Tours, le 6 décembre 2012 Monsieur le Préfet d’Indre et LoireL’Association AQUAVIT vous demande d’user de votre autorité afin d’obtenir l’annulation des permis de construire PC 3761 12 T 0124 et PC 3761 12 T 0075 délivrés par la mairie de Tours à la Société Nationale Immobilière (SNI) et à la SET les 8 et 24 octobre 2012. Ils portent sur la construction d’une tour d’habitation et d’un restaurant d’entreprise dans le quartier des Deux-Lions, immédiatement en amont du pont Saint Sauveur, dans un périmètre particulièrement exposé aux risques d’inondation du Cher. Lors du lancement des travaux de remblai de la plaine d’inondation de la Gloriette au début des années 1990, cet espace était même destiné à des travaux compensatoires aux remblais : suppression du coude du Cher en amont du pont, et travaux sur cet ouvrage afin d’en augmenter la débitance (ajout d’une ou deux arches, creusement du lit mineur…). Ces projets immobiliers se localisent sur le chenal d’écoulement d’un tronçon de surverse de digue fonctionnant lors de crues importantes (de retour cinquantennal). La fermeture complète de ce chenal par ces opérations immobilières déportera le danger de débordement sur l’autre rive du Cher vers la Riche et vers les quartiers récemment conquis dans le lit majeur du Cher. Plusieurs études récentes confirment l’exposition croissante au risque d’inondation de l’ensemble du lit majeur du Cher en rive gauche (sud), y compris le quartier des Deux-Lions pourtant remblayé. Elles valident les arguments qui avaient conduit l’Etat à interdire la poursuite de ce chantier d’endiguement-remblaiement en 1994 : La modélisation hydraulique Ingerop effectuée sur ce site lors des études « Loi sur l’eau » préalable à la DUP tramway (2010) aboutissait déjà à des conclusions préoccupantes : le pont Saint-Sauveur constitue un obstacle infranchissable pour des crues de débit supérieur à 1340 m3/s (comme en 1940 et 1982). Dans ce cas « l’eau peut franchir les digues sur la rive gauche en amont du pont Saint-Sauveur » (peut-on lire p.26). Exactement là où sont délivrés les permis de construire actuels. Des débits supérieurs à 1340 m3/s provoquent aussi des surverses « sur la rive droite en aval de la passerelle du Fil d’Ariane ». Plus inquiétant encore, le différentiel de calage altitudinal (1 mètre) entre digue du Nord et digue du Sud du Cher produirait une submersion généralisée du lit majeur artificialisé (et prétendu sécurisé) au Sud du Cher, du quartier des Fontaines au quartier des Deux-Lions inclus. Le compte-rendu de la 3ème réunion du Comité de Pilotage des Etudes de dangers (avril 2011) contient également des informations alarmantes, et jusqu’ici cachées aux populations exposées. « La D.D.T.37 remarque la fermeture du lit du Cher au droit du remblai des Deux-Lions du fait de l’extension des îles et de l’alluvionnement ». L’étude morpho-dynamique du Val de Tours fait apparaître des évolutions redoutables. « La présence de la jussie sur l’ensemble du Cher au droit du Val de Tours rendent l’entretien du lit difficile et favorisent sa fermeture »... « Une zone sensible située au cœur de la ville de Tours avec une réduction importante du lit endigué et d’anciennes ballastières qui pourraient être capturées par le cours d’eau (Cher) provoquant une attaque des digues en cas de crue ». La D.D.T. observe également « Des zones d’érosion et d’étroiture à l’aval, secteurs potentiels de brèches et de surverse du système d’endiguement ». Là précisément où l’on délivre ces permis de construire. Nul doute que ces constats seront repris dans les études de dangers des digues attendues fin 2012. Fermeture du plancher du lit mineur par alluvionnement. Remblaiement du lit majeur du Cher (Deux-Lions, Rives du Cher), obstacle à l’écoulement des crues du pont Saint-Sauveur, et aujourd’hui constructions interdisant toute possibilité d’écoulement dans le chenal de débordement : voudrait-on transformer la prochaine crue en catastrophe que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Les travaux préparatoires à la révision du PPRI Val de Tours-Val de Luynes et à la délimitation des Territoires à Risques Inondations importants (juin 2012) aboutissent au même constat : le secteur aval du Cher au droit du quartier des Deux-Lions constitue l’un des tronçons les plus exposés de tout le bassin de Loire Moyenne au risque inondation (Cf. votre arrêté préfectoral motivant la révision du PPRI de janvier 2012). Et la vitesse de colmatage inattendue du plan d’eau d’aviron un peu en amont ne fait que confirmer l’accélération d’une morpho-dynamique fluviale alarmante. En dépit de ces constats et des prescriptions du Code de l’Environnement, les populations riveraines sont tenues dans l’ignorance des risques objectifs d’inondation qui pèsent sur ce périmètre à la suite des travaux d’artificialisation conduits depuis cinquante ans. Se souvient-on que plus de 1000 Ha du lit majeur du Cher ont été soustraits de l’aire d’expansion naturelle des crues ? Les mesures compensatoires aux remblais en zones inondables, l’entretien du chenal artificialisé sont délaissés. Votre prédécesseur à la Préfecture d’Indre et Loire a même pris la responsabilité en 2009 d’un choix de classement des digues aberrant et indéfendable avec pour souci exclusif de permettre à la ville de Tours d’octroyer des permis de construire au mépris de la réglementation. Ainsi les digues du Cher ne sont ni répertoriées ni classées ni donc juridiquement soumises aux études de dangers et autres contraintes de sécurité. Ce sont là des pratiques indignes d’Elus et de Fonctionnaires censés assurer la protection des citoyens exposés aux risques majeurs. Un récent rapport de la Cour des comptes (juillet 2012) tirant le bilan des récentes catastrophes du Var et de Xynthia aboutit à des conclusions similaires : « documents d’urbanisme obsolètes », règlements de prévention « non actualisés dans les délais réglementaires », « contrôles insuffisants », « absence quasi-totale d’entretien des lits des rivières », invraisemblable foutoir dans le classement et la gestion des digues… Pas besoin d’attendre la prochaine crue sérieuse du Cher ou de la Loire pour dénoncer un constat aussi accablant à Tours. Une récente circulaire du Préfet coordonnateur du bassin de Loire-Bretagne vous demande la plus grande vigilance durant la période transitoire d’attente du nouveau PPRI Val de Tours-Val de Luynes. Dans les secteurs les plus exposés et lorsque de nouvelles constructions portent atteinte à la salubrité publique (ici périmètre de Protection Rapprochée d’un captage d’eau) ou à la sécurité publique, il vous est demandé « d’interdire tout accroissement de population dans la zone à risque fort (interdiction des permis de construire via l’article RIII-2 du Code de l’urbanisme) ». Vous avez également la possibilité « d’user des dispositions de l’article L562-2 du Code de l’environnement permettant au Préfet, en cas d’urgence, de s’opposer à la délivrance d’autorisation d’urbanisme ». Le rejet par vos services de ces permis de construire ne constituerait qu’une stricte application de cette directive. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations respectueuses.
François Louault,
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Tours, le 24 janvier 2013 Monsieur le Préfet d’Indre et LoirePar lettre recommandée avec A.R. du 6 décembre 2012 l’association AQUAVIT que je préside vous demandait de faire usage de votre pouvoir de contrôle dit « de légalité » afin d’annuler deux permis de construire (PC 3761 12 T 0124 et PC 3761 12 T 0075) délivrés par la mairie de Tours à la SNI et à la SET les 8 et 24 octobre 2012. L’AQUAVIT faisait valoir que ces permis avaient été délivrés dans le périmètre le plus dangereusement exposé aux risques d’inondation du Cher, au niveau d’un tronçon de surverse fréquente des digues, en amont immédiat du pont Saint Sauveur, dans une zone de remblaiement du lit majeur du Cher (ZAC des Deux Lions). S’ils se concrétisent, ces permis de construire vont à l’encontre de toutes les prescriptions communautaires et nationales en matière de lutte contre les inondations. Et ils sont délivrés au mépris des circulaires de la hiérarchie administrative (Préfet de Région Centre, coordonnateur de bassin de Loire-Bretagne, Ministre de l’Environnement, Directeur de la prévention des Risques majeurs). Toutes abondent dans le même sens : dans l’attente des études de dangers des digues (prévues fin 2012 !) toute construction nouvelle sera interdite dans une zone située à l’aplomb des digues sur une largeur de 100 mètres par mètre de hauteur de digue (SDAGE Loire-Bretagne). Et dans l’attente du prochain PPRI (révision en cours) il vous est demandé « d’interdire tout accroissement de population dans la zone à risque fort (interdiction des permis de construire via l’article RIII-2 du Code de l’urbanisme) », et « d’user des dispositions de l’article L562-2 du Code de l’environnement permettant au Préfet, en cas d’urgence, de s’opposer à la délivrance d’autorisation d’urbanisme » (Préfet de Région, coordonnateur du bassin Loire-Bretagne 17 mars 2011). Certes le quartier des Deux Lions n’est pas classé à risque dans l’actuel PPRI et pour cause : il n’était pas urbanisé à la fin des années 1990 lorsque le PPRI de 2002 a été établi). Mais compte-tenu de toutes les études hydrologiques récentes il le sera en zone d’aléas fort ou très fort. Quant à l’alibi du non classement des digues du Cher pour ne pas appliquer le SDAGE à TOURS (?) il résulte d’une faute grave de votre prédécesseur qui a procédé à un classement arbitraire et partiel, au mépris de la circulaire ministérielle du 16/04/2010 relative aux études de dangers des digues de protection contre les inondations fluviales : « au sens de la réglementation, le terme « digue » désigne le système complet d’endiguement, globalement cohérent du point de vue hydraulique et de la protection effective des populations ».(p.1 sur 28). Dans l’attente de ces études de dangers (qui auraient dû être réalisées avant fin 2012) et du nouveau PPRI, l’AQUAVIT vous demande à nouveau d’annuler les deux permis de construire mentionnés ci-dessus. Par votre courrier du 18 décembre 2012 vous nous faites part de votre engagement à examiner notre demande de recours gracieux. Un mois plus tard il s’avère sans réponse. Vous suggérez à l’AQUAVIT de préparer un recours contentieux auprès du Tribunal Administratif d’Orléans. Nous vous rappelons qu’il n’est pas du pouvoir d’une Association environnementale, fut-elle agréée au titre du Code de l’urbanisme, d’engager une telle procédure. Le contrôle de légalité est une compétence exclusivement préfectorale. Une association (ou un tiers) n’a que possibilité de vous alerter, de vous communiquer l’acte contesté. Elle a aussi le devoir de vous demander d’agir lorsqu’il y va de la sécurité des citoyens et de leurs biens. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations respectueuses.
François Louault,
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