La rue François Bonamy coupe le bois de Grandmont en deux parties. Mais à son extrémité Ouest elle se transforme en un fin sentier broussailleux avec quelques arbres sur une vingtaine de mètres. Aussi brève qu'elle soit, cette parcelle permet une continuité entre les deux parties du bois. On peut lui attribuer la fonction de corridor biologique, naturellement créé. Pour l’unité du massif arboré et pour la faune qui l’habite sa fonction est essentielle. Sans elle, certaines espèces vivantes seraient confrontées à une barrière artificielle potentiellement préjudiciable à leur survie.
En juin 2009, sans expertise naturaliste et de manière illégale pour ce bois classé, la mairie / Sitcat (transports bus de la ville) avait projeté d'élargir la rue Bonamy pour y faire passer une ligne de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS). La largueur de la trouée envisagée dans le bois était telle que les dégâts en termes d'abattages d'arbres correspondaient à une destruction de son unité écologique. Une mobilisation citoyenne, à l’initiative des universitaires et de quelques associations naturalistes, avait permis d'annuler ce projet qui ne prenait pas en compte le classement du bois.
(photo Google Map 2008)
Le 20 février 2012, on a appris par la presse que la municipalité revenait à la charge. Un article de La Nouvelle République annonçait le prochain passage de cette ligne BHNS sur ce corridor : "Il s'agit d'aménager un site propre bus sur la rue Bonamy, qui sera prolongée jusqu'à l'avenue de Bordeaux.". Certes, il y aurait cette fois-ci peu d'arbres abattus, mais le corridor biologique serait détruit.
L'article poursuit : "Il faut signer une convention pour pouvoir réaliser cet aménagement qui se trouve sur le domaine universitaire. A l'issue des travaux, la voirie sera rétrocédée à Tour(s)plus.". il y a lieu de s'interroger sur les précautions prises :
- Une étude d'impact environnemental ne semble pas avoir été réalisée, alors qu'elle est nécessaire préalablement à tout aménagement de cette ampleur (code de l'environnement).
- Toute intervention sur des lisières de parcelles boisées nécessite leur déclassement préalable (code de l'urbanisme), procédure longue et complexe.
- La déforestation d'une lisière nécessite une demande d'autorisation de déboisement auprès de la DDAF (code forestier).
Cela s'applique à des parcelles classées "espaces boisés protégés", mais ce corridor est-il concerné ? Oui, d'après le POS de 1996, oui et non dans le PLU de 2011, où classé en "site inscrit", il n'est plus en "espace boisée classée" sans que ce changement de statut ne soit confirmé par un écrit. Alors que les bois l'entourant le sont.
POS de 1996
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PLU de 2011, à la fois "non classé" et "inscrit"...
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Doc. préfectoral 2012
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Ces variations sur le corridor ne sont validées par aucun écrit.
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Le SITCAT achève ici l'aménagement de la seconde ligne TCSP (Transport en Commun en Site Propre) sous forme de BHNS sur un tracé différent de celui inscrit dans le PDU de Tours Plus de 2003 (à gauche), puisqu'il ne devait pas passer à l'intérieur du bois de Grandmont, seulement le longer par la Nationale 10
Plus tard, en 2011 (à droite), il est prévu par la rue St Vincent de Paul, en rouge (espace réservé).
Aucun autre tracé n'a été validé par une enquête publique.
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A supposer qu'en matière juridique cette parcelle soit considérée comme non classée sur la forme, ce qui nous apparaît déjà faux (le déclassement n'apparaissant que sur un plan, sans être confirmé par ailleurs), elle ne peut pas l'être sur le fond. Le rôle de ce corridor, continuum entre deux parties du bois, est en effet indéniable. Parmi plusieurs dizaines d'espèces animales et végétales protégées attestées sur les parcelles concernées ont peut citer : salamandres, chauves-souris arboricoles, Lucane cerf-volant et Grand Capricorne, Spiranthe d'Automne (orchidée). Le respect de la Charte de l'Environnement, inscrit dans la Constitution, et du Plan Climat de l'agglomération imposent légalement la sauvegarde de ce corridor.
Cette situation paradoxale est confirmée par le fait que la mairie/SITCAT agit comme si le corridor n'était pas classée, alors que la préfecture considère qu'il l'est puis que son autorisation est étayée par le code forestier. Donc, même si, contrairement à 2009, des précautions juridiques ont été prises, nous estimons que cette opération est illégale sous plusieurs angles.
Vue de la rue François Bonamy
Vue de la route de Bordeaux (Nationale 10)
Samedi 30 mars 2013, alors que notre communiqué et notre lettre du 20 mars sont restés sans écho, nous apprenons que le mercredi 2 avril le corridor risque d'être détruit. L'APNE, le CODAT (cf. sa pétition en bas de cette page, dans les liens) et l'AQUAVIT appellent à un rassemblement sur place à 8 h 30 ce mercredi 3 avril.
Mardi 2 avril, la lettre présentée en sous-page a été remise au Préfet d'Indre et Loire, elle annonce, pour le soir même, le dépôt d'un recours en référé-suspension auprès du Tribunal Administratif d'Orléans pour que soit suspendue la destruction de la parcelle concernée.
2 des 56 bonnes intentions du Plan Climat de Tours Plus. Des paroles en l'air ?
Nous appelons aussi à ce que soient respectés les articles suivants 2, 3, 5, 6
de la Charte de l'Environnement inscrite dans la Constitution.
Mercredi 3 avril, une vingtaine de militants de l'APNE, du CODAT et de l'AQUAVIT et quelques riverains est venue constater que le corridor n'est pas détruit. Il semble que ça ne sera pas fait avant la décision de Justice sur le recours déposé la veille. Par ailleurs, Nous disposons d'éléments nouveaux que voilà :
- Contrairement à 2009, cette voie n'est pas destinée à servir plus tard pour le passage du tramway (tout du moins en ce qui concerne l'aménagement actuel).
- Une "étude faune-flore" a été effectuée par le SITCAT.
- Outre l'abattage des arbres du corridor, cette étude a préconisé l'abattage de 5 arbres en bordure de la rue Bonamy (mais en dehors de la zone de bois classé) et la conservation d'un beau chêne qui sera contourné par la voie piétone.
- Elle a aussi débouché sur la mise en place programmée d'un crapauduc (ou "batracoduc", tunnel pour batraciens), principalement pour le cheminement de salamandres.
- Le préfet de région s'est satisfait de cette étude et a estimé qu'elle évitait une étude d'impact.
Ce qui se passe nous amène à formuler les remarques supplémentaires suivantes :
- Nous nous étonnons de découvrir seulement maintenant ces dispositions. Si cette ligne de BHNS avait été soumise à une enquête publique, de tels éléments auraient été soumis à l'approbation des habitants et associations.
- Nous nous étonnons de la décision du préfet de région de ne pas procéder à une étude d'impact. La configuration de cette jonction entre deux parties du bois requiert une étude approfondie effectuée par une équipe très compétente. La faune et la flore constituent un ensemble complexe (plus de 270 espèces dans le bois) et il est probable que la salamandre ne soit pas seule à être impactée. Un crapauduc pourrait donc ne pas être suffisant. Le préfet de région était-il bien conscient de cela ? Il n'a entendu que "le son de cloche" du SITCAT.
- La décision du préfet relève d'un service (de l'eau et des resources naturelles) qui n'a pas compétence pour accorder des autorisations de défrichement portant sur des espaces boisés protégés, comme c'est le cas de la parcelle classée DI 787 au cadastre de la ville de Tours. En effet, en ce qui concerne les autorisations de défricher, le placement en "espaces boisés à conserver, à protéger ou à créer au PLU de la commune entraine le rejet de plein droit de la demande" (article L. 130-1 du code de l'urbanisme). Le chef du service de l'eau à la préfecture ("unité forêt-biodiversité") n'est pas habilité à faire respecter le code de l'urbanisme.
- Nous remarquons que le passage de cette ligne de BHNS en plein milieu du bois est structurante, que de gros travaux sur les réseaux sont effectués, que l'aménagement déborde de la chaussée et des trottoirs en place pour aller au delà jusqu'au bord extrême de la zone boisée classée (jusqu'aux racines des arbres). Il y de quoi être préoccupé par de futurs projets pouvant dégrader davantage l'écosystème.
Le PDU doit être renouvelé en 2013. Nous espérons que le Tribunal Administratif comprendra que l'on peut attendre quelques mois pour que la mise en place de cette ligne BHNS soit validée dans le cadre d'une enquête publique. Il est souhaitable que l'on revienne dans les rails de la légalité.
Le lundi 8 avril, nous avons été avertis du rejet du recours en référé-suspension :
Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de la décision qu'elle conteste, l'association requérante soulève des moyens tirés de ce que le tracé retenu par la ligne 2 du TCSP de l'agglomération tourangelle (BHNS) diffère totalement de celui inscrit dans le plan de déplacement urbain de 2003 qui contournait l'espace boisé protégé, de ce que ce tracé n'est pas inscrit dans le plan local d'urbanisme de la commune de Tours et de ce que le défrichement concerne un corridor biologique exclusif à l'intérieur d'une vaste parcelle d'espace boisé protégé de plus de dix-neuf hectares ; qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale contestée ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence qui, au demeurant, n'est établie par aucune pièce du dossier, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L.522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête.
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Ce même 8 avril, alors que le délais de deux mois pour un recours contre l'arrêté préfectoral du 13 février n'est pas écoulé (une autre association pourrait déposer un nouveau recours...), les abattages ont commencé. L'urgence d'abattre a prévalu sur celle de ne pas abattre. Cette dernière ne saurait être établie et la volonté d'un maire prime sur les enquêtes publiques. Nous sommes à Tours en 2013.
(document Sitcat)
Le mercredi 10 avril, disposant de nouveaux éléments, nous nous adressons à nouveau aux préfets d'Indre et Loire et de la région Centre, en une lettre présentée en sous-page.
Ce même 10 avril, en préfecture, un comité de pilotage du Plan de Protection de l'Atmosphère a délibéré en estimant que ce sujet, que nous avons soulevé, ne le concernait pas vraiment. Quelle importance peut avoir l'intégrité d'un bois millénaire, poumon vert de la cité, dans la qualité de son air ?
Le vendredi 12 avril, nous constatons que le corridor biologique est en très grande partie défriché, sans même attendre que la période de recours allant jusqu'au 13 avril soit écoulée :
Nous constatons aussi que la largeur de la rue Bonamy est pratiquement doublée, la rue devient avenue :
Ce même 12 avril à 18 h, reprenant les arguments du recours du 2 et de la lettre aux préfets du 10 (ci-dessus), l'APNE et l'AQUAVIT déposent conjointement un nouveau recours auprès du Tribunal Administratif d'Orléans pour que les travaux cessent. Faut-il attendre que le corridor soit érasé et bitumé pour que l'urgence soit prise en compte ?
Le mardi 16 avril, nous constatons que le corridor a été complètement érasé et creusé dans les dernières 24 heures. Ainsi, dans le cadre de travaux durant plusieurs mois, plutôt que d'attendre la proche décision de Justice de notre second recours en référé-suspension, le SITCAT a préféré accélérer la destruction. Le fait est accompli.
Le jeudi 18 avril, nous apprenons que le Tribunal Administratif d'Orléans a rejeté le second référé-suspension dans les termes suivants, sans avoir réfuté l'un de nos arguments :
... ; qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale contestée ; que par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une condition d'urgence, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L.522-3 de justice administrative et de rejeter la requête ;
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Où se situe donc le curseur du doute ? Quant à l'urgence, contrairement à la fois précédente, elle n'est pas contestée, alors qu'elle a disparu.
Le mardi 30 avril, disposant de nouveaux éléments, exposés en cette sous-page, nous relançons notre recours auprès du Tribunal Administratif d'Orléans. Le 7 mai, une ordonnance, sur le même modèle que les deux précédentes, écrite par le même juge, nous annonce qu'il n'y a pas de "doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale contestée", sans qu'une fois de plus, nos arguments ne soient réfutés. Il est tout de même marqué que les travaux "ne sont pas exécutés en application de la seule décision préfectorale", ce qui pourrait signifier qu'il y a plusieurs coupables et qu'il n'y a pas lieu d'en condamner un seul. Il est vrai qu'on pourrait estimer que la Sitcat est davantage en cause que le préfet, mais c'est bien parce que la préfecture n'a pas joué son rôle de garde-fou que nous l'avons attaquée.
20 juin 2013, lettre envoyée à La Nouvelle République du Centre-Ouest :
Avenue de Bordeaux : pourquoi ça coince ? s’interrogeait opportunément Christophe Gendry dans la Nouvelle République de ce lundi 17 juin 2013 au regard des perturbations résultant des travaux d’aménagement de la seconde ligne TCSP dite « Tempo » au sud de Tours (sous forme de Bus à Haut Niveau de Service).
Depuis des mois l’association AQUAVIT dénonce les conséquences environnementales et logistiques résultant du tracé retenu pour l’aménagement du tronçon sud de cette ligne afin d’assurer la desserte du pôle universitaire de Grandmont et du CHRU Trousseau. Ce choix débouchant à terme sur la destruction du Parc de Grandmont qui bénéficie pourtant de multiples protections juridiques, délibérément contournées par le SITCAT. Ce tracé, préféré à ceux inscrits dans les documents d’urbanisme, prépare le lancement de projets immobiliers dévastateurs pour les quelques dizaines d’hectares de boisement encore intacts.
Quant aux embouteillages ils proviennent de la réduction de la circulation de deux à une voie dans chaque sens sur l’avenue de Bordeaux (au niveau du Bois Lopin), axe majeur de l’agglomération sur la RN 10 supportant habituellement un trafic d’environ 35000 véhicules par jour. Pas surprenant que les automobilistes excédés cherchent à contourner ce verrou par tous les moyens. Au grand dam et à la colère du maire de Joué lès Tours, Philippe Lebreton, pourtant lui-même responsable de la situation en tant que membre du SITCAT. Les implications sur le bassin d’emploi et l’aire de chalandise de Chambray s’avèrent redoutables. Et il ne faut pas compter sur un minable parking-relais de 200 places (la Sagerie) ou sur la révision de documents d’urbanisme inopérants (SCOT, PLU, PDU) pour améliorer la situation. Des milliers d’automobilistes supplémentaires devront se déverser demain sur l’A 10 pour échapper aux embouteillages, aggravant ainsi la pollution atmosphérique dans la traversée de Tours. L’élargissement programmé de l’A 10 à 2x3 voies au sud de St Avertin anticipe cette aberration.
Lors du lancement des travaux début avril 2013 l’AQUAVIT a multiplié les actions afin d’alerter les citoyens et d’obtenir la suspension d’un chantier lancé au mépris des réglementations environnementales et des documents d’urbanisme. Le PDU de l’agglomération tourangelle (2003) et le PLU de Tours (2011) avaient en effet retenu un tracé respectueux de l’espace boisé protégé. Seuls quelques dizaines de citoyens se sont mobilisés alors que nos arguments étaient largement médiatisés. Un recours gracieux a été déposé auprès de Mr le Préfet… qui n’a même pas daigné répondre à une initiative provenant pourtant d’une association environnementale agréée par l’Etat. Deux recours en référé portés avec l’association étudiante APNE demandant la suspension des travaux auprès du T.A. d’Orléans ont été rejetés, sans procédure contradictoire orale ou écrite. Sur le terrain l’AQUAVIT a fait constater par huissier ce qu’elle considère comme un acte de délinquance environnementale : une opération de déboisement-défrichement de part et d’autre de la rue Bonamy, au coeur d’une parcelle de bois classée. Que pouvait-on faire de plus ?
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