Schéma de COhérence Territorial (SCOT) de l'agglomération tourangelle
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Tours le 25 juin 2013
DÉPOSITION ENQUÊTE PUBLIQUE SCOT AGGLOMÉRATION TOURANGELLEL’AQUAVIT s’interroge sur la portée, et même l’utilité de ce type de document d’urbanisme, compte-tenu de l’entassement des directives, codes, plans, schémas, programmes…(une trentaine au total) avec lesquels un SCOT doit être « conforme », « compatible », « en cohérence », « pris en compte »… Face à un tel enchevêtrement de textes dont l’application exhaustive relève du défi, les élus doivent choisir soit une stricte application de leurs contenus, paralysantes ; soit leur contournement, délétère.Le cas de l’agglomération tourangelle illustre le recours à la seconde option, ce qui conduit nos édiles à prendre beaucoup de libertés avec les lois de la République. En établissant des documents d’urbanisme ambigus, ou par le jeu de temporisations calculé, d’improvisations savantes, ils ont la fâcheuse propension à asseoir leurs projets sur des plans et règlements d’urbanisme caducs. Le précédent exercice de ce genre, le Schéma Directeur de l’Agglomération Tourangelle (SDAT) constitue une excellente illustration, obsolète dès 2003 à la suite de la modification du périmètre administratif de l’agglomération. Le lourd et minutieux travail prospectif préparant le SCOT d’aujourd’hui (« Objectifs 2030 ») survivra-t-il seulement à l’éclatement imminent de l’une de ses Communautés membres (C.C du Vouvrillon) ? Du fait de ces aléas, du manque de volonté de l’Etat à faire appliquer le contenu de ces documents d’urbanisme, il est même permis de s’interroger sur leur utilité. L’AQUAVIT limitera donc ses analyses et propositions à trois phénomènes majeurs qui hypothèquent l’avenir de l’agglomération : l’étalement urbain, la politique de densification, la prise en compte du risque d’inondation. 1. L’étalement urbainLe chapitre portant sur l’état initial de l’environnement donne la mesure de l’étalement démesuré de l’agglomération tourangelle depuis un demi-siècle. Tandis que la population doublait (174 000 habitants en 1954 ; plus de 360 000 aujourd’hui) la superficie urbanisée était multipliée par cinq. L’agglomération tourangelle détenait même la palme du record d’étalement pour les villes de son rang : 540 m2/h contre une moyenne nationale de 250 m2 en 2003. Il est cependant permis de douter des moyens retenus dans le SCOT afin de lutter contre la poursuite de l’étalement. La réduction de 1 200 à 800 ha urbanisables dans les projets affichés par les POS/PLU manque singulièrement d’ambition. L’AQUAVIT demande recours à des moyens de maîtrise plus contraignants. L’association propose notamment l’établissement d’un moratoire immédiat sur l’urbanisation des terres agricoles afin de sauvegarder ce patrimoine déjà fortement amputé par l’étalement urbain ainsi que par les grands chantiers d’infrastructure et la prolifération de parcs d’activités surdimensionnés.Les friches foncières spéculatives devraient laisser place à une agriculture périurbaine afin de promouvoir les circuits alimentaires de proximité. Notre association déplore également la timidité des seuils planchers de densité de logements retenus dans ce SCOT pour les communes périurbaines. Les longs délais de transcription des objectifs dans les PLU imposent un devoir de contrôle administratif sur les communes les plus laxistes pendant la période transitoire d’attente des nouveaux PLU. Au-delà, nous nous interrogeons sur l’application du principe de « respect de compatibilité » dans chacun des PLU à venir. L’AQUAVIT demande à M. le commissaire-enquêteur d’émettre une réserve imposant des mesures réellement coercitives de maîtrise de l’étalement urbain. 2. La densification et ses limitesL’AQUAVIT admet la densification comme une réponse adaptée au fléau de l’étalement urbain ; mais elle déplore qu’elle devienne prétexte à l’entassement de part et d’autre des infrastructures nouvelles de transports publics (tramway, Bus à Haut Niveau de Service) et à la destruction des derniers espaces verts de nos quartiers.Ainsi, pour le PLU de Tours, la mairie a rejeté les recommandations de M. le Commissaire Enquêteur de réduire le couloir de densification autour du tramway à 300 mètre et de « conditionner la construction sur une même parcelle publique ou privée au maintien de l’îlot de verdure, s’il existe », ce qui permet actuellement de délivrer des permis de construire allant à l’encontre de ces recommandations, dans plusieurs quartiers, St Symphorien, Velpeau… Nous remarquons qu’en 1954 l’espace urbanisé par habitant représentait 265 m2 dans la partie anciennement urbanisée de l’agglomération et atteint aujourd’hui 540 m2 à l’issue de la phase d’étalement urbain. C’est donc avant tout dans les périmètres issus de l’étalement contemporain qu’il faut introduire ce principe de densification. L’AQUAVIT dénonce les choix urbanistiques et architecturaux retenus dans le PLU de Tours qui rappellent fâcheusement les pratiques de l’urbanisation pompidolienne. De lourds immeubles s’agglomèrent en périphérie du pont Saint Sauveur, le long de la rue Blaise Pascal, boulevard Richard Wagner… sans oublier les projets contestés d’édification de tours, symbole d’un capitalisme immobilier arrogant et simpliste. En termes de densification ce choix est une aberration. Un centre urbain historique génère de plus fortes densités qu’un quartier vertical composé de tours éloignées les unes des autres proportionnellement à leur hauteur. En dépit des arguments fallacieux des promoteurs, des urbanistes, des multinationales du bâtiment, elles représentent un désastre énergétique et sociologique. L’AQUAVIT s’étonne également de la volonté de nos élus d’accroître de 36 000 habitants supplémentaires le poids de l’agglomération 2030. A quoi bon l’émergence d’un « bassin de vie » de 400 000 habitants s’étirant d’Amboise à Langeais ? Une urbanisation cohérente doit prendre en compte l’équilibre des territoires, des « bassins de vie », et non s’en tenir à un concept de « métropolisation » destructeur et révolu (la fameuse mégalopole tourangelle dont se targuent nos décideurs). 3. La prise en compte du risque d’inondationL’AQUAVIT déplore le décalage inquiétant entre l’évaluation du risque d’inondation dans les documents de planification (SDAGE, PPRI, SCOT, PLU…) et le comportement de nos élus sur le terrain. Le lancement de la procédure de révision du PPRI début 2012 semble même les pousser à accélérer l’urbanisation en zones inondables afin de devancer l’application d’un nouveau règlement beaucoup plus contraignant en matière de zonage. Comportement indigne d’élus responsables de la sécurité de leurs concitoyens. L’administration ferme les yeux sur ces pratiques et la justice administrative saisie à plusieurs reprises ne trouve rien à redire. Voilà quelques mois notre association a demandé au Préfet, en vain, d’user de son autorité pour obtenir l’annulation des permis de construire PC 3761 12 T 0124 et PC 3761 12 T 0075 délivrés par la mairie de Tours à la Société Nationale Immobilière (SNI) et à la SET (les 8 et 24 octobre 2012). Ces autorisations portaient sur la construction d’une tour d’habitation et d’un restaurant d’entreprise dans le quartier des Deux-Lions, immédiatement en amont du pont Saint Sauveur, dans un périmètre particulièrement exposé aux risques d’inondation du Cher. Ces projets immobiliers se localisent sur le chenal d’écoulement d’un tronçon de surverse de digue fonctionnant lors de crues importantes (de retour cinquantennal). La fermeture complète de ce chenal par ces opérations immobilières déportera le danger de débordement sur l’autre rive du Cher vers la Riche et vers les quartiers récemment conquis dans le lit majeur du Cher.Plusieurs études récentes confirment l’exposition croissante au risque d’inondation de l’ensemble du lit majeur du Cher en rive gauche (sud), y compris le quartier des Deux-Lions pourtant remblayé. Elles valident les arguments qui avaient conduit l’Etat à interdire la poursuite de ce chantier d’endiguement-remblaiement en 1994 :
Ces constats, pourtant repris dans les récentes études de dangers des digues, n’empêchent pas la multiplication des chantiers de construction y compris dans des zones particulièrement exposées aux risques. En dépit des prescriptions du Code de l’Environnement, les populations riveraines sont tenues dans l’ignorance des risques objectifs d’inondation qui pèsent sur ce périmètre à la suite des travaux d’artificialisation conduits depuis cinquante ans. L’entretien du chenal artificialisé est délaissé. La Préfecture d’Indre et Loire a même pris la responsabilité en 2009 d’un choix de classement des digues aberrant et indéfendable avec pour souci exclusif de permettre à la ville de Tours d’octroyer des permis de construire au mépris de la réglementation. Ainsi les digues du Cher ne sont ni répertoriées ni classées ni donc juridiquement soumises aux études de dangers et autres contraintes de sécurité. Un récent rapport de la Cour des comptes (juillet 2012) tirant le bilan des récentes catastrophes du Var et de Xynthia aboutit à des conclusions similaires : « documents d’urbanisme obsolètes », règlements de prévention « non actualisés dans les délais réglementaires », « contrôles insuffisants », « absence quasi-totale d’entretien des lits des rivières », invraisemblable foutoir dans le classement et la gestion des digues… Pas besoin d’attendre la prochaine crue sérieuse du Cher ou de la Loire pour dénoncer un constat aussi accablant à Tours. Une récente circulaire du Préfet coordonnateur du bassin de Loire-Bretagne demande la plus grande vigilance durant la période transitoire d’attente du nouveau PPRI Val de Tours-Val de Luynes. Dans les secteurs les plus exposés et lorsque de nouvelles constructions portent atteinte à la salubrité publique (ici périmètre de Protection Rapprochée d’un captage d’eau) ou à la sécurité publique, il est demandé « d’interdire tout accroissement de population dans la zone à risque fort (interdiction des permis de construire via l’article RIII-2 du Code de l’urbanisme) ». Lors de l’Enquête Publique PLU de Tours Monsieur le commissaire enquêteur avait déploré les projets de densification en zone inondable. Le rapport de présentation du SCOT rappelle dans la note de synthèse sur l’état initial de l’environnement que « la vallée de la Loire et du Cher dans l’agglomération de Tours fait partie des territoires classés à risque d’inondation important ayant des conséquences de portée nationale » (arrêté de novembre 2012 du ministère de l’environnement)…Ce rapport prend en compte la révision en cours du PPRI Val de Tours-Val de Luynes : « Ce PPRI ne devrait pas être approuvé avant fin 2014. La réévaluation des aléas actuels devrait aller dans le sens d’une augmentation de ces aléas. Les possibilités de développement de l’urbanisation dans les zones inondables restent pour le moment incertaines. Suivant cet inconnu, le SCOT devra anticiper la localisation des zones urbanisables ». Le projet de SCOT énumère les mesures permettant de réduire la vulnérabilité au risque d’inondation. Une carte (p. 257) montre que les études récentes préalables à la révision du PPRI classent la totalité du Val de Tours inondable en aléas moyen ou fort. Rappelons que les communes disposent d’un délai de trois ans pour inscrire ces contraintes nouvelles dans leur PLU. Mais rien ne leur interdit d’appliquer le principe de précaution et d’ « anticiper la localisation des zones urbanisables » conformément au SCOT. Compte tenu de la gravité des enjeux, l’AQUAVIT demande l’arrêt immédiat de la politique de densification urbaine sur les 15 % de la superficie du SCOT exposés au risque d’inondation. Nous ne pouvons admettre un document stratégique incompatible avec les règles élémentaires de précaution vis-à-vis du risque inondation. L’AQUAVIT souhaite que les modélisations et études hydrauliques soient inscrites dans le rapport de présentation du SCOT (état initial de l’environnement). Notre association demande donc à M. le commissaire enquêteur d’émettre une réserve en ce sens visant à « interdire tout accroissement de la population dans la zone à risque fort » dans l’attente du nouveau PPRI, des études de danger des digues, du classement par l’administration de l’intégralité des digues protégeant l’agglomération. |