En tant qu’association environnementale agréée, l’AQUAVIT a participé à toutes les réunions préparatoires du nouveau Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) notamment dans le cadre du comité de pilotage… Elle déplore le différentiel préoccupant entre la dégradation constatée de la qualité de l’air et l’absence de volonté politique et administrative d’y remédier. Elle observe, notamment, l’attitude affligeante des collectivités territoriales par l’intermédiaire de leurs représentants : Tour(s) Plus, SITCAT, ville de Tours… pour qui il est surtout important de ne rien faire. Il suffit pour s’en convaincre de lire les rapports des multiples collectivités sollicitées dans le cadre réglementaire de l’actuelle enquête publique : pour plus de la moitié (37/77), elles n’ont même pas daigné répondre.
Des milliers de Tourangeaux subissent une pollution chronique au NO2 et aux particules fines ou ultra- fines et, parmi eux, beaucoup respirent dans des corridors de forte pollution atmosphérique. Tout le monde connaît les problèmes de santé publique que soulève ce phénomène. En dehors des associations environnementales, personne ne veut prendre ses responsabilités. La DREAL et la Préfecture multiplient les réunions stériles, les élus de l’agglomération pratiquent la politique de l’autruche. Les autorités européennes ne peuvent que constater le non respect des directives sur la qualité de l’air et délivrer des dérogations.
Quelques observations sous forme de questionnement appelant réponses :
- L’AQUAVIT déplore l’absence totale d’impact médiatique (hormis annonce légale) dans la phase d’enquête public de ce PPA, sur un enjeu pourtant fondamental de santé publique et de qualité de la vie. A deux jours de la fin de cette procédure, presque tous les Tourangeaux ignorent l’existence même de ce document.
- Alors que le premier PPA quinquennal a été adopté en 2006 (2007-2011), pourquoi attendre 2014 pour lancer le second ? Et ainsi temporiser durant trois ans.
- Le décalage de l’information. Plus de 80% de la pollution résulte de la présence de l’autoroute A10. L’agglo tourangelle reste l’une des seules en France traversée par une autoroute surchargée. Les travaux préparatoires à ce plan s’avèrent incapables d’évaluer l’impact de la portion de rocade de contournement Ouest et Nord-Ouest sur la répartition du trafic. Le barreau Nord-Ouest achevé fin 2011 n’est même pas porté cartographié Pourquoi ces défaillances ?
- Les spécialistes de la DREAL et du SITCAT se montrent incapables de préciser l’évolution de la part modale de l’automobile dans le total des transports. Ils se réfèrent à l’enquête « Déplacements ménages » de 2008 dans l’attente de celle de 2015, tout en tablant sur une réduction conséquente des flux automobiles dans leurs simulations pour 2015. Or la poursuite de la croissance de la circulation automobile globale à l’échelle de l’agglomération ne semble guère contestable. Est-il réaliste de compter sur le seul renouvellement du parc automobile (devenant moins polluant) pour résoudre la pollution ?
- L’impact modal du tramway et des lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) n’est pas objectivement précisé. S’ils contribuent à la réduction sensible du trafic auto dans le centre de l’agglo, les flux se trouvent déversés sur les communes périurbaines. Aucune évaluation n’est apportée sur cet aspect.
- Comment ne pas être surpris par le manque de réactivité des autorités lors des fréquents épisodes de dépassement des seuils. Ainsi lors du dernier pic de pollution exceptionnelle des 6-17 mars 2014 les mesures d’exception n’ont été prises que les 15 et 16 mars. Certains départements, comme le Loiret, ont mis en place des conseils en mobilité afin d’accélérer les mesures en cas de pollution exceptionnelle.
- Le PPA n’ayant pas de portée juridique coercitive, les mesures proposées devraient être déclinées dans les documents « opposables » tels que le PDU ou les PLU. Or ces documents manquent singulièrement d’ambition dans le domaine des mesures concrètes et sont remis en cause avant même d’être appliqués (Cf. : SCoT à Joué les Tours).
- La trop lente valorisation de l’étoile ferroviaire, les retards pris en matière de fret ferroviaire, les atermoiements dans le domaine du contournement de l’agglo (connexion barreau Nord-Ouest – autoroute A10, choix concernant la partie Est de l’agglo…) n’interdisent-ils pas les velléités de lutte contre la pollution atmosphérique ?
- Le projet d’autoroute ferroviaire Paris-Bordeaux lancé en 2014 est évoqué dans le PDU, il pourrait réduire la traversée de l’agglo de 240 poids-lourds par jour à l’horizon 2020, il n’est même pas mentionné dans le PPA.
- Le projet d’autoroute ferroviaire Paris-Bordeaux lancé en 2014 est évoqué dans le PDU, il pourrait réduire la traversée de l’agglo de 240 poids-lourds par jour à l’horizon 2020, il n’est même pas mentionné dans le PPA. Que représente ce chiffre par rapport au total des flux de camion ?
Concernant le PPA et son contenu :
- Contexte et état des lieux
L’évaluation des conséquences de la pollution atmosphérique en matière de santé nous paraît largement défaillante. Ce plan rappelle l’hypothèse de 83 décès annuels sur l’agglomération liés aux non respect des normes, mais ce calcul ne porte que sur sept communes, alors que l’agglomération élargie en compte quarante. Un récent rapport de l’Agence Régionale de la Santé (ARS) et un autre de l’Institut de Veille Sanitaire (IVS) insistent sur la dangerosité des taux de pollution en particules fines et ultra fines : "Cet impact sur la santé […] reste sous-estimé car seuls les évènements de santé les plus graves (décès, hospitalisations) sont pris en compte" (Dominique Jeannel).
Le fait d’habiter à proximité d’un trafic routier intense réduirait sensiblement l’espérance de vie. Ainsi l’étude Aphekom 2011 sur l’impact de la pollution de l’air sur la santé dans l’Union Européenne démontre la dangerosité de ces particules ultra fines. Elle pourrait réduire de deux ans l’espérance de vie des populations exposées. Or rien n’est prévu dans le PPA pour lutter précisément contre ce type de polluant.
Quant à l’impact du trafic routier sur le niveau de NO2, seule l’autoroute A10 qui traverse l’agglo est prise en compte ; Aucune donnée ne porte sur le périphérique Ouest pourtant devenu maillon essentiel de la circulation automobile, ni sur les communes périurbaines où se concentrent de plus en plus les flux automobiles récents et à venir. Une campagne de mesures Lig’Air par station mobile s’impose d’urgence pour préciser les rejets polluants.
Le futur PPA rappelle sa nécessaire compatibilité avec le Schéma Régional Climat Air Energie, or les objectifs de celui-ci pour 2020 s’avèrent beaucoup plus exigeants. Le PPA doit également être compatible avec le PDU. Celui-ci, adopté en 2013, manque singulièrement d’ambition. Certes, il rappelle les dépassements fréquents des seuils de NO2 2009-2011 et le rôle des poids-lourds dans ces dépassements, mais il reste très discret sur les moyens concrets à déployer. Il constate la poursuite de la hausse du trafic sur l’autoroute A10, avec les fortes nuisances environnementales en matière de pollution atmosphérique et de bruit, constituant "un danger potentiel pour la santé des populations exposées". Il préconise la mise en place d’un groupe de travail pour explorer les mesures souhaitables et émet le souhait d’un concours d’idées pour pacifier la traversée de l’agglo par l’A10. Pas très convaincant comme mesures d’urgence.
Concernant le projet d’élargissement à deux fois trois voies de l’A10 au sud de l’agglo (Chambray), le PDU rappelle qu’il s’agit d’un projet de Cofiroute pour lutter contre la congestion lors des grands départs. Ce projet n’est pas demandé par l’agglomération et il n’est pas de nature à limiter les nuisances environnementales liées à l’A10. L’Etat, via la Préfecture d’Indre et Loire, appuie néanmoins ce projet inutile. Sa concrétisation se précise. Il serait bon que M. le Commissaire Enquêteur se positionne par une réserve sur cette question cruciale. Ce n’est pas en favorisant la croissance des flux autoroutiers sur l’A10 que l’on va améliorer l’état de l’atmosphère et atteindre les objectifs du Plan Climat.
- Qualité de l’air et contexte territorial
L’AQUAVIT s’étonne de l’optimisme de nos décideurs au regard du tableau de la page 72 et de la carte montrant l’évolution des rejets de NO2 au cours des dernières années, notamment constaté sur les sites de proximité de trafic (capteur Pompidou). Nous souhaiterions connaître les informations susceptibles de justifier les simulations permettant de prévoir une baisse spectaculaire des populations exposées d’ici 2015. Comment peut-on envisager une réduction drastique des émissions de NO2 entre 2008 et 2015 (-34%), alors que la circulation ne cesse d’augmenter et que les niveaux relevés par Lig’Air en site trafic augmentent depuis 2008 ?
En 2010, 4148 personnes sont exposées, elles seraient 1960 à l’horizon 2015 si on ne fait rien, il est prévu qu’elles soient 1310. C’est encore loin des objectifs communautaires : "A l’horizon 2015, aucun habitant ne doit être exposé au dépassement d’une valeur limite". Quel crédit accorder à ces modélisations et simulations fantaisistes ? Alors même que les propositions du 2ème PPA ne seront pas encore opératoires…
- Actions prises pour la qualité de l’air
Ces simulations (« Tendanciel horizon 2015 ») nous paraissent fondamentalement viciées, puisqu’elles se basent sur des paramètres de rejet (NO2, particules fines) établis au niveau national. Or, il va de soi que les agglomérations comme la nôtre, qui dépassent les seuils réglementaires, ne sont pas dans la moyenne. Par ailleurs, l’origine des émissions nocives est bien connue et ciblée : l’autoroute A10 qui balafre l’agglo en représente 80 %. Toutes les villes traversées par des autoroutes intra-urbaines datant des années 1960-70 ont réalisé des contournements, sauf Tours. Là est le fond du problème que nos décideurs refusent d’aborder. Toute mesure qui ignorerait l’importance de ces flux autoroutiers, notamment, liés à la circulation des poids-lourds, serait globalement inopérante.
De plus, le recensement et le traitement spécifique des « mailles sensibles » constituant les points prioritaires d’action visant à réduire la pollution, reste à appréhender, faute de relevés suffisants. Comment les préciser ? Le périphérique Nord-Ouest, qui n’est même pas présent dans la cartographie PPA, est démuni de capteurs. Comment imaginer une baisse de la pollution sur ce barreau alors que le trafic y explose depuis son ouverture en 2011 ? D’autre part, des études ponctuellement conduites par Lig’Air à partir de stations mobiles prouvent que ces mailles sensibles débordent largement du périmètre de l’agglomération. Ainsi, à Cormery en 2011, le niveau de particules fines était aussi inquiétant que celui enregistré sur les "sites trafic" de l’agglo. On peut s’étonner de ces déficiences. Qu’en est-il par exemple des axes d’entrée saturées de l’agglomération par les 40.000 "navetteurs" quotidiens, pour la plupart dépendants de leur véhicule automobile afin de se rendre au travail (levée de la Loire, du Cher…) ?
Sans prétendre réaliser une analyse méthodique des 18 actions prévues au futur PPA, arrêtons-nous cependant sur trois points :
- Volet urbanisme-planification.
1. Le PPA doit avoir des liens de compatibilité avec le Plan Régional Santé Environnement (PRSE) 2010-2014, le PDU, le SCOT et le Plan Climat. Il s’appuie sur ces liens de compatibilité pour fixer et réaliser les objectifs de qualité de l’air. Or ce préalable nous semble totalement illusoire tant l’agglo fonctionne en matière de planification urbaine, de code de l’urbanisme ou de l’environnement comme un périmètre de non droit.
Exemples :
- A peine adopté, le SCOT de 2013, est remis en cause par la commune de Joué lès Tours sur le projet des Courelières, avec l’accord de la Préfecture et de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial pour une nouvelle ZACOM totalement dépendante d’une clientèle automobile, par un accès non prévu au PDU et les réserves imposées par M. le commissaire-enquêteur ne sont pas finalisées à ce jour.
- Au lendemain de son adoption, le PDU de 2013 est contesté par le président du SITCAT lui-même (et président de Tour(s) Plus), annonçant qu’il ne tiendrait pas compte des réserves de M. le Commissaire-Enquêteur
- c. Mieux encore, la percée de la ligne de Bus BHNS "Tempo" dans le bois de Grandmont s’est effectuée au mépris du PDU de 2003 et du PLU de 2011, sans étude d’impact, sans enquête public, avec l’accord de la DREAL, de la Préfecture, sans que le Tribunal Administratif d’Orléans ne trouve à redire…
Quant aux modalités de suivi annuel du PPA, il est à craindre qu’il en soit de même que pour les planifications précédentes (SDAT de 1994, PDU de 2003…) : inexistantes.
Nous demandons à M. le Commissaire-Enquêteur d’émettre une réserve pour prendre pleinement en compte les réserves et contraintes émises dans les conclusions des enquêtes publiques du SCOT 2013 et du PDU 2013 de l’agglo. Exemple : préciser les surfaces maximales urbanisables dans les PLU de chaque commune de l‘agglo et effectuer un suivi annuel de ces attribution afin de maîtriser l’étalement urbain.
- Volet transports
L’autoroute A10 et la problématique d’ensemble du contournement de l’agglo par les flux automobiles, notamment des poids-lourds, constituent la clé de la maîtrise de la pollution atmosphérique. Nous demandons à M. le Commissaire-Enquêteur d’imposer à la ville de Tours, à l’agglomération Tour(s) Plus, au Conseil Général de s’engager sur des projets précis pour détourner les flux automobiles en cause. Lors de la préparation de ce PPA, des propositions concrètes de plans de contournement de l’agglomération par les poids-lourds avaient été faites (Y. Gahat de l’association SECTEUR T et C. Moron de l’association ARIAL). Elles ont été rejetées. Nous demandons donc à M. le commissaire-enquêteur d’émettre une réserve sur ce point qui nous paraît décisif.
- Problème des pics de pollution
3. Les épisodes répétitifs de pics de pollution (dont celui de mars dernier) n’ont malheureusement pas servi de leçon. Le volet « Renforcement des actions en cas de pic de pollution » apparaît dérisoire. Comment les citoyens peuvent-ils admettre qu’à ce jour, en dépit des moyens sophistiqués de prévision météorologique et de pollution, il soit si difficile de mettre en œuvre des mesures coercitives ? Comment supporter qu’il faille attendre un « projet d’arrêté ministériel qui encadre précisément les arrêtés préfectoraux de mesures d’urgence » pour rendre l’administration plus réactive face à des problèmes d’urgence en matière de santé publique ? Et comment accepter que ces mesures soient tributaires d’enjeux financiers ? (coût d’une journée de gratuité pour les transports publics)
En conclusion, tournons-nous vers l’avis motivé du Conseil Régional de la Région centre sur ce projet de PPA : "Avis favorable, sous réserve de l’ajout d’actions supplémentaires permettant d’atteindre les objectifs réglementaires en termes de réduction d’émission d’oxyde d’azote et de particules ; et garantir l’absence d’exposition de la population à des dépassements des valeurs limite de ces polluant ». Nous y joignons nos trois propres réserves édictées ci-dessus, ainsi qu’un certain nombre d’observations et de recommandations.
Quelles actions supplémentaires permettant d’atteindre les objectifs réglementaires propose donc le Conseil Régional ? Quelles mesures seraient susceptibles de protéger la population ?
Compte-tenu de toutes ces critiques et du manque d’ambition, ce PPA répond-il à la gravité et au caractère d’urgence de la situation locale ?
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