L'inondation du val de Tours fait partie des trois catastrophes naturelles les plus redoutées en France (avec une crue de Paris type 1910 et un tremblement de terre sur la Côte d'Azur). D'où l'importance fondamentale de la révision du PPRI dont le projet est actuellement soumis à enquête publique. L’AQUAVIT, avec d’autres associations, telle Loire Vivante Touraine, s’oppose depuis 25 ans aux projets de barrages, remblais, artificialisations des lits de la Loire et du Cher (Deux Lions, Gloriette…). Elle a contribué au Plan Loire Grandeur Nature, qui a permis le classement du fleuve au Patrimoine Mondial. Elle ne peut qu’approuver les objectifs recherchés : préservation des champs d’expansion des crues, des capacités d’écoulement des fleuves, assurer la sécurité des personnes et des biens, intégrer les ouvrages de protection dans une approche globale. Mais les moyens retenus dans ce projet soulèvent de nombreuses questions. Celles-ci portent sur le degré d’aléa retenu par ce document, sur ses implications en matière de cartographie du risque et du règlement et sur la crédibilité même de cette révision aux enjeux considérables. 1) Un nouveau PPRI exagérément alarmiste La révision du PPRI engagée depuis 2012 s’inscrit dans le prolongement des inondations catastrophiques du début XXIème en Europe sur le Danube, l’Elbe, Vistule, tempête Xynthia, crues méditerranéennes récentes. Une crue exceptionnelle de la Loire n’est certes pas une hypothèse à exclure, ce fleuve restant l’un des plus complexes en matière d’hydrologie et de risques, mais la gestion d’un tel scénario catastrophe (qui submergerait tout le val de Tours y compris les remblais Rives du Cher, Deux- Lions, tertre historique…. comme le montre la carte proposée page 17) relève de l’échelle de tout le bassin de Loire (PGRI) et non d’un PPRI val de Tours, val de Luynes. Alors qu’après les grandes crues du XIXème siècle, les aménagements destinés à protéger les populations du val s’étaient multipliés, le PPRI de 2001 admettait que le cœur de l’agglomération tourangelle, totalement endigué, était pratiquement sanctuarisé, au moins pour les crues centennales. L’arrêté préfectoral relatif à l’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers sur les risques d’inondation (2012) rappelle que pour « le centre-ville de Tours, entre Vieux Tours au Nord, Rives du Cher au Sud, Digue du canal à l’Est, et La Riche à l’Ouest, il a été estimé dans le PPRI que la probabilité d’une inondation « type 1856 » était faible, du fait de la présence de l’ancienne digue du Canal, qui constitue une protection efficace ». Cela explique un classement de ce périmètre en aléa faible, malgré des hauteurs de submersion maximales pouvant atteindre 4 mètres. Le retour d’une inondation « de type 1856 » est estimé à 170 ans. La protection théorique du cœur métropolitain de l'agglomération est évaluée à un retour de 5 siècles. Afin de tenir compte de nouvelles études, le préfet d’Indre et Loire a présenté en 2012 un arrêté de révision du PPRI de 2001. Cette décision est motivée par une connaissance plus précise de la hauteur prévisible des crues, par le résultat de modélisations des crues de la Loire et du Cher et la prise en compte d’aléas spécifiques, ruptures de digues, vitesses d’écoulement, négligées jusqu’alors. Sur ces bases, l’Etat a rehaussé de façon significative les niveaux d’aléas dans le cadre de cette révision du PPRI. La nouvelle cartographie des zones inondables du centre-ville de Tours et plus généralement du val de Tours – val de Luynes s’avère ainsi particulièrement alarmiste. Près de la moitié du val de Tours devient classé en aléa très fort, en sur-aléa pour les zones de dissipation d’énergie (ZDE) résultant de la rupture des digues, en zones d’écoulement préférentiel particulièrement exposées. Page 33 du dossier d’enquête publique on peut pourtant lire : « il n’y a pas eu depuis 2001 d’événement nouveau pouvant conduire à une modification de l’aléa de référence (crues de 1846,1856 et 1866). De plus, l’analyse réalisée pour l’étude de dangers des digues de classe A ne met pas en évidence de preuve formelle traduisant une évolution de la nature des crues liée au changement climatique ». De ce fait il est permis de s’interroger sur la cartographie du scénario retenu pour établir le PPRI (carte page 17/78). Le système d’endiguement en place avait évité la catastrophe en 1846 ; le renforcement de la digue du Canal après la crue de 1856 a sauvé le Val de Tours d’un nouveau désastre en 1866. L’endiguement a été renforcé depuis 150 ans. Comment alors expliquer qu’une carte simulant un scénario d’inondation de probabilité moyenne (1 à 2 siècles) submerge tout le val ? 2) Une gestion calamiteuse du système d’endiguement En dépit de l’affirmation péremptoire des services de l’Etat, la fiabilité du système d’endiguement est la clé de voute du PPRI. Or la conduite de sa gestion administrative interroge. Le classement officiel des digues (2009) oublie celles de classe B, très importantes sur la rive gauche du Cher, côté de St Avertin. Rive droite, un important tronçon de la digue de Rochepinard n’est pas classé. Le récent arrêté de déclassement, outre la digue du Canal, fait disparaître la digue Wagner du système de protection. Ainsi, le polder de Rochepinard qui s’étire du pont ferroviaire de Bordeaux jusqu’au bois de Plante, d’aléa faible dans le PPRI de 2001, passe en sur-aléa dans le nouveau PPRI. Concernant la digue du Canal, estimant qu’elle est « inutile et dangereuse », l’Etat a pris le risque de la déclasser le 19 janvier dernier, alors qu’il la considérait jusqu’ici, comme un élément majeur de protection du val de Tours – val de Luynes ( « protection efficace » d’après l'arrêté préfectoral de décembre 2012, postérieur donc au début de la procédure PPRI). « Une fois le déclassement effectif, la mise en transparence de cet obstacle (devenu un remblai en zone inondable) devra être recherchée et rendue opérationnelle par tous les moyens, de manière totale ou partielle. Les effets de cette mise en transparence sur le risque de rupture de l’ouvrage seront modélisés et analysés dans une étude hydraulique » (avant-projet, page 68) : on met en transparence d’abord, on en analyse l’impact ensuite : conception singulière et peu rassurante d’un plan censé protéger les gens ! Est-ce conforme aux réglementations actuelles, y compris la Directive européenne Inondations ? (SLGRI…) Il faut savoir que ce sont de basses motivations économiques qui ont déterminé ce déclassement : création d’une bretelle d’autoroute vers les Atlantes / Ikéa (étude lancée début 2015, dont on a eu aucun retour), ouverture de nouveaux passages dans la digue, développement d’activités sous l’autoroute, volonté de réhabilitation immobilière pour respecter les nouvelles normes du PPRI, extension de zone d’entreprises… Tout ceci au détriment de ce qui était la fonction même de l’ouvrage : la protection des citoyens et de leurs biens. Ce choix de déclassement d’une composante majeure du système d’endiguement du val de Tours a des implications considérables : en cas de défaillance d’une digue à l’amont du périmètre PPRI (Conneuil, Montlouis...), de retour assez fréquent - 70 ans - c’est tout le val qui serait inondé, exposant plus de 130 000 personnes à la catastrophe. Ainsi comprend-on pourquoi le PPRI 2016 aggrave l’aléa et est beaucoup plus contraignant qu'en 2001. Tout cela interroge, alors que depuis plus de 150 ans cette digue n’avait cessé d’être renforcée et était considérée comme fiable, de ce fait classée A en 2009. Par ailleurs, la multiplication des aménagements, tant sur l’ensemble du bassin de Loire que localement, laissait penser que la probabilité de crues de type 1856 dans la traversée de l’agglomération était fortement réduite : Ceci faisait admettre à l’Etat, à nos édiles (Jean Royer, Jean Germain), que la pire crue connue de l’histoire contemporaine (1856) traverserait probablement le val de Tours sans trop de dommages. Le risque, bien réel lui, résulterait d’une brèche en amont de l’agglomération (Conneuil…), mais dans ce cas d’espèce, la digue de Canal serait sans doute salvatrice, comme elle l’a démontré en 1866. Ces éléments scientifiques ont-ils été pris en compte ? Une inondation du val par le Cher n’est pas non plus à exclure compte-tenu des aménagements considérables engagés depuis un demi-siècle (Rives du Cher, Deux-Lions) et qui à ce jour n’ont pas été éprouvés par une crue sérieuse. Rappelons que cette révision du PPRI avait été reportée dans l’attente de nouvelles études de dangers sur les digues du Cher de classe B, rive gauche. Celles ne seront pas terminées avant la fin 2016. Par ailleurs, le « risque Cher » n’est pas pleinement pris en compte, seules certaines digues de rive droite ont été concernées par les études de danger. Les travaux préparatoires au PPRI reconnaissent que l’hydrologie du Cher est mal connue et que l’impact des travaux dans la traversée de Tours depuis 50 ans n’est pas pris en compte. Cette rivière a pourtant fait l’objet d’une récente thèse d’Etat en hydrologie (Philippe Garnier), méconnue des services de l’Etat. Lors des travaux préparatoires au chantier du tramway, une lourde étude hydrologique avait également été réalisée (Sté INGEROP), elle aussi méconnue. Et pourtant elle démontrait qu’en cas de crue importante, des submersions de remblais étaient prévisibles en amont du pont St Sauveur. Comment se fait-il que la révision se finalise dans de telles conditions ? L’hypothèse d’une inondation par l’aval (« remous ») n’est pas exclue. La dernière inondation sérieuse qui ait menacé le val de Tours, en janvier 1982, était de ce type. Jean Royer avait par la suite fait programmer la construction d'une digue transversale à Saint Genouph dans le SDAUT de 1993, pas réalisée à ce jour. Compte-tenu des ouvrages écrêteurs de crue d’amont (Villerest, Naussac) et de la répartition des déversoirs, les inondations océaniques de Loire moyenne ne sont-elles pas plus à craindre que les crues cévenoles ? 3) PPRI : un nouveau règlement drastique Refusant de suivre les conclusions de l'étude de dangers de 2013, l’administration, guidée par une interprétation tendancieuse d'un Atelier National, a opté pour la mise en transparence de la digue du Canal, tout en établissant une cartographie de l’aléa s’appuyant sur son existence en l’état. Cette décision n’a pas manqué de soulever de vives réactions lors des réunions publiques programmées dans le cadre de la seconde phase de concertation sur l’avant-projet. Près de 150 Tourangeaux se sont inquiétés de ce déclassement auprès des services de l’Etat (cf. rapport concertation). Le mécontentement s’est aussi concrétisé lors des réunions des conseils municipaux des 18 communes concernées appelées à se prononcer sur ce texte. Les élus se rendent enfin compte des implications concrètes du PPRI traduites au niveau du règlement. Celui-ci devient particulièrement contraignant dans les règles d’urbanisme et de construction. Concernant les communes de l’Ouest du val, les élus se sont enfin inquiétés des interdictions qui en résultent. Par exemple, le développement du Géant – Casino de la Riche ne pourra pas s’agrandir (N.B. : à la différence des Atlantes et d’Ikéa qui vont bientôt bénéficier d’une nouvelle desserte). Autre exemple, la station d’épuration de Savonnières devra remonter sur le coteau. A St Pierre des Corps, lors du conseil municipal portant sur le PPRI, la sénatrice-maire a fait part de ses plus grandes réserves. Des demandes de dérogation permettant d’implanter de nouveaux équipements ont déjà été déposées. Le déclassement de la digue du canal ne change rien aux contraintes puisque, pour cette commune, c’est l’exposition à la digue de Conneuil qui fait plus précisément problème. L’étude de dangers des experts a d’ailleurs démontré que la digue du canal protégeait la ville de St Pierre et ses sites SEVESO en cas d’inondation par l’aval, alors que la commune de Tours serait submergée. Lors du conseil municipal de Tours, en février, également consacré à l’examen de l’avant-projet, les élus ont commencé à mesurer les résultats de leur inconséquence. Le déclassement de la digue va se traduire par des contraintes inattendues limitant les possibilités d’urbanisation et de construction. La ville de Tours réclame, elle aussi, des aménagements, des modifications de la cartographie du risque, des assouplissements du règlement. Il est bien tard pour se rendre compte que le Parc des Expositions de Rochepinard et Ikéa se localisent en zone d’aléa très fort (ZDE, écoulement préférentiel, expansion des crues). Les élus découvrent que sur la place St Paul et même sur l’îlot Vinci, les constructions sont strictement réglementées et l’implantation de parkings souterrains interdite. Face à ces réactions des collectivités locales, l’Etat a fait marche arrière sur de nombreux points, illustrant par l’absurde le caractère excessif du règlement, en toile de fond, un risque aggravé, provoqué par des choix intempestifs. Nous ne nous attarderons pas sur les conséquences au moins aussi redoutables de ce nouveau PPRI pour la majorité des Tourangeaux résidant dans le val inondable de Tours. La plupart d’entre eux seront impactés par ce document d’urbanisme s’imposant au PLU. Des implications sévères sont à attendre en matière de bâti, de possibilités d’aménagement, de valeur de leur patrimoine… Sur ce sujet, la réponse à une question lors du bilan de concertation de l’avant-projet est consternante : « Sur le territoire national, il est constaté que les prix des biens et immeubles ne subissent pas de dévalorisation significative lorsqu’un PPRI est approuvé ». Le soucis n’est pas l’approbation d’un PPRI, il est l’aggravation du risque. Et les compagnies d’assurances le prendront à leur charge en augmentant le coût des assurances habitation… Les citoyens sont sous-informés, aux prises avec des documents cartographiques ou réglementaires abscons. Et pour ceux aptes à formuler des critiques, leur avis est méprisé : on ne peut tout de même pas remettre en cause l’avis des experts en hydrologie ou études de dangers, même - surtout - s'il est mal interprété… Il est donc permis de s’interroger sur la nécessité de réviser le PPRI de 2001 pour le remplacer par un nouveau document beaucoup moins protecteur et plus contraignant que le précédent. Manifestement, l’Etat cherche à se désengager d’une de ses fonctions régaliennes en transférant aux intercommunalités à fonds propres la gestion de ce risque majeur. 4) Une révision entachée de nombreuses défaillances Une assise scientifique fragile L’étude de dangers de 2013 qui sous-tend ce PPRI résulte d’une mobilisation d’investissements et de talents considérables. Ce travail a fourni une masse d’informations exceptionnelle en matière d’hydrologie et de connaissance des crues Mais les scientifiques reconnaissent eux-mêmes les limites de leur exercice, qu’ils considèrent comme encore expérimental. Ainsi, les savantes simulations réalisées ne permettent pas de localiser les brèches historiques recensées par ailleurs. Le cas du val de Tours est particulièrement révélateur : dans l’incapacité de cibler les brèches probables avec précision, les zones de dissipation d’énergie serpentent derrière chaque digue, ce qui étend artificiellement les zones exposées. Pourquoi la délimitation des zones de dissipation d’énergie sont-elles établies pour des crues de retour cinq-centennales, alors que la cartographie des plus hautes eaux connues est établie pour une crue de référence de 170 ans ? Et, lorsque l’étude se risque à la prospection, les résultats se révèlent très aléatoires. Ainsi, pour la digue du Canal, les quatre brèches ciblées par l’étude de dangers ne correspondent pas à la localisation des brèches historiques. Peut-on admettre qu’un plan de protection aux risques majeurs aussi déterminant repose sur des bases scientifiques aussi fragiles ? Pourquoi tant d’opacité ? Alors que la procédure de révision est engagée depuis plus de quatre ans, la majorité des Tourangeaux ignore l’existence même du PPRI et de l’aggravation associée du risque. Il y a une volonté évidente des services de l’Etat de ne pas communiquer sur cette question, en dehors des contraintes réglementaires. Quant aux élus, ils sont plus préoccupés de leurs projets d’urbanisation. De ce fait, le PPRI est la co-production d’un « cénacle d’élus et d’experts plus préoccupés de débattre de projets d’urbanisation que d’exposition aux risques des populations » (SEPANT, concertation avant-projet). Les associations, les Conseils de Vie Locale (en dépit de demandes citoyennes répétées), les Comités de quartier ont été totalement tenus à l’écart des travaux préparatoires. Les médias locaux se sont satisfaits du strict minimum. Les questions que l’AQUAVIT et nombre de citoyens ont soulevées sur l’avant-projet sont restées sans réponse. A la mairie de Tours, tout est fait pour décourager le citoyen de faire sa déposition. Il a obligation de déposer sa carte d’identité à l’entrée, de se perdre dans un dédale de couloirs, sans indication PPRI fléchée. Selon la disponibilité du personnel, il peut même ne pas avoir accès au dossier et au cahier des dépositions. Cette enquête publique se déroule dans des conditions inadmissibles. Tout est fait pour décourager les citoyens de s’exprimer. Les dépositions par courriel ne reçoivent même pas un accusé de réception… N’oublions pas que l’Etude de dangers de 2013 n’a été montrée qu’à la fin décembre 2015, après de multiples demandes de l’AQUAVIT. Les élus eux-mêmes n’ont jamais eu accès à cette étude qui étaye toute la révision du PPRI ! Pour la procédure de déclassement, l’AQUAVIT réclame en vain des justificatifs depuis des semaines. Les résultats de l’étude de dangers des digues de classe B, qui devait être terminée avant le 1er janvier 2015, ne sont toujours pas disponibles alors que l’enquête publique s’achève ! Pour la plupart, les éléments de cette déposition ont été présentés dans notre avis sur l'avant-projet. Tous les problèmes que nous avons soulevés ont été ignorés pour ne retenir que la demande de prorogation, avec pour réponse « le PPRI doit être approuvé le 25 juillet 2016 au plus tard ». A quoi sert donc la présente enquête publique si l'approbation est déjà décidée ? En deux mois, il est évidemment impossible de corriger une telle révision de PPRI. Ni de mener les enquêtes que nécessiterait l'approfondissement des questions posées. Nous craignons donc, comme à l'avant-projet, que les questions dérangeantes ne soient pas mentionnées et restent sans réponse. Une précipitation inquiétante Le délai de finalisation de la révision du PPRI a été prorogé dans l’attente des résultats d’études de dangers complémentaires, notamment sur les digues de classe B (en rive gauche du Cher), que l’on attend toujours. Une étude est actuellement conduite par les services de l’Etat sur la création des ouvertures à effectuer sur la digue du Canal. Par ailleurs il est inadmissible qu’une composante majeure du système de défense du val contre les inondations soit remise en cause en plein milieu de la procédure. La cartographie de l’aléa PPRI étant établie sur la base de la prise en compte de la digue du Canal, elle est rendue caduque par ce déclassement intempestif. On sait donc à l’avance que le document en voie de finalisation est déjà périmé et sa modification imminente est même prévue. Quelle crédibilité et, en conséquence, quelle valeur juridique aura une telle révision du PPRI ? Se pose également le problème de l’emboîtement chronologique des documents de protection des risques d’inondation. Un plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) du bassin de Loire-Bretagne couvrant la période 2016-2021 vient d’être adopté. Il propose une stratégie portant sur l’ensemble du bassin de la Loire. Des objectifs et des outils de gestion sont prévus à cette échelle ; ils intègrent l’ensemble des ouvrages de protection contre les inondations dans une approche globale (digues, déversoirs, barrages..) Au niveau des Territoires à Risques Importants (TRI), le val de Tours – Val de Luynes doit se doter d’une Stratégie Locale de Gestion du Risque d’Inondation (SLGRI) qui se propose de gérer le risque à une échelle de réflexion allant au-delà du périmètre PPRI. Or la préparation de ce document débute à peine ! La SLGRI prévoit de fiabiliser le système d’endiguement protégeant le cœur métropolitain de l’agglomération, d’examiner l’opportunité d’implanter de nouveaux dispositifs de type déversoir, de ralentir l’arrivée des eaux sur l’agglomération de Tours en son amont, notamment le val de Cisse, de préciser la fonction de la digue du Canal… Est-il opportun de finaliser dans l’urgence un PPRI avant d’avoir examiné ces questions fondamentales ? Pour une des problématiques majeures du PPRI val de Tours - l’avenir de la digue du Canal - c’est dans le cadre de la SLGRI qu’elle doit être examinée. Et non être réglée par un arrêté préfectoral de déclassement arbitraire. « Les PPRI sont compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions du Plan de Gestion des Risques d’Inondation » dont les Stratégies Locales découlent. Une nouvelle règlementation ignorée Depuis la Loi Métropole du 27 janvier 2014 (GEMAPI), les collectivités territoriales peuvent créer une taxe pour financer les travaux d’endiguement. Depuis 2015, la gestion une nouvelle règlementation concernant les digues s’applique. C’est désormais l’Etablissement Public de Coopération Intercommunal à Fonds Propres (EPCI-FP) qui dispose de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations qui définit le système d’endiguement (décret 2015-126). Le classement des digues issu d’un autre décret (2007-1735) reste valable tant que l’EPCI-FP n’a pas déposé une demande d’autorisation de classement validé par arrêté préfectoral. Cette demande doit être validée avant fin 2019. Ces textes transfèrent donc aux intercommunalités (Tour(s) Plus) la gestion des digues. Il est bien sûr permis de s’interroger sur les capacités de financer cette compétence, évaluées à 200 millions d’Euros pour renforcer l’endiguement sur les levées de Tours. C'est même plus fondamentalement la question préalable de constitutionnalité de cette nouvelle compétence qui se pose. L'Etat peut-il se désengager de l'une de ses fonctions régaliennes (sécurité des citoyens) avec autant de désinvolture ? Un déclassement arbitraire La révision du PPRI intègre la décision de déclasser la digue du Canal. L’équipe scientifique de l’AQUAVIT a évalué les éléments de l’étude de dangers de 2013 concernant cet ouvrage. Elle en conclut, dans une explication publique (aquavit37.fr/2015digue/rapport2.html), que l’ouvrage est « utile et protecteur » et reconnu comme tel lors de la dernière inspection par les services de l'Etat en 2011. Comment se fait-il que, sur les mêmes bases, en 2014, sans la moindre explication, un Atelier National convoqué par le ministère de l’Environnement, ait conclu que l’ouvrage est « inutile et dangereux » ? Comment se fait-il que ce soit sur la foi de l’affirmation péremptoire de cet atelier que l’arrêté préfectoral et la révision du PPRI condamnent la digue du Canal ? En ignorant même les conclusions prudentes de l’étude de 2013 ! Les hydrologues s'estimant incapables de trancher entre déclassement et renforcement demandaient des études complémentaires. Les implications de ce choix sont redoutables, les risques d’inondations en sont lourdement aggravés. Alors qu’un nouveau PPRI est censé renforcer la protection des citoyens et de leurs biens, la révision que l’on nous propose aboutit au résultat inverse : il se révèle moins protecteur et plus contraignant que celui de 2001 ! En conséquence, nous demandons à M. le Préfet d’Indre et Loire de proroger le délai de finalisation de la révision du PPRI (25 juillet 2016) et d’effectuer le retrait du déclassement de la digue du Canal, qui conditionne la validité de la cartographie et du règlement y afférant. Cela permettrait de disposer de la totalité des études en cours (sur le Cher…) et d’engager une véritable concertation permettant de redonner la priorité à la préservation de la sécurité des biens et des personnes. Et cela éviterait à l’administration de se discréditer en validant un PPRI dont la nécessaire modification est déjà inscrite dans le texte. François Louault, président de l'AQUAVIT, le 14 mai 2016 |