Jardin du Musée des Beaux-Arts de Tours
Trouver un autre lieu d'accueil au don Cligman

Tours, juin 2016. Une "donation exceptionnelle pour le musée des Beaux-Arts" de Tours est annoncée (article), avec la création d'un nouveau bâtiment dans le jardin du musée.


En jaune, la délimitation du bâtiment "aile Cligman" devant abriter la donation
On peut aussi visualiser la simulation de volumétrie de la page de "Site et Cité"
Tours, octobre 2016. Depuis cette officialisation du legs Léon Cligman, l’AQUAVIT s’efforce de favoriser la réussite de l'importante donation. Nous avons refusé jusqu’ici d’entrer dans le jeu d’une médiatisation précipitée qui n’aurait servi à rien. Ce don nous paraît certes une opportunité exceptionnelle d’enrichir les ressources de nos musées, mais il est indispensable de respecter le cadre juridique de cette opération. Compte tenu de sa dimension, celle-ci nécessite en effet l’agrandissement du musée des Beaux-Arts. La localisation prévue du nouveau bâtiment, perpendiculairement à l’actuel musée nous semble non seulement inacceptable mais illégale, en plein cœur du secteur sauvegardé, empiétant sur des jardins classés et impactant des ouvrages bénéficiant de multiples protections.


Entourée de jaune, l'emprise constructible de "l'aile Cligman"
Il semble inutile de revenir ici sur la valeur effective du legs, d’autant que son contenu précis est en cours d’expertise. Les donateurs sont des personnes respectables attachés à la Touraine. Par des donations précédentes, leurs familles ont permis la création d’un musée d’Art Moderne à Troyes ainsi que l’enrichissement des collections d’autres musées. Mme Cligman (Martine Martine) est une artiste peintre et sculpteur reconnue que les amateurs ont pu découvrir depuis plusieurs décennies lors d’expositions à Paris et en Province. En Touraine, plusieurs d'entre elles ont été proposées à Tours, Saché, St Avertin. Une partie de son œuvre semble « muséable », notamment ses nombreuses productions sur Balzac. Ces pièces font elles partie du legs ?

Les modalités de la donation paraissent cependant plus aléatoires. Celle-ci se fera à l’Etat, qui la rétrocédera à la ville de Tours. La sélection des œuvres étant effectuée par la Direction des Musées de France, il est à craindre que cette dernière rechigne à laisser partir au musée des Beaux-Arts de Tours les pièces les plus intéressantes. Se pose de ce fait le problème de leur dépôt, de la nécessité d'implanter un nouveau bâtiment. Depuis plus de 30 ans, le musée de Tours rappelle l’urgence de son agrandissement. Si l’ensemble de la donation revient à la ville, il paraît impossible de les exposer actuellement dans le cadre du musée. Les donateurs sont certes disposés à financer un agrandissement, mais où ?

Le choix actuellement retenu et déjà qualifié d’« aile Cligman » du musée des Beaux-Arts s’avère totalement irréaliste tant par sa localisation que par son architecture. Il est même surprenant que les Cligman, férus d’Art et attachés au Patrimoine, aient proposé ou accepté l’idée d’une implantation défigurant la plus belle composition paysagère classique de la ville de Tours. Et cela en un lieu berceau de son histoire (Caesarodunum…) où se juxtaposent toutes les strates de son développement initial.


Cette partie du jardin est dans l'emplacement de "l'aile Cligman".


Les abords du bâtiment seraient aussi impactés (photo Google Map)
Dans une récente lettre ouverte, publiée en septembre dans « la Tribune de l’Art », Philippe Le Leyzour, ancien directeur du musée des Beaux-Arts (de 1995 à 2011), dénonce de façon magistrale ce choix qu’il qualifie d’acte de « vandalisme ». Il conclut : « Faut-il désespérer de la loi ? Faut-il désespérer de ceux qui ont la mission de l’appliquer ? Faut-il laisser agir ceux qui trahissent leur mission en la pliant aux caprices des puissants ? ».

C’est en effet en ces termes juridiques que se pose aujourd’hui, et avec acuité, ce projet d’aménagement. Une fois encore, ce constat démontre que l’agglomération tourangelle fonctionne comme un périmètre de non-droit en matière d’urbanisme, d’environnement, de protection du patrimoine. Tout y est permis, y compris de défigurer par une construction contemporaine un lieu bénéficiant de multiples protections. On se croirait revenu au temps des spéculateurs de la « Bande Noire ».

Plus affligeant encore, lorsque ce projet a été soumis aux associations, au Conseil Municipal (le 20 juin, cf. compte-rendu, page 7) et aux Tourangeaux, tout était déjà juridiquement ficelé, et le projet architecturel retenu ! Ainsi, lors de la présentation de l’agrandissement aux associations, en juin dernier, les autorisations administratives étaient présentées comme des formalités. La municipalité, dans sa précipitation, a oublié les engagements pris envers les associations présentes (Aquavit, Sepant, Sites et Monuments) : mise à leur disposition des pièces du dossier architectural, demande de création d’un nouveau jardin en centre-ville pour compenser l’impact négatif de l’agrandissement (demande de la Sepant). Quant à la demande de permis de construire déposée dès le 30 juin, par le donateur lui-même, elle est restée confidentielle. Décidément, l’opacité est profondément ancrée dans la mairie de Tours !

Dès septembre, la Commission Locale du Secteur Sauvegardé a examiné le projet de modification du PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur), permettant cette opération. Cette commission constituée d’une écrasante majorité de représentants de l’Etat et de la Mairie, tous aux ordres, a avalisé le projet. Le directeur régional des Affaires Culturelles et l’Architecte des Bâtiments de France autorisent ces travaux. Le ministère de la Culture soutient donc cette opération, de même que les plus hautes autorités de l’Etat. La propension des ministères parisiens à imposer des choix aberrants à la Touraine devient une fâcheuse habitude (cf. notamment les exactions d’un Atelier National).


La montée vers la terrasse est interdite au public. Qu'attend-on pour la restaurer, sécuriser les lieux
et permettre l’accès à un point de vue qui serait encore plus avantageux que sur la photo qui suit ?
Pire encore, pour accélérer l'opération, la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et la mairie de Tours cherchent à court-circuiter la Commission Nationale des Secteurs Sauvegardés. Cette commission reste moins soumise aux pressions et ses prises de position sont prévisibles. Pour réussir ce « coup », il suffit d’un jeu de mot : qualifier de « modification » du PSMV ce qui relève en réalité d‘une « révision », tant l’impact et les conséquences dans le long terme remettent en cause l’économie générale du document. Rappelons qu’une méthode similaire a été utilisée pour permettre le réaménagement du « Haut de la rue Nationale ». L’avis de la Commission Départementale de le Nature, des Paysages et des Sites fut obtenu dans des conditions similaires. Seuls les représentants des associations patrimoniales et environnementales ont pris leur responsabilité en rejetant ce projet.


Le parterre au premier plan doit disparaître
Il est également permis de s’interroger sur la compatibilité de ce chantier au regard du classement au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, avec la détérioration d’une VUE (« Valeur Universelle Exceptionnelle »), « construction d’aménagements au très fort contraste et impact visuel », « destruction des points de vue ». L’un des critères d’inscription du Val de Loire est que « ses monuments culturels illustrent à un degré exceptionnel l’influence des idéaux de la Renaissance et du siècle des Lumières »... La réalisation d’un diagnostic paysager devrait aussi être « systématique avant d’implanter tout nouvel équipement ou aménagement ». Il vient seulement d’être engagé, sous la pression des associations environnementales et patrimoniales. Rien ne dit que l’UNESCO avalisera un projet aussi destructeur. Sur cette question, l’AQUAVIT sera très vigilante, comme elle l’a été pour le Haut de la Rue Nationale (dossier). Les collectivités locales ont pris des engagements contraignants pour obtenir le label UNESCO (Plan de Gestion), elles en ont déjà oublié le contenu…

Compte tenu de la richesse archéologique du sous-sol, sa réalisation nécessiterait de longs travaux de fouilles, attendus depuis longtemps par les spécialistes convaincus de la sensibilité du lieu. Ceux-ci pourraient même déboucher sur l’impossibilité matérielle de cette construction (fragilité du sous-sol, présence avérée de galeries souterraines…). Un bâtiment d’architecture contemporaine (« aile Cligman ») n’a rien à faire à cet endroit. En l'état, ce projet d’agrandissement est inacceptable.


L’emprise de l’aile Cligman est située en limite de l’amphithéâtre gallo-romain, au niveau de deux vomitoires
(illustrations "Tours antique et médiéval - Lieux de vie, Temps de la ville" - Revue Archéologique du Centre de la France 2007)
Bien d’autres possibilités se présentent pour résoudre les problèmes d’agrandissement et d’accueil des collections Cligman. Il est possible de découpler la répartition, les œuvres de Martine Martine d’un côté, les autres ailleurs. Dans le prolongement ou à proximité même du musée, plusieurs sites ont déjà été envisagés.

Ainsi, le déclassement du secteur sauvegardé porte sur la parcelle située entre l’actuel musée et la muraille Nord, où un étude de faisabilité poussée avait déjà été réalisée voilà une quinzaine d’années ; le bâtiment et la cour situés à l’ouest des bâtiments actuels, ceux de l’autre côté de l’entrée (hébergeant Fritz l’éléphant) et au sud-est du parc, entre la rue Porte-Rouline et la rue des Ursulines, un vaste espace s’avère relativement accessible (voir proposition avoisinante sur page du blog Pressibus). Le grand bâtiment du XIIème siècle jouxtant le musée en son nord-est (Tribunal Ecclésiastique de l’Officialité ou Synode) laisse également d’importantes possibilités d’extension.


Rendez-vous des amoureux, ce lieu verdoyant, à la fois majestueux et intime, est-il condamné ?
Un riverain, Jacques Lhomet, a aussi proposé trois possibilités plus ou moins proches (page) : la chapelle des Lazaristes, l’ancienne chaufferie du Sanitas, le château de Plessis lès Tours. Des bâtiments prestigieux, actuellement sous-valorisés, sont également disponibles, comme l’hôtel Gouin, dont le département cherche à se débarrasser, le château de Tours… Les sommes que le couple Cligman envisage de dépenser pour héberger cette donation pourraient être investies sur un autre site, y compris dans les locaux du CCCOD (Centre de Création Contemporaine Olivier Debré) qui risque de laisser des disponibilités dans quelques mois. Une ou plusieurs autres implantations ne pourraient que contribuer à l’attractivité touristique du secteur sauvegardé. Ainsi, l’Hôtel Gouin, situé près du CCCOD, du musée du Compagnonnage et de l’église Saint Julien, nous semble une opportunité idéale pour recevoir les œuvres de Martine Martine à quelques encablures de la maison natale d’Honoré de Balzac. Les lieux étant libres, le vernissage pourrait être immédiat !

Martine Martine (ici deux lavis sur papier) à l'Hôtel Gouin, qu'en penserait Balzac ?
Une fois encore, les Tourangeaux et leurs associations ont été mis devant le fait accompli d’un invraisemblable projet au lancement précipité, téléguidé du plus haut niveau de l’Etat. Cette tentative est inacceptable ; une prise de conscience s’impose d’urgence ; de nouvelles solutions sont à étudier ; certaines peuvent se concrétiser rapidement.


Le palais archiépiscopal au XVII^ème siècle avant la construction de l’aile XVIII^ème siècle.
Il a été transformé en musée en 1910.


Sitographie (incluant les pages précédemment mentionnées) Le musée des Beaux-Arts de Tours Site officiel Wikipédia Les donateurs Léon Cligman sur Wikipédia Martine Martine sur Wikipédia Martine Martine et Honoré de Balzac Avant le 10 novembre 2016 Accueil favorable dans la presse locale 20/6 Info-Tours : Donation exceptionnelle pour le Musée des Beaux Arts de Tours 20/6 Mag'Centre Une donation exceptionnelle pour le Musée des Beaux Arts de Tours 20/06 La Nouvelle République : Tours : l'incroyable donation faite au Musée des Beaux Arts 20/06 Blog de Philippe Boelher : Tours s'enrichit d'une extraordinaire donation, celle des époux Cligman 20/06 France Bleu Touraine : La ville de Tours reçoit un legs de 20 millions d'euros d'un collectionneur d'art 21/06 37 degrés mag : Une généreuse donation pour le musée des Beaux-Arts de Tours 21/06 La Nouvelle République : Tours : une donation exceptionnelle pour le musée des Beaux-Arts 21/06 France 3 : 1200 oeuvres d'art léguées par Léon Cligman au Musée des Beaux Arts de Tours 22/06 TV Tours : Tours: un don de 20 millions € au musée des Beaux Arts 23/06 La Tribune de Tours : Le don du siècle : les Cligman offrent un musée à Tours ! 23/06 Apostrophe' 45 : Un don exceptionnel d‘œuvres au musée des Beaux-Arts de Tours 24/06 La Nouvelle République : La donation Cligman modernisera le Musée des Beaux Arts 10/09 Info-Tours Donation Cligman : Le dossier avance à Tours Accueil favorable dans la presse nationale 21/06 Aujourd'hui en France : L'ex-patron de Lacoste lègue sa collection à la ville de Tours 23/06 Le Figaro : Tours: Don exceptionnel de 1200 oeuvres au Musée des Beaux Arts 23/06 Europe 1 : Tours : l'incroyable donation faite au musée des Beaux-Arts 24/06 Connaissance des Arts : Un don extraordinaire de 1200 oeuvres pour le Musée des Beaux Arts de Tours 06/07 Patrimoine Environnement : La donation de Cligman modernisera le musée de Tours Contestation dans la presse locale 23/06 Blog Pressibus : La fin des écureuils en centre-ville de Tours ? 07/07 La Tribune de Tours : Don Cligman : début de mobilisation contre l'extension du musée des Beaux-Arts ! 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Plus succintement, au delà du 3 janvier 2017 : 8/04 La Nouvelle République : La donation Cligman à l'arrêt, le Jeu de Paume reste au château 11/04 Communiqué Aquavit : Donation Cligman : les leçons d’un échec 13/04 La Nouvelle république : Pour Léon Cligman, " la Ville n'a pas tenu ses engagements "

L'aile Cligman telle qu'elle apparaîtrait dans le permis de construire
déposé le 30 juin 2016 (d'après page Sites & Monuments)


En arrière plan, la cathédrale Saint Gatien Retour à la page des dossiers
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