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Le val de Tours transformé en un déversoir pour inondations ?
Voici ce que dit la "feuille de route" confidentielle
Le 8 juin 2016
Sommaire
- Introduction
- Quand une inondation devient une "diffusion apaisée de l'eau"...
- Un déversoir à Conneuil (La Ville aux Dames)
- La digue du Canal devient transparente
- Le polder de Rochepinard ouvert aux inondations
- Dérogations pour tertres : des remblais qui ne disent pas leur nom
- Saint-Pierre des Corps, terre promise des aménageurs ?
- "Sortir d'une approche défensive du risque" : voici pourquoi...
- Les inondations par le Cher sont oubliées...
- Des élus qui commencent à comprendre sans réaliser l'ampleur de la menace
- Une cellule décisionnelle inédite, court-circuitant les structures en place
- Une expérimentation en rupture avec toutes les stratégies passées de prévention
- Une dynamique de renouvellement urbain
- Introduction
Début juin 2016, l'AQUAVIT a enfin obtenu la "feuille de route" d'un "Atelier National - Territoires en mutation exposés aux risques - Val de Tours Saint-Pierre-des-Corps", démarche exploratoire initiée en 2013 par les ministères de l'Ecologie et du Logement, hors d'un cadre juridique et administratif. Nous savions déjà que cet Atelier d'aménageurs avait détourné de ses conclusions l'Etude de dangers des digues de 2013 en généralisant le cas exceptionnel d'une crue millénale pour prétendre que la digue du Canal, entre Saint Pierre des Corps et Tours, est "dangereuse et inutile" et la déclasser de façon expéditive. Avec la publication en septembre 2015 du compte-rendu d'un séminaire de cet Atelier, daté de mai 2014, nous avions découvert que la sécurité des biens et des personnes était reléguée derrière d'obscurs projets d'aménagements.
Tout cela est confirmé à la lecture de la "feuille de route". Elle a été finalisée en septembre 2015. Son contenu, déjà décidé début avril 2015, avait été envoyé le 3 août 2015 à la Direction Départementale du Territoire (DDT 37), chargée de son application, en lien avec la préfecture d'Indre et Loire. Nous nous rendons compte que les objectifs recherchés, vont bien plus loin que ce qui était dit jusque là et sont beaucoup plus préoccupants en terme de sécurité. En introduction du compte-rendu de 2014, l'Atelier prétendait ne pas vouloir une "remise en cause de la prévention du risque". C'est tout le contraire, il s'agit d'un véritable projet d'aménagement aboutissant à transformer en déversoir tout le val de Tours entre Loire et Cher.
Sur ce lien nous mettons à disposition de tous cette "feuille de route", en format pdf (14,5 Mo), sur 26 pages, sans les annexes. Chacun pourra ainsi prendre connaissance de son contenu et évaluer ses enjeux, y compris les élus qui, pour la plupart, ont, comme nous, association environnementale, été tenus dans son ignorance.
La composante hydrologique de cette "feuille de route" est inacceptable, remettant en cause les principes fondamentaux de protection.
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Quand une inondation devient une "diffusion apaisée de l'eau"...
Prétendre maîtriser et apaiser le "dernier fleuve sauvage" d'Europe ne manque pas d'ambition. C'est pourtant la prétention de ceux qui ont rédigé ce document.
Peu importe que nos maisons soient inondées, l'essentiel est que ce soit par un flot "apaisé"... C'est ce qui est écrit en filigrane dans ce paragraphe de la page 17 : "L'équipe projet propose une zone de surverse en entrée du val, sur une longueur qui dépendra de l'objectif de protection, et un dispositif d'écoulement et de répartition des eaux ponctionnées dans la Loire, qui permettraient d'organiser dans un premier temps la diffusion apaisée de l'eau dans le val, puis dans un second temps d'en amener une partie vers le Cher, une fois aménagé un passage suffisant de l'eau sous les ouvrages routiers et ferroviaires. L'espace au débouché de la zone de surverse devra demeurer à vocation agricole, (en préservant le potentiel agronomique des terres et la perméabilité du sol).
On appréciera, avec les plans et photos qui suivent, le voeu pieux d'un espace qui serait seulement "à vocation agricole" en entrée de val, alors qu'il y a déjà des habitations, et même une zone commerciale (Leclerc...). C'est oublier que derrière les champs il y a La Ville aux Dames, Saint Pierre des Corps, le coeur d'agglomération, le val inondable... Ce serait une "diffusion apaisée de l'eau" estime l'Atelier National, "équipe d'ingénierie pluridisciplinaire de très haut niveau" (rapport CODERST) : cela rassurera-t-il ceux qui ont connu une inondation ou en vu une à la télévision ?
Quant à la surverse vers le Cher, elle est en grande partie illusoire tant il est probable que cette large rivière soit elle aussi en crue.
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Un déversoir à Conneuil (La Ville aux Dames)
La politique des déversoirs a été retenue après les grandes crues du XIXème siècle par l'ingénieur Comoy, de préférence à celle de barrages de retenue en amont, plus couteuse, et à celle d'élargissement du chenal d'écoulement, qui aurait nécessité de déplacer les digues. Cet ambitieux programme a été lancé en 1867 et partiellement réalisé. Les 8 nouveaux déversoirs s'ajoutant aux 8 "déchargeoirs" préexistant précédemment constituent encore aujourd'hui la base de la stratégie de lutte contre les inondations de Loire à l'échelle de l'ensemble du bassin. Cet aménagement fluvial mériterait d'être complété et réactualisé.
Schéma théorique d'un déversoir (pour le détail du fonctionnement, voir le livre "Histoire des levées de la Loire", Roger Dion 1961 ;
cet ouvrage garde toute sa pertinence, notamment en son chapitre 11 "La défense contre l'inondation depuis 1856")
Le "fusible" est une banquette de terre (1 à 2 mètres de haut) appelée à s'effacer naturellement sous la pression de la crue.
Un déversoir est par définition destiné à écrêter une crue, donc à déverser le trop plein sur l'aval. C'est pourquoi tous les déversoirs sont implantés hors des zones habitées et, de préférence, à l'aval des agglomérations ou en rive opposée (comme à Blois). Les deux déversoirs Comoy du val de Tours sont à Villandry et à la Chapelle aux Naux, en aval de l'agglomération. Leur effet écrêteur vaut aussi pour le cours amont. Ainsi, en 1982, il a été un temps question d'ouvrir le déversoir de Villandry pour alléger la pression sur les digues de Loire en amont.
Les déversoirs de Villandry et La Chapelle-aux-Naux, en aval de Tours
Cette carte (de mauvaise qualité) de la "feuille de route" explicite les déclarations précédentes, montrant l'amorce de l'inondation "apaisée", sur la commune de la Ville-aux-Dames :
Voyez comme les deux premières petites flèches vont directement sur les zones urbaines et la grosse flèche mène vers les champs... "une zone de surverse (déversoir ou digue déversante plus longue ou autre système) qui permettra de limiter la pression exercée sur les levées le long du val, en aval, en assumant une surverse maîtrisée en cas de forte crue, dont le niveau serait calé en fonction des objectifs de protection à préciser dans le cadre d'une démarche concertée", "assurer une inondation du val, qui sera apaisée" (page 14). Quelle illusion ! Maîtriser des flots déchaînés ! Croire que le gros des flots ne voudra pas aller vers les zones habitées...
Les apprentis-sorciers ont ainsi la prétention de guider les flots avec de petits terrassements : "aucun ouvrage de type canal sera construit, mais seuls changeront [sic au pluriel] le modelé du terrain [sic au singulier] pour créer un dispositif de guidage et de répartition dans le val (aménagement d'une rive-déversoir)" (page 17). Les panneaux indicateurs sont-ils prévus ?
Les habitations seront épargnées, les flots (reprise des flèches bleues du plan précédent) iront de façon apaisée vers les champs...
(photo Google Map) (cliquez sur l'image pour agrandir) (croix rouge et rond rouge : voir ci-dessous)
Le centre commercial (croix rouge sur le plan précédent) (photo Google Street).
Voyez comme le terrain est plat. Cela aidera-t-il les flots à prendre la bonne direction ?
Primagaz, l'un des trois sites SEVESO de Saint Pierre des Corps (rond rouge sur le plan précédent) (photo Google Map).
Et ce n'est pas tout, pour que l'inondation s'étendent encore mieux : "D'autres lieux de déversement complémentaires en aval de Tours pourront être étudiés".
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La digue du Canal devient transparente
En ce qui concerne la digue du Canal entre Tours et St Pierre des Corps (page 16), nous le savions déjà, la feuille de route fait dire à l'étude de dangers ce qu'elle ne dit pas (l'ouvrage "constitue plus une menace qu'un rempart") et prône sa "mise en transparence" avec le schéma que l'on connaît où on creuse profondément sous la base de la digue :
Pourquoi creuser ainsi ? C'est expliqué dans le rapport accompagnant l'arrêté de déclassement, signé le 19 janvier 2016 : la digue du Canal devient un "obstacle à l'étalement de la nappe d'eau", elle devient "un remblai en zone inondable" et sa "mise en transparence" (pour ne pas oser dire destruction) "devra être rendue opérationnelle par tous les moyens, de manière totale ou partielle".
On note la spectaculaire contradiction entre d'un côté la fragilité attribuée à une digue du Canal empierrée de 5 mètres de hauteur, qui a fait ses preuves en 1866 face à un grand lac d'inondation en amont et la solidité attribuée à de petits terrassements pour guider vers des champs les flots déchaînées de la Loire à Conneuil... Non seulement cette feuille de route manque de toute assise hydrologique et scientifique, mais elle est aussi un défi à un élémentaire bon sens.
La digue du Canal (Tours en arrière plan), empierrée et en partie renforcée par les remblais de l'autoroute A10 : c'est du solide ! (photo Google Street)
On remarque en page 19 que la mise en transparence de la digue du Canal et le dispositif de déversoir à La Ville aux Dames devraient être "indissociables". Or ils ont été dissociés. Pour brouiller davantage le processus ? Et avant toute étude de faisabilité...
Cela illustre par quelle mécanisme le val de Tours serait transformé en véritable déversoir, avec pour résultat d'étendre des dégâts qui pourraient être contenus par l'endiguement. C'est la négation du principe de prévention.
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Le polder de Rochepinard ouvert aux inondations
Le révision du PPRI soumise à enquête publique a montré que ce que l'on peut appeler le "polder de Rochepinard" n'est désormais plus protégé. Il s'étend du bois des Plantes au pont ferroviaire de Bordeaux. Ce vaste losange est actuellement protégé par un endiguement non remblayé. Il recouvre non seulement la cité Bouzignac, mais aussi d'importants équipements sportifs, scolaires, commerciaux (marché, Ikéa...).
L'ancienne digue de Rochepinard n’est pas classé et le récent arrêté de déclassement, outre la digue du Canal, fait disparaître la digue Wagner du système de protection. De ce fait, le polder de Rochepinard, d’aléa faible dans le PPRI de 2001, passe en sur-aléa dans le nouveau PPRI par la volonté de l'Etat. Là aussi, l'eau pourra s'écouler sans être retenue, là encore l'Etat se désengage de ses responsabilités...
Dans le polder de Rochepinard, la cité Bouzignac, en contrebas du Boulevard Richard Wagner
(partie aval de l'ancienne digue de Rochepinard), à gauche (photo Google Street)
Le triangle de la cité Bouzignac (entre digue du Cher en bas, Bd R. Wagner en haut, autoroute à droite),
avec à droite l'entrée Ouest du parc des Expositions (photo Google Map)
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Dérogations pour tertres : des remblais qui ne disent pas leur nom
Alors que l'on veut supprimer tout obstacle à l'écoulement des eaux, voilà qu'apparaissent des exceptions appelées "tertres" (page 18). Il s'agit carrément de "s'affranchir à leur niveau de la notion de Zone de Dissipation d'Energie (ZDE)" ! La commune de St Pierre des Corps a-t-elle ainsi obtenu des dérogations pour implanter des remblais, qui sont de longue date interdits en zone inondables (sauf lourds travaux compensatoires) ?
"On pourrait ainsi construire dans les espaces en arrière du tertre, libérés des contraintes de la ZDE, en favorisant leur mutation urbaine et la réduction de leur vulnérabilité". Que les constructions situées sur le tertre soient protégées, peut-être, mais celles situées derrière ne sauraient l'être : si l'eau n'arrive pas par un côté, elle arrivera par un autre.
"La transition physique entre un tronçon de levée bénéficiant d'un adossement et un tronçon n'en bénéficiant pas devra être finement étudiée pour que soient protégées les constructions à l'arrière du tertre en cas de rupture d'un tronçon de levée non adossé" : c'est un contournement de la notion de zone de dissipation d'énergie.
Illustrations illisibles montrant ce qu'est un tertre... Pourquoi n'y a-t-il pas de coupe ?
La mise en page et les illustrations de la "feuille de route" sont de piètre qualité...
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Saint-Pierre des Corps, terre promise des aménageurs ?
La feuille de route confirme la volonté de créer une bretelle d'autoroute à hauteur du boulevard Richard Wagner (page 21). Carrefour et Ikéa seront satisfaits... En page 22 et 23, les aménageurs dévoilent vaguement leur projets avec des mots qui les font rêver : "développement", "nouvelles fonctions urbaines", "projet partenarial", "programmation", "activités plus intenses", "affirmer une polarité métropolitaine d'excellence", "renforcer le potentiel", "pôle d'échange métropolitain", "puissant levier de développement", "dynamique de ré-industrialisation". Les aménageurs de l'Atelier vont avoir là un superbe terrain de jeu !
Inversement, la feuille de route reste très évasive sur la protection des habitations (hormis celles derrière les tertres). Sans soute est-ce pour cela que les aménageurs parlent sans vergogne d'une "diminution globale de la vulnérabilité du territoire", entre deux phrases, comme si c'était évident (page 22).
Heureusement, ils aiment la Loire, ses paysages, ses parcours à vélo, ses caractéristiques naturelles, les continuités écologiques, la réappropriation des berges, les promenades, le patrimoine UNESCO, les rapports apaisés (page 24). C'est vraiment sympathique et ces préoccupations que nous partageons tous montrent à quel point ces chers aménageurs ont de bonnes raisons - apaisées, faut-il le répéter - de nous inonder...
Etrangement, tout ces grands projets ne bénéficient qu'à Saint Pierre des Corps. A La Ville aux Dames le dangereux déversoir et à Tours l'extension des inondations. Mais cela montre à l'évidence qu'il y a là un grave déséquilibre qui discrédite l'ensemble de cette feuille de route. Avec son sous-titre "Val de Tours Saint Pierre des Corps", elle ressemble à une étude financée par la mairie de St Pierre des Corps, pour des réalisations qui seront financées par Tours Plus. Rappelons que sa première édile, Marie-France Beaufils, est présidente du Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI)...
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Les inondations par le Cher sont oubliées...
En une seule phrase (page 19), le sujet est traité : "Même si les enjeux y sont moindre, la réflexion devra également être poursuivie sur le système d'endiquement du Cher". Alors que l'étude de dangers de 2013 signale que le risque de rupture de digue est plus fréquent sur le Cher que sur la Loire (tous les 50 ans), alors qu'il reconnaît que les inondations du Cher sont d'un moindre enjeu et donc plus faciles à stopper, l'Atelier National a décidé la mise en transparence de la digue du Canal en éludant son rôle de protection contre les crues du Cher !
Ignorer ainsi une grande partie des menaces et refuser d'attendre des études complémentaires montre à quel point cet Atelier agit dans une inconscience et une précipitation irraisonnée. En bénéficiant de l'appui de tout l'appareil de l'Etat...
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"Sortir d'une approche défensive du risque" : voici pourquoi...
Même si la protection des biens et des personnes est parfois évoquée, comme pour rassurer, les objectifs sont clairement autres (pages 9 et 10) : un "bel avenir", "une perspective porteuse", des "potentiels de développement", des "projets d'importance", des "questions d'évidence (zones économiques branchées au croisement des autoroutes)", un "niveau important d'investissement"...
Page 9 : "Pour les services de l'Etat, il s'agit de sortir d'une approche défensive du risque pour concevoir une approche intégrée, reliant le risque, les potentiels de développement, le paysage, les mobilités, dans une aller-retour permanent des échelles". Le lecteur a-t-il compris les raisons apparemment essentielles qui amènent à ne plus se défendre contre le risque ? C'est pour ces raisons là, camouflées derrière plein de bonnes intentions, que la révision du PPRI valide une très forte augmentation du risque d'inondation. Elle est artificiellement provoquée par cette volonté de "sortir d'une approche défensive du risque".
En 1907, à Conneuil, l'Etat appelait l'armée à la rescousse pour protéger le val, en se souvenant de 1866.
En 2015, son "Atelier National" veut, à partir de Conneuil, faciliter la submersion de tout le val, en oubliant 1866.
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Des élus qui commencent à comprendre sans réaliser l'ampleur de la menace
La page sur l'enquête publique PPRI présente les délibérations des communes du val sur l'avant-projet de révision. L'AQUAVIT les a consultées. Concernant les trois communes en jeu, elle sont édifiantes.
- Commençons par Montlouis sur Loire à l'amont du val de Tours. Dans la déposition de son conseil municipal du 9 mai 2016, rien n'indique qu'il y ait des projets de déversoirs, cette commune semble peu touchée par le nouveau PPRI. Pourtant, lors de la récente crue de juin 2016, les autorités y ont craint une rupture de digue et ont fait évacuer le village de Husseau (article).
- A La Ville aux Dames, où se trouve la fameuse digue de Conneuil, la délibération du conseil municipal du 2 mai est lourde de sens. Le nouveaux déversoir voulu par la feuille de route y est explicitement signalé en ces termes : "Le PPRI doit prendre en considération les lieux et territoires venant à être impactés par la réalisation de déversoirs. La création d'un déversoir relève d'une décision des acteurs locaux et doit résulter d'un projet de gestion du risque inondation à l'échelle du territoire. Les caractérisques du déversoir, son dimensionnement sont liés à ce projet. Ce point est bien trop peu développé dans le projet de PPRI. La commune de la Ville aux Dames serait pourtant concernée".
Brèche dans la digue de Conneuil en 1866 (dessin d'époque)
Suite aux consignes sévères déjà imposées, la mairie reconnaît ne plus pouvoir "répondre à ses obligations" sur un projet en cours. Aujourd'hui, la machine est lancée, les "acteurs locaux" ne semblent plus pouvoir s'opposer à la volonté de l'Etat et de son "Atelier National" qui a déjà tracé la route que tout le monde devra suivre.
Le conseil municipal est conscient que : "Il convient de prendre en considération la dévalorisation d'un bien immobilier lorsqu'un PPRI est approuvé. Une réflexion pourrait se faire sur la révision de la taxe d'habitation et de la taxe foncière pour pallier à la perte financière". Rares sont encore les élus à avoir réalisé cette vaste dévalorisation des biens immobiliers. Et ce n'est pas dit aux habitants qui doivent rester à l'écart d'un sujet qui les concerne pourtant de plein fouet.
En conclusion, le conseil municipal se plie à la volonté de l'Etat, et donc de l'Atelier National, en acceptant de "réfléchir en concertation avec les collectivités, et PRINCIPALEMENT la Commune de La Ville aux Dames, sur la création de nouveaux déversoirs". Ne serait-il pas justifié de refuser un PPRI aussi peu explicite sur un point aussi crucial pour la commune ? Tous les élus courbent le dos et ne semblent avoir d'autre choix que de passer sous les fourches caudines de l'Etat, c'est à dire de l'Atelier National. Mais pourquoi ne le disent-ils pas explicitement ?
Monsieur le Maire, dites "Non, je ne veux pas d'un déversoir sur la commune". Quand les flots de la Loire déchaînés s'engoufreront dans le déversoir, ils seront impossible à apaiser. Le jour venu de l'inondation catastrophique, les véritables responsables sauront bien vous retrouver.
- Passons, en aval, à Saint Pierre des Corps et à la délibération du 4 mai de son conseil municipal. Visiblement les contraintes imposées par le PPRI ne plaisent pas et les élus ne voient que cela, sans comprendre que les causes sont liées à leur approbation de ne plus faire barrage à l'eau quand il y aura des inondations. La sécurité des habitants, des entreprises et des sites SEVESO est complètement oubliée...
Pour cette commune, le projet est beaucoup plus embarrassant, elle réclame depuis 1970 l'arasement de la digue du Canal. Elle s'est heurtée depuis 40 ans à un refus catégorique. Messieurs Royer et Germain, maires de Tours de 1958 à 2013, avaient la hantise d'une inondation du Val de Tours et un objectif, sa sanctuarisation. L'un et l'autre connaissaient parfaitement l'hydrologie du fleuve et savaient l'importance de l'ouvrage dans la protection du Val. Des travaux ouvrant de nouveaux passages et Tours et St Pierre ne nécessitent pas le déclassement de cet ouvrage. Celui-ci peut conserver sa fonction protectrice contre les crues tout en s'enrichissant de nouvelles voies ferroviaires ou routières.
La dernière étude de dangers, de 2013, montre d'ailleurs que cette digue a un double effet : elle protège Tours de crues amont et St Pierre de crues aval ("scénario n°2").
- A Tours, la délibération du conseil municipal du 9 mai montre des préoccupations proches de celles de St Pierre des Corps. Les élus n'ont pas encore pris en compte toutes les implications du déclassement de la digue du Canal approuvé par leur maire et la très forte augmentation des risques d'inondation qui en résulte pour tout le val. Rappelons que les divers scénarios de l'étude de dangers évaluent à 50 ans pour le Cher la probabilité d'une rupture de digue en amont et 70 ans pour la Loire.
- A La Riche, commune en aval de Tours, la délibération du conseil municipal du 4 mai présente des considérations plus circonstanciées, comme une distinction entre digues anciennes et récentes (plus solides), l'autorisation de travaux d'entretien pour réduire la vulnérabilité, des travaux de renforcement des points de fragilités des digues. On sent une commune soucieuse de la sécurité et de la qualité de vie de ses habitants. Toutefois là encore, les élus ne vont pas jusqu'à s'interroger sur la cause d'un telle augmentation du risque.
Nous avons vu là les communes les plus concernées par cette "feuille de route" entre Loire et Cher. Celles en aval pensent être moins directement impactées, comme les communes sur la rive droite de la Loire (Rochecorbon, St Etienne de Chigny...) et celles sur la rive gauche du Cher (St Avertin, Joué lès Tours...). Pour ces dernières, les élus ne se rendent pas compte, eux non plus, que le PPRI se finalise avant que ne soient terminées les études de danger sur les digues du Cher...
Rappelons que la nouvelle législation (GEMAPI) transfère aux communautés de commune la responsabilité et le financement de l'entretien des digues avant 2018. L'impact financier concerne donc l'ensemble des communes de Tours Plus.
"Petite" inondation du Cher à Tours (fréquence décennale), le 6 juin 2016
Le 6 juin 2016, le goulot d'étranglement du pont St Sauveur.
Ce pont devait être élargi après les travaux d'aménagement du Cher des années 1960. Cela n'a pas été fait.
Lors de cette inondation, le débit du Cher a atteint 813 m3 par seconde. En 1856 , il était de 1700 m3 par seconde. Imaginez...
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Une cellule décisionnelle inédite, court-cicuitant les structures en place
On ne peut qu'être stupéfait par l'importance que prend ce document, qui est effectivement une feuille de route que l'Etat est parti pour respecter, alors que cet "Atelier National" n'a aucune existence juridique, est complètement déconnecté des citoyens et agit en catimini. Il flatte le lecteur et l'amadoue avec des principes universellement partagés, il utilise des éléments de langage ("mise en transparence", "apaisé"...) qui affectent la perception : les communiquants ont pris le pouvoir sur des enjeux sécuritaires dont ils devraient être écartés. Nous sommes très éloignés du sérieux de l'étude scientifique de dangers de 2013, souffrant certes d'incohérences mais plus humble en matière de prévention, demandant des études complémentaires.
Il y a pourtant un cadre adapté pour traiter les risques d'inondation, de la SLGRI (Stratégie Locale de Gestion des Risques d'Inondation) aux PPRI (Plans de Prévention contre les Risques d'Inondation), conformément à une directive européenne. Tout cela est court-circuité ! Et cette feuille de route présente des consignes que PPRI et SLGRI doivent mettre en application, comme le montre ce schéma de la page 26 :
C'est effectivement ainsi que ça se passe, l'Atelier National a tout décidé, et les acteurs doivent suivre la route tracée. On a affaire là à un cabinet secret qui impose ses vues à tous, en une vaste manipulation. Et tant pis si on met la charrue avant les boeufs, le PPRI avant la SLGRI, alors que tout aurait dû débuter par la SLGRI. Ca devient accessoire puisque l'Atelier a tout décidé et tout le monde doit s'exécuter. Tant pis si le premier objectif n'est plus la prévention...
Notez comment en bout de chaîne on traite la "mise en oeuvre opérationnelle" : une expérimentation (en gras dans le schéma). Une nouvelle fois, nous ne pouvons que déplorer que des apprentis-sorciers, sans aucun contrôle, ni scientifique, ni administratif, ni politique, traitent la prévention des risques dans le Val de Tours comme des expériences d'aménagement. Et à grande échelle !
Ce schéma apparaît incomplet quand on considère la mesure expresse qui a permis de déclasser la digue du Canal, comme première étape préliminaire à tout le processus, pour qu'il devienne irréversible. Nous l'avons ajouté au schéma avec les flèches oranges :
Ce processus décisionnel direct (flèches oranges) courcircuite tout l'aspect règlementaire (pavé du haut et pavé central, SLGRI, PPRI, SCOT etc.)., puisque cet atelier national a déjà engagé les opérations.
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Une expérimentation en rupture avec toutes les stratégies passées de prévention
Fin XIXème, un projet de Canal de la Loire au Cher pour transférer les crues avait déjà été imaginé. Pour fonctionner, fallait-il encore que la crue de la Loire ne soit pas concomitante de celle du Cher. Comment gérer l'écoulement quand le crue du Cher est plus importante que celle de la Loir ?. Cette question avait suffi à abandonner l'idée. D'autres projets de déversoirs avaient ensuite évoqués, les édiles de l'Est Tourangeau les avaient vigoureusement refusés. Là ils sont pris à revers, de façon plus communicante et contraignante, et il est plus difficile de dire non à l'autorité de l'Etat.
A leur décharge, la stratégie employée consistant à les mettre devant le fait accompli de l'abandon des digues de second rang, en cachant que c'est la cause de l'augmentation du risque, a brouillé leur perception. Mais nous leur avons dit, nous avons prouvé que la digue du Canal est protectrice et utile par l'évaluation scientifique que nous avons effectuée, pourquoi s'obstinent-ils dans l'erreur ? Cela devient une faute. Il n'est pas trop tard pour refuser cette fragilisation de tout le val de Tours. Le député de Tours a été le premier à considérer que c'est un "dossier important" et à demander une "solution adéquate" qui ne peut être que la remise en place du système de protection du val.
Nous admettons que l'étalement des crues soit un moyen d'atténuer la hauteur d'inondation dans un autre contexte environnemental. Nous y adhérons à condition que les ouvrages soient implantés en dehors de territoires peuplés ou vulnérables. Le val de Tours va-t-il devenir le champ d'expérimentation d'aménageurs inconséquents ?
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Une dynamique de renouvellement urbain
[Complément du 6 juillet 2016] Le rapport d'activité 2015 de l'Agence d'Urbanisme de l'Agglomération de Tours (ATU, anciennement Atelier Tourangeau d'Urbanisme) consacre deux pages (1 et 2) au risque d'inondation, montrant que la priorité doit être "le projet de développement du val", car il y a nécessité "nécessité de ne pas désinvestir le Val inondable". Le but est de mettre en place "une dynamique de renouvellement".
Et quoi de mieux pour renouveller les aménagements qu'une bonne inondation ? Cette carte montre la volonté de "faciliter le chemin de l'eau", "accepter l'aléa", "lever les obstacles en milieu urbain" (c'est écrit sur la légende) :
Cela montre que le principe de base de la lutte contre les inondations n'est plus la sanctuarisation, mais une volonté d'accepter le risque, c'est-à-dire une inondation régulière du val avec la volonté de rebondir pour réaménager le territoire. Les aménageurs sont rois, allant jusqu'à proclamer que "le risque d'inondation doit pouvoir être investi comme un champ d'excellence". C'est clair et on peut les comprendre : pour eux, décupler le risque d'inondation est excellent car cela leur permet de réinvestir et renouveller les aménagements urbains... En d'autres termes : rien ne vaut une catastrophe pour que les affaires repartent.
On se rend compte ainsi que l'Atelier Tourangeau d'Urbanisme (dépendant de l'agglo Tour(s) Plus) est une sorte d'antenne relais de l'Atelier National chargé de convaincre les élus de la nouvelle politique qui donne priorité aux investissement d'aménagement sur la sécurité des citoyens.
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