Bulletin de l'AQUAVIT d'octobre 2017 Tours : la métropole découvre la démocratie participative !
Il existe trois grands types de régimes démocratiques. Dans la démocratie directe, les citoyens exercent le pouvoir sans intermédiaire (pétitions, référendums...). La démocratie représentative le confie à des élus : conseillers locaux, députés, sénateurs... La démocratie participative intègre les citoyens à la prise de décision. Elle peut prendre de nombreux aspects : information, consultation, concertation, cogestion... Elle s’est d‘abord développée dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, avant de s’étendre aux questions de l’environnement. Les associations dédiées y prennent une place conséquente, comme interlocutrices des autorités publiques, donneurs d’alerte et outils de contrôle des lois et règlements. La récente mise en place d’un Conseil de Développement (CODEV) à la métropole et sa volonté de promouvoir la démocratie participative amorcent-elles une révolution dans une ville longtemps fermée au principe de participation citoyenne ? L’autoritarisme de la gouvernance Depuis plus d’un demi-siècle, l’agglomération tourangelle donne l’image d’une gouvernance verticale, voire autocratique. Une personnalité dominante s’empare des leviers du pouvoir et impulse toutes les grandes décisions politiques. Ce constat s’explique par l’émergence de personnalités locales d’envergure nationale : Jean Royer, André-Georges Voisin, Jean Germain, Philippe Briand. Les Tourangeaux se sont habitués à accepter les choix et projets de leurs « maires bâtisseurs ». Ces derniers étaient persuadés de savoir mieux que leurs concitoyens ce qui était bon pour eux. Le phénomène s’était amplifié avec le cumul des mandats, renforcé par la décentralisation (1982). Détenir un maximum de mandats était même considéré une preuve de compétence, de prestige et de poids décisionnel. Le surnom de « roi Jean » ne déplaisait pas à nos deux maires au long cours... Mais cette pratique pour laquelle notre ville excellait était porte ouverte aux dérives, conflits d’intérêts et multiples excès. La récente loi sur les cumuls pourrait remettre en cause le paysage politique de l’agglomération et favoriser une nouvelle conception du pouvoir. Des tentatives de participation citoyenne Longtemps, Jean Royer s’est efforcé d’être à l’écoute de la population, notamment à travers les comités de quartiers. En 1978, sur un projet d’importance, la reconstruction du pont de Pierre après son effondrement, il n’a pas hésité à consulter les citoyens par référendum ouvert à trois propositions architecturales. Au début de son second mandat, en 2003, répondant à une nouvelle législation, Jean Germain a, de son côté, instauré les Conseils de Vie Locale (CVL). Sous l’autorité du premier adjoint, Jean-Patrick Gille, des groupes de travail par thème permettaient des échanges constructifs entre citoyens, élus, et services techniques. Progressivement les sujets d’importance ont été éludés pour ne s’en tenir qu’à un exercice pédagogique et une petite gestion de proximité. Aujourd’hui, les élus utilisent les CVL comme lieux d’information, de communication et d’affirmation de leur prédominance. Pire, depuis quelques années, une désaffection croissante des citoyens et des élus s’observe dans la plupart des réunions de CVL. Les processus de consultation institués par la loi Bouchardeau en 1982 « relative au renforcement de la protection de l’environnement » n’ont guère eu d’impact à Tours. Une démocratie participative confisquée Une démocratie locale réduite à la seule participation tous les six ans (voire sept !), aux choix de ceux qui vont administrer la cité, n’est plus acceptable, surtout dans une agglo qui aspire à se voir reconnaître le rang de métropole. Les choix décisionnels majeurs résultent d’un jeu subtil entre une poignée de décideurs politiques, administratifs, économiques et médiatiques. Tous les leviers d’une véritable démocratie participative y sont actuellement inopérants : Une opportunité, le CODEV Sept ans après la loi de 1998 instituant ce type d’organisme, la communauté d’agglomération Tour(s) Plus, avait enfin mis en place son premier Conseil de Développement. Il devait permettre à la société civile de donner son avis sur les grands dossiers territoriaux. En 2014, à la suite des élections municipales, ce premier CODEV a cessé son activité. Une loi récente (août 2015) oblige toutes les collectivités de plus de 20.000 habitants à créer cette structure, dont les compétences sont renforcées. Ce nouveau CODEV a été installé fin 2016 sur la métropole de Tours. Il présente l’originalité de disposer d’un collège citoyen, intégrant des associations. Il peut débattre non seulement des sujets majeurs locaux, mais aussi s’autosaisir de questions qui lui semblent fondamentales. C’est ainsi qu’il a choisi de promouvoir la démocratie participative en organisant en septembre 2017 une formation destinée aux citoyens et à leurs associations. Que peut-on penser de cette initiative, boudée par les médias locaux ? Plusieurs membres de l’AQUAVIT ont participé à ces séances de grande qualité pédagogique, animées par l’universitaire Claude Ophèle. Ils ont fait le constat du retard préoccupant de notre agglo dans le domaine de la participation citoyenne et pris conscience des difficultés de la promouvoir ; mais aussi découvert des expériences réussies à divers niveaux, des villes comme Grenoble, La Rochelle, Nantes, Metz, ont fait de cette participation une priorité, en allant même au-delà de ce qu’impose la loi. Le président du CODEV de Tours, Loïc Vaillant, a manifesté sa volonté de donner toute sa place à cette nouvelle institution. Compte-tenu des héritages de la culture locale, la tâche est immense. Le site du CODEV : codev.agglo-tours.fr/ avec un cours en ligne sur la Démocratie participative |