Tours, le 11 février 2015
Enquête publique relative à l’étude d’impact du projet d’implantation d’un centre commercial, ZAC des Courelières, à Joué-lès-Tours.
Observations formulées conjointement par :
- la Société d’Etude, de protection et d’Aménagement de la Nature en Touraine (SEPANT), association loi de 1901 agréée au titre de la protection de l’environnement, dont le siège est à Tours 37200, 7, rue Charles Garnier,
- l’Association pour la Qualité de Vie dans l’Agglomération Tourangelle (AQUAVIT), association loi de 1901 agréée au titre de la protection de l’environnement, dont le siège est à Tours 37000, 29, rue Auguste Comte.
Les associations précitées ont pris connaissance de l’étude d’impact réalisée par M. Alexandre Abrantes (Cabinet Bi environnement, Albi), au sujet de la création d’un centre commercial sur le site de la ZAC des Courelières, à Joué-lès-Tours (lieu-dit « l’Ormeau du Bon Chou », et font part de leurs observations portant sur cette étude d’impact, relative au projet commercial présenté par la Société Joué Distribution.
- La ZAC des Courelières et l’étude d’impact environnemental
Le projet de création d’un centre commercial « Edouard Leclerc » et de magasins annexes est mené en collaboration avec la Mairie de Joué-lès-Tours, et la Société Bouygues Immobilier, qui mènent le projet de « ZAC des Courelières ». Outre le volet commercial qui comporte deux demandes de permis de construire portant globalement sur plus de 32 300 m2 d’emprise au sol, sur un terrain de 9,2 hectares environ1, il est prévu sur la ZAC des Courelières un important programme immobilier (1 200 logements), l’ensemble de la ZAC couvrant 62 hectares (cet espace étant actuellement occupé par des prairies, des terres agricoles, et par un espace boisé longeant la voie ferrée Tours-Bordeaux).
Ce projet de centre commercial « Edouard Leclerc » a fait l’objet d’une double demande de permis de construire datée du 1er août 2014. Compte tenu de son importance, ce programme a été soumis à étude d’impact par arrêté préfectoral du 14 mars 2014, suite à un examen au cas par cas, en application de l’article R.122-2 du code de l’environnement.
Nos associations constatent avec surprise que seul le volet commercial de l’opération « ZAC des Courelières » est soumis à étude d’impact au sens du code de l’environnement, comportant un avis de l’Autorité Environnementale et l’ouverture d’une enquête publique ; alors même que des demandes de permis de construire ont également été déposées par Bouygues Immobilier en février 2014, afin de lancer le programme immobilier de cette ZAC. Or, compte tenu de l’importance de ce programme, il nous semble que celui-ci aurait également nécessité une étude d’impact (cf. tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement).
Cette lacune nous parait particulièrement grave, puisque l’analyse des effets cumulatifs prévue par l’article 5-1 de la Directive communautaire 85/337/CE (annexe III « Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 « cumul avec d’autres projets ») échappe ainsi à toute évaluation. Le maître d’œuvre reconnait lui-même dans ce dossier (pièce 5, page 56) que seul le projet commercial a fait l’objet d’une étude d’impact conforme aux principes posés par le code de l’environnement, et comportant un avis de l’autorité environnementale.
Un subtil compartimentage pourrait donc permettre de lancer ce chantier « ZAC des Courelières » sans étude d’impact globale, ce qui est contraire aux prescriptions de la Directive communautaire précitée de 1985. L’Autorité environnementale, dans son avis sur l’étude d’impact particulière relative au centre commercial, note de façon tout à fait convergente (page 6 – « Effets cumulés avec d’autres projets connus ») qu’une brève analyse des effets cumulés avec d’autres projets connus figure dans l’étude d’impact (p. 56). Toutefois, celle-ci se limite à évoquer le projet de ZAC des Courelières dans le périmètre de laquelle le projet s’inscrit, sans fournir de données plus détaillées, y compris pour les secteurs les plus proches du complexe commercial notamment l’éco-quartier d’habitations prévu de l’autre côté de la RD 86.
Nos associations ne peuvent donc qu’inviter la Commune de Joué-lès-Tours et les responsables du projet à procéder à une étude d’impact globale du projet de « ZAC des Courelières », afin de pouvoir en effectuer une évaluation non cloisonnée, permettant d’apprécier les effets cumulés des diverses opérations prévues dans le périmètre de la ZAC, conformément aux dispositions réglementaires énoncées ci-dessus.
- Observations sur le dossier de l’étude d’impact
Sans revenir sur chacun des points évoqués dans l’étude d’impact, la SEPANT et l’AQUAVIT souhaitent souligner ses faiblesses particulières sur la connaissance du cadre biologique et paysager, sur l’alimentation en eau, sur le respect des documents d’urbanisme majeurs que sont le SCoT et le PDU de l’agglomération tourangelle, et sur les questions de desserte du futur ensemble commercial en question.
En effet, les Associations signataires de cette déposition s’opposent à l’étalement urbain immodéré sur les espaces agricoles et naturels de l’agglomération de Tours, qui s’est traduit par la perte de milliers d’hectares au cours des vingt dernières années dans l’agglomération, et par une artificialisation massive des sols au détriment de la nature et de la campagne. C’est pourquoi elles sont particulièrement opposées à la création d’une nouvelle zone commerciale qui va se traduire par le gaspillage de nouvelles terres agricoles, et reporter l’entrée de l’agglomération tourangelle deux km plus au sud.
- Sur la connaissance du cadre biologique et paysager (cf. parties 2.3, 4.2.2 et 4.2.3)
L’étude d’impact méconnait l’existence d’un corridor de la trame verte et bleue de l’agglomération tourangelle, passant dans une partie de la zone dite des Courelières, et s’appuyant sur plusieurs espaces boisés existants classés en noyaux de biodiversité. Elle ne cite comme espaces naturels protégés que les zones du bord de Loire (situés à plusieurs kilomètres de la zone étudiée), alors qu’existent sur la partie sud de la commune de Joué-lès-Tours plusieurs espaces naturels protégés : sites des Etangs de Narbonne, des Pelouses de Glatinet.
Sur l’espace même où la construction du centre commercial est prévu, aucun inventaire naturaliste n’a été effectué : l’étude d’impact en conclut que la faune présente est « globalement banale », mais que l’avifaune y apparait « relativement diversifiée », et qu’elle pâtira nécessairement des travaux. « perdant 3 000 m2 d’habitat ». Le maintien intégral des zones boisées longeant la voie ferrée à l’est du site, et l’évitement des travaux pendant la période de nidification, paraissent des mesures minimales à faire respecter par le promoteur du futur centre commercial. Mais l’impression prévaut que l’on n’a pas cherché à connaitre les richesses naturelles du site en question.
- Sur l’alimentation en eau (cf. parties 2.3, 2.9.2 et 4.2.8)
Alors que les communes de l’agglomération tourangelle sont invitées, dans le cadre du SDAGE actuel, à limiter de façon sévère les prélèvements qu’elles effectuent dans la nappe fossile du Cénomanien (qui fournit une eau de grande qualité, mais qui s’épuise à un rythme rapide), et que nombre de communes ont fait l’effort de diversifier les origines d’eau potable utilisées par leurs populations, la Commune de Joué-lès-Tours continue à prélever l’essentiel de l’eau potable qu’elle distribue à partir des captages effectués dans la nappe du Cénomanien, en contradiction avec les principes directeurs énoncés par l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne.
L’étude d’impact ignore ce point, pourtant très préoccupant. Or la création de l’ensemble commercial sur le site des Courelières va augmenter encore les besoins en eau sur la commune, et retarder la mise en oeuvre de solution alternative aux prélèvements dans la nappe du Cénomanien, sous la pression de ces besoins nouveaux.
- Sur le respect des documents d’urbanisme (cf. partie 2.8.1 et 4.2.7)
Si l’étude d’impact identifie bien la zone commerciale à créer dans la zone 3AU du PLU de la commune de Joué-lès-Tours, pour le reste elle méconnait le contenu des documents d’urbanisme de l’agglomération de Tours, ou les cite en émettant des contresens, par exemple en énonçant que le projet est conforme à l’objectif de ramener le commerce en centre-ville, alors qu’au contraire il se traduit par l’envoi du commerce en périphérie urbaine, ou est énonçant que le projet répondra à l’impératif d’être « économe en foncier », alors qu’il se traduit au contraire par le sacrifice de plusieurs hectares d’espaces agricoles et naturels….
Il y a lieu de souligner ici que le projet est contraire à plusieurs objectifs du SCoT de l’Agglomération tourangelle, adopté par celle-ci le 27 septembre 2013 après plusieurs années de préparation, et la validation par les conseils municipaux concernés (dont celui de Joué-lès-Tours, le 25 mars 2013) :
- L’axe stratégique « la nature, une valeur capitale », qui se traduit par l’objectif de préservation des espaces agricoles et naturels existants, et l’introduction d’espaces naturels à l’intérieur de la ville existante ;
- L’axe stratégique « faire la ville autrement », qui doit se traduire par un développement urbain fondé sur le renouvellement de la ville sur la ville, l’intensification du tissu urbain, la polarisation autour des noyaux urbains existants et des gares. L’étalement urbain doit donc être combattu, et la pérennisation des activités agricoles et forestières existantes constitue en fort enjeu. Signalons que la commune de Joué-lès-Tours est l’une des seules de l’agglomération à refuser la réduction des espaces agricoles à urbaniser, qui est prévue dans le SCoT ;
- Veiller à un développement maîtrisé, au bon endroit, et notamment favoriser l’emploi en ville, pour favoriser la mixité des tissus urbains et moins consommer d’espace ;
- Faire le pari du commerce en ville, en privilégiant les équipements commerciaux au cœur des centralités, tout en promouvant un développement commercial économe en foncier.
Il convient de souligner ici que le SCoT de l’agglomération tourangelle définit et délimite, en dehors des centralités urbaines, six zones d’aménagement commercial d’intérêt communautaire, accueillant des établissements de plus de 1 000 m2 de surfaces de vente, dans une logique de complémentarité avec les centralités urbaines.
Dans cette délimitation des ZACOM, précisé dans le Document d’Aménagement Commercial établi préalablement au SCoT, ne figure pas la zone commerciale projetée sur la ZAC des Courelières, et dont les promoteurs semblent vouloir ignorer la programmation de la Communauté d’Agglomération, pourtant nécessaire pour maîtriser la dispersion de l’offre commerciale et la multiplication des grandes surfaces tout autour de l’agglomération…
En revanche y figure la vaste zone commerciale de Grand Sud, à Chambray-lès-Tours, qui est la plus importante de la Région, et qui se trouve à environ deux kilomètres de la ZAC des Courelières… Au gaspillage du foncier agricole s’ajoute donc le gaspillage sous forme d’une pléthore de surfaces de vente dans la même zone géographique du sud de Tours. L’avis de l’Autorité environnementale relève avec pertinence que le SCoT « n’identifie pas la ZAC des Courelières comme un espace préférentiel de développement commercial » (pg. 5), ce qui revient à reconnaitre que ce projet est incompatible avec le SCoT de l’agglomération tourangelle.
- Sur la desserte de la zone commerciale de la ZAC des Courelières (cf. parties 2.9, 3.5 et 3.6)
Cet enjeu important pour un futur centre commercial de grande ampleur est particulièrement mal traité dans l’étude d’impact, laquelle n’a pas cherché à justifier des allégations assez aventurées, telle que « l’accès au site est parfaitement assuré à partir de la R.D. 86. Le centre commercial est situé à seulement 1 km du boulevard périphérique de Tours et devrait bénéficier d’un prolongement des lignes de transport en commun ». Or :
- La R.D. 86 (route de Monts) est déjà très chargée une partie de la journée, et le rond-point situé au croisement avec la RD 127 est en limite de saturation à certaines heures. Si on ajoute l’étroitesse de la RD 127 (route de la Vieille Carte), on constate l’inadaptation du réseau routier desservant la future zone commerciale. Ce constat avait conduit le commissaire-enquêteur à émettre une réserve, lors de l’enquête publique de 2013 relative à la modification du PLU de Joué-lès-Tours. Mais le projet de nouvelle connexion au boulevard périphérique sud (RD. 37) a été écarté par le Conseil général, du fait de son coût prohibitif.
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L’accès des clients et des personnels ne se fera probablement qu’en véhicule individuel, si l’on constate que le terminus du tramway, au Lycée Jean-Monnet, est à deux kilomètres environ, et que le Schéma de Cohérence Territoriale de l’agglomération de Tours ne porte pas mention d’une desserte des Courelières par des transports en commun, et, prônant « la ville des courtes distances », parait antinomique d’un projet immobilier renvoyant à la campagne, au sud de la commune, des équipements tels que le centre commercial en question. C’est donc bien au contraire au « tout voiture », contrairement aux principes défendus dans le SCoT et dans le Plan de Déplacement Urbain (PDU) de l’agglomération, que l’on aura affaire, avec ce centre commercial excentré.
- Sur l’impact socio-économique (cf. partie 4.2.5)
Ce projet commercial doit créer 265 emplois directs, peut-on lire dans le dossier d’étude d’impact. Ces perspectives nous semblent très aléatoires, puisque l’implantation du centre commercial « Edouard Leclerc » au sud de l’agglomération tourangelle, dans une zone de chalandise déjà dotée d’une offre commerciale abondante et facilement accessible, va se traduire par une sur-saturation du marché, et des disparitions d’emplois, voire d’enseignes existantes.
Cette implantation se trouve en effet à proximité de plusieurs pôles commerciaux : la ZACOM de la Vrillonnerie à Chambray-lès-Tours, La Riche Soleil à La Riche, L’Heure Tranquille à Tours/Deux Lions, qui représentent ensemble 2 600 emplois environ ; les communes de Joué-lès-Tours (3 supermarchés) et de Monts (2 supermarchés) sont également bien dotées en surfaces de vente, qui représentent ensemble 320 emplois, et dont l’implantation en centralité urbaine répond aux critères du SCoT. La création du centre commercial « Edouard Leclerc » dans la « ZAC des Courelières » menace directement l’avenir de certains de ces magasins.
- Sur la qualité de l’entrée de ville (cf. partie 3.5)
Il y a lieu d’ajouter que les questions de qualité de l’entrée de ville ou d’agglomération vers le sud, à travers l’architecture et les signaux adressés par ce centre commercial (certes faisant l’objet d’un « parti architectural fort », comme annoncé dans tout projet de ce type), ne sont pas traitées dans l’étude d’impact. Mais l’entrée de ville ne se situe-t-elle pas en fait plus au sud, sur la RD 86, avec la zone d’activité de la Liodière, qui annonce l’agglomération par une série de parallélépipèdes disgracieux posés de part et d’autre de la RD 86 ?
Cette étude d’impact strictement limitée au volet commercial, est trop restrictive puisque circonscrite à une petite partie du périmètre de la ZAC des Courelières, et de ce fait ne répond pas aux exigences de la Directive européenne citée dans la partie I.
En outre, le contenu en apparait très défaillant, voire erroné sur certains points (conformité avec le SCoT de l’agglomération tourangelle, questions de desserte du site, etc.) ; cette étude d’impact est jugée de qualité tout juste moyenne, aux yeux de l’autorité environnementale, qui estime « qu’elle ne permet pas de s’assurer d’une bonne prise en compte de l’environnement par ce projet » (pg 6).
Nous demandons donc à Madame le Commissaire-Enquêteur de constater l’insuffisance de l’étude d’impact, et de constater qu’elle ne permet pas en l’état de délivrer des permis de construire pour la zone commerciale projetée sur la « ZAC des Courelières ».
Le Président de la SEPANT,
Michel Durand
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Le Président de l'AQUAVIT,
François Louault
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