Madame la Ministre,
Plusieurs opérations « d’embellissement » menacent des pans entiers du patrimoine de la ville de Tours, remis en cause par des procédures de contournement des lois protégeant sites et secteurs sauvegardés. Ainsi en est-il pour l’exceptionnel périmètre de composition classique côté Loire qui dès la fin du XVIIIème en faisait l’une des plus belles entrées de ville du royaume. « L’entrée de Tours est vraiment magnifique » s’émerveillait l’agronome voyageur A. Young arrivant dans la ville en septembre 1787. Un peu plus tard H.de Balzac, dans Sténie « ose dire qu’il est peu de capitales dont l’abord ait tant de dignité ». Pas surprenant que ce périmètre qui constitue un élément majeur du patrimoine urbain bénéficie de strictes protections juridiques et de l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Enjambant la Loire, l’incomparable pont Wilson semble osciller entre deux géométries qui façonnent ses têtes : circulaire pour la place Choiseul et carrée pour la place A. France. La première d’essence « douanière » encadrée par ses quatre élégants octrois. La seconde, davantage tournée vers le pouvoir politique (Hôtel de ville) et la culture (musée des Beaux Arts), ne s’est toujours pas remise des destructions de 1940. Après avoir beaucoup œuvré pour améliorer le projet initial de réhabilitation de la place Choiseul lié au tramway, Madame l’architecte des Bâtiments de France doit faire face à la volonté de décideurs incultes d’y implanter deux grands kiosques « attrape-soleil » (et attrape gogos) signés il est vrai Buren. Projet de goût douteux d’un point de vue esthétique et discutable en termes de création artistique. Ces kiosques ne seraient qu’une pâle réplique d’une « œuvre » déjà réalisée et brevetée en 2008 par le cabinet d’architectes Denu et Paradon pour la station terminus du tramway de Strasbourg ! L’installation prochaine de ces merveilles soulève un tollé général mais nos éminences veulent l’imposer à tout prix. Compte-tenu du peu d’empressement de Madame l’architecte des Bâtiments de France à laisser maculer cette place, la mairie de Tours a trouvé un subterfuge : l’œuvre sera installée sans l’autorisation spéciale de l’Etat ! Le représentant de l’AQUAVIT a été seul à s’opposer à cette supercherie lors de la récente réunion de la Commission départementale des sites et paysages. Pire encore pour l’avenir de la place A. France. Déjà malmenée lors des travaux de reconstruction d’après guerre qui ont privilégié les emprises viaires ; réaménagée lors de la construction du parking souterrain en 2003, elle en ressort avec une vilaine verrue. Destinée récemment à des aménagements prometteurs : « l’ensemble du projet renforcera l’image culturelle et touristique de la ville tout en redonnant au haut de la rue Nationale l’aspect qui était le sien avant guerre » peut-on lire dans le PADD de Tours en 2010. Les modifications apportées en 2011 au Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur vont à l’encontre de ces objectifs. Ce document n’évoque aucunement la façon dont la place sera recomposée et requalifiée. Seule certitude : exit l’architecture d’ordonnance classique d’avant guerre. Il faut des « signaux urbains », « marqueurs de l’entrée de la rue Nationale ». « La hauteur de ces deux tours peut-être augmentée afin d’offrir plus d’élancement, elle ne peut être réduite » lit-on dans les modifications apportées au Plan de Sauvegarde. Quant aux arbres restants ? Les tronçonneuses vont pouvoir à nouveau vrombir puisque la Commission locale du Secteur sauvegardé « n’émet pas d’objection quant à la suppression des Espaces Boisés Classés (EBC) de l’ensemble du Secteur sauvegardé » (sic). Seule l’AQUAVIT a dénoncé ces dérives inqualifiables lors de la consultation préalable à « la révision extension du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur » de Tours en novembre dernier. Pouvez-vous tolérer, Madame la Ministre, ces atteintes insupportables aux divers patrimoines, en secteur protégé, dans la capitale du jardin de la France ? Veuillez agréer Madame la Ministre l’expression de nos salutations respectueuses.
Le Président de l’AQUAVIT
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Monsieur le Préfet d’Indre et Loire,
Comme nous le pressentions depuis plusieurs mois deux grands kiosques « attrape-soleil » viennent d’être installés par le SITCAT sur la place Choiseul. Pour rappel ci-joint copie de la lettre adressée au Ministère de la Culture et aux administrations concernées en mars dernier afin de les alerter. Nous vous rappelons que cette magnifique place du XVIIIème siècle est classée. De ce fait toute installation de mobiliers doit au préalable obtenir une autorisation spéciale du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie. Ceci après examen du dossier par la Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites pour avis. Par ailleurs cette place Choiseul bénéficie de l’inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. La mise en place de ces mobiliers requiert donc également l’avis de la Mission Val de Loire. D’après nos informations aucune de ces conditions n’est remplie. Nous vous demandons donc de mettre les pièces justificatives à notre disposition. A défaut de faire enlever immédiatement ces mobiliers installés au mépris des règlements. Sinon l’AQUAVIT sera conduite à recourir à la justice administrative pour faire respecter à Tours les lois de la République. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations respectueuses.
Le Président de l’AQUAVIT
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Monsieur le Président,
Par lettre du 29 août 2013, vous avez appelé mon attention sur l'installation de deux grands kiosques "attrape-soleil" par le SITCAT sur la place Choiseul à Tours qui correspondent à une oeuvre d'art de l'artiste Buren mise en place au titre de l'extension de l'oeuvre urbaine de la ligne de tramway de l'aggloméraion tourangelle. J'ai l'honneur de vous faire savoir que les oeuvres d'art sont soumises à déclaration préalable au regard de l'article R. 421-25 du code de l'Urbanisme et Mme l'Architecte des Bâtiments de France a été consultée en application de l'article R. 423-59 du même code du fait de leur situation dans le périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre de smonuments historiques. C'est ainsi qu'en vertu de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, la décision de non-opposition prise par M. le maire de Tours à la déclaration préalable, en date du 8 juillet 2013, tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du Patrimoine. Par ailleurs, au regard du site classé, l'article R. 425-17 du code de l'Urbanisme précise que "lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu'avec l'accord express prévu par les articles L. 341-7 et L341-10 du code de l'Environnement. Cet accord est donné par le préfet dans les conditions prévues par l'article R. 341-10 du code de l'Environnement, après avis de l'Architecte des Bâtiments de France, lorsque le projet fait l'objet d'une déclaration préalable". Par conséquent, le 24 juin 2013 cette autorisation a été accordée par le préfet pour la mise en place d'une oeuvre d'art conçue par Daniel Buren au titre de l'extension de l'oeuvre urbaine du tramway de l'agglomération Tourangelle sur la place Choiseul de Tours. [...] |