Cher soit devenu plus dangereux que la Loire ?

      Le compte-rendu de la réunion du Comité de Pilotage des études de danger d'avril 2011 contient d'ailleurs des informations alarmantes et jusqu'ici cachées aux populations exposées. "La DDT 37 remarque la fermeture du Cher au droit du remblai des Deux Lions, du fait de l'extansion des îles et de l'alluvionnement". L'étude morpho-dynamique du val de Tours fait apparaître des évolutions redoutables : "La présence de la jussie sur l'ensemble du Cher, au droit du val de Tours, rend l'entretien du lit difficile et favorise sa fermeture...". "Une zone sensible, située au coeur de la ville de Tours avec des réductions importantes du lit endigué et d'anciennes balastières qui pourraient être capturées par le cours deau (Cher) provoquant une attaque des digues en cas de crue". La récente cartographie de la DREAL (RCIT) cible ainsi une "zone de dissipation d'énergie" au droit du pont du tramway au sud du Cher :


      Au quartier des Deux Lions et sur le lac de la Bergeonnerie, avec ajout d'un contour rouge,
      la "Zone de dissipation d'énergie dans l'hypothèse d'une rupture de la digue
      (limites indicatives qui restent à préciser lors des travaux de révision du PPRI)
      " [RCIT 2013]
      Rappelons que, dès 2011, François Louault, avait mis en exergue la dangerosité du lieu
      dans son recours contre la construction du pont du tramway (cf. cette page).
      Aujourd'hui, l'administration commence à le reconnaître...

      La DDT relève également "des zones d'érosion et d'étroiture à l'aval, secteur potentiel de brêche et de surverse du système d'endiguement". Là, précisément, où s'achève la construction de trois gros bâtiments au nord-ouest du quartier des Deux Lions, dans le prolongement du pont Saint Sauveur. Nul doute que ces constats inquiétants soient contenus dans les études de danger des digues. Alors que celles-ci sont publiées pour le val d'Orléans, doit-on s'étonner que pour le val de Tours elles restent à ce jour confidentielles ?



    En résumé, les contraintes apparues en 2010 n'ont été suivies de premiers effets qu'à la mi 2013 quand la DDT a commencé à être consultée pour les permis de construire en zone inondable. Il en est résulté une interdiction des logements en rez-de-chaussée et le respect d'une cote minimale pour les logements en étage. Cette mesure va très probablement être généralisée et systématiquement appliquée à partir du PPRI de 2015. Les conditions d'inconstructibilité et les limitations du nombre de constructions apparaissent incertaines tant que les conditions d'évacuation ne sont pas éclaircies, avec la connaissance des risques encourus. Tout cela doit se décider d'ici 2015 avec l'acceptation officielle du PPRI révisé et du PGRI.

    On sent qu'en coulisses se joue un bras de fer entre les élus qui veulent garder leur pleine liberté de construire et les décideurs chargés d'appliquer la directive européenne, davantage sensibles aux dangers encourus par la population, voulant limiter le nombre de personnes à évacuer et donc limiter la constructibilité.

    Telle est donc la situation en début février 2014, nous suivrons son évolution jusqu'à l'aboutissement de la révision du PPRI en 2015.


    La Loire vue du pont Wilson (au fond le pont Napoléon), le 11 mai 2013,
    un jour ordinaire de petite et courante crue



    Liens complémentaires 2014 :
    Documents complémentaires :


    21 septembre 2015. Alerte ! La digue de canal est en passe d'être déclassée, sans la moindre consultation populaire
    Le val de Tours deviendrait facilement inondable ! Lisez notre dossier


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