Tours, le 23 octobre 2013
Objet : demande de recours gracieux pour contrôle de légalité, délibération du conseil municipal de Joué lès Tours du 23 septembre 2013 sur l’écoquartier des Courelières
Monsieur le Préfet,
Vous trouvez ci-après un rappel sommaire des faits concernant l’aménagement de la ZAC Courelières :
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La ZAC des Courelières a été créée par le conseil municipal du 23 mars 2009. Le groupe Bouygues Immobilier a été désigné aménageur par une concession approuvée par le conseil municipal du 28 juin 2009.
- La ville de Joué dispose d’un Plan Local d’Urbanisme (créé le 3 juillet 2006). Le 25 mars 2013, le conseil municipal a prescrit une modification n°4 du PLU afin d’en adapter le règlement au projet immobilier privé dont celui portant sur la ZAC des Courelières. Plusieurs interventions portant sur les documents graphiques concernaient cette ZAC et rendaient possible la poursuite du projet d’urbanisme. La procédure de modification n°4 du PLU de Joué n’a jamais été concrétisée. Lors de cette même séance du conseil municipal, les élus ont émis un avis favorable au SCoT de l’agglomération tourangelle, dont les objectifs et orientations étaient en contradiction totale avec les choix retenus sur la ZAC Courelières.
- Lors du conseil municipal suivant (27 mai 2013), les élus ont approuvé le dossier de réalisation de la ZAC des Courelières qui précise le programme de construction. Le CM prescrit alors une modification n°5 du PLU. Cette modification subdivise la zone 3AU en unités à vocations spécialisées : habitat collectif, pavillonnaire, parc urbain, commerce (3AUB, 3AUC, 3AUP…). L’arrêté de prescription daté du 6 juin 2013 est qualifié « Projet de modification n°4 du PLU » et non n°5 comme indiqué dans la délibération du CM précédent.
- L’enquête publique s’est déroulée du 25 juin au 30 juillet 2013. Elle est marquée par la déposition de nos deux associations environnementales, agréées par le ministère de l’Urbanisme, SEPANT et AQUAVIT, qui dénoncent vigoureusement ce projet dont le contenu est aux antipodes des prescriptions du SCoT de l’agglomération.
- Nos deux associations recommandent l’abandon du projet, qui n’obtient d’ailleurs aucun soutien des six autres déposants lors de cette enquête. Le rapport final de M. le commissaire-enquêteur nous semble affecté par de nombreuses faiblesses juridiques.
- Le calendrier retenu par la mairie de Joué lès Tours semble manifester la volonté de devancer l’adoption définitive du SCoT, document qui risquerait d’entraîner une fragilisation juridique de la procédure d’adoption du projet. Quelques rappels chronologiques :
- Le SCoT est soumis à enquête publique du 21 mai au 25 juin. Le rapport du commissaire-enquêteur est établi le 20 juillet et le document adopté le SMAT le 27 septembre 2013.
- La révision n°4 du PLU de Joué est soumis à enquête du 25 juin au 30 juillet 2013, un mois après celle du SCoT. Le rapport du commissaire-enquêteur est daté du 10 septembre 2013 et l’approbation par le CM de Joué est datée du 23 septembre 2013, 4 jours avant l’adoption du SCoT.
C’est au rejet de cette délibération du 23 septembre 2013 sur l’écoquartier des Courelières que vise notre demande de recours gracieux pour contrôle de légalité par vos services. Cette délibération nous semble entachée d’un certain nombre d’irrégularités d’ordre juridique :
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Le constat d’une manipulation d’écriture viciant la procédure. N’y a-t-il pas malversation à inverser l’ordre des procédures de modification du contenu du PLU ? « Considérant que l’enquête publique relative à la modification n°5 sur les Courelières s’est réalisée avant la précédente prescription, elle doit dorénavant porter le n°4 » peut-on lire sur la délibération contestée. De quel droit un CM peut-il se permettre un tel jeu d’écriture, source de confusion ? A fortiori quand il apparaît que la modification n°5 dépend de la précédente. Comment ne pas voir dans ce choix la volonté de la mairie de Joué d’accélérer un processus décisionnel en se dispensant d’une étape (modification n°4) ? Ce sont ces quelques mois gagnés qui ont permis de devancer la finalisation du SCoT.
Ce seul fait nous semble suffire à motiver l’annulation d’une délibération qui porte sur la pseudo-modification n°4 du PLU de Joué. Nous vous demandons d’imposer le retour à un strict respect de l’ordre chronologique du des délibérations de CM, le seul qui soit juridiquement indiscutable.
La modification n°4 prescrite par le CM du 25 mars 2013 porte en effet sur le contenu du règlement, sur des modifications de zonage, sur la redéfinition de règles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur des constructions, des modifications sur les documents graphiques… éléments préalables aux prescriptions de la modification n°5 « rendant possible le programme d’urbanisation détaillé dans le dossier de réalisation approuvé le 25 mars dernier », peut-on lire dans le registre des délibérations du 27 septembre 2013.
Dans son rapport, M. le commissaire-enquêteur évacue en deux phrases ce qui nous semble relever de malversation : « L’enquête publique porte bien sur la modification n°4 du PLU, procédure dont l’objet ne peut prêter à confusion, pas plus que le calendrier retenu. Ces deux points ne peuvent remettre en cause la régularité de l’enquête », tout en reconnaissant que « parallèlement la commune poursuit une procédure de modification du PLU visant à adapter et clarifier certaines dispositions du règlement ». A quand l’enquête publique permettant de valider cette nouvelle modification du PLU (la 4 devenue 5…) ?
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D’autres graves défaillances dans le rapport d’enquête publique : il suffit de mettre en regard les dépositions de la SEPANT et de l’AQUAVIT et les réponses apportées par la ville de Joué pour saisir l’ampleur du différentiel. M. le commissaire-enquêteur s’en tient aux seuls arguments de la mairie, allant jusqu’à ignorer les arguments d’associations reconnues d’utilité publique. Ainsi ce rapport est-il totalement défaillant sur la nature des aménagements prévus par l’ouverture à l’urbanisation de la zone 3AUC. Le Commissaire-enquêteur se discrédite même dans ses commentaires sur la prise en compte des orientations du SCoT en expliquant la cohérence avec les orientations du SCOT, notamment la réduction de l’étalement urbain, par l’objectif d’« amener la nature en ville » (sic).
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Aucune réponse sur la maîtrise du phénomène d’étalement urbain sur la commune de Joué lès Tours. Comment peut-on écrire « Les conditions d’ouverture à l’urbanisation du secteur des Courelières ne sont pas contraires aux orientations fixées par le SCoT en cours de finalisation » ? Le DOO prévoit des réductions drastiques des espaces agricoles urbanisables. Le total du périmètre urbanisable à Joué (Courelières, pôle logistique, extension de la Liodière, autres périmètres AU) représentera à terme environ 400 hectares, soit la moitié de l’objectif « habitat » fixé pour la totalité des 40 communes du SCoT d’ici 2030 !
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M. le commissaire-enquêteur ne trouve rien à redire à l’absence de consultation de la Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles (CDCEA) par la ville de Joué, à l’occasion de cette révision du PLU, ayant pour objet de remplacer des espaces agricoles par des logements ou des équipements liés. Pourtant une circulaire du 9 février 2012 (partie 2b) prise pour l’Application de la loi de modernisation de l’agriculture du 27 juillet 2010 l’impose pour toute commune ne relevant pas encore formellement d’un SCOT. D’ailleurs, M. Le président de la SEPANT a demandé à vos services l’inscription de ce dossier à la prochaine convocation de cette CDCEA. Sans réponse à ce jour.
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De quelle étude d’impact « réalisée pour le dossier de création ZAC des Courelières » parle M. le commissaire-enquêteur en page 4 de son rapport ?
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Aucune réponse sur le devenir des 12 hectares de « zone à vocation économique », notamment des 4 ha destinés à recevoir un nouvel hypermarché Leclerc. Nulle trace de faisabilité de ce projet dans le dossier d’enquête publique, projet par ailleurs incompatible avec le SCoT : cette nouvelle implantation n’apparaît pas dans la cartographie des ZACOM programmant l’implantation des surfaces de vente de plus de 1000 m2. La Commission Départementale d’Aménagement Commercial (CDAC) a-t-elle seulement été consultée dans la perspective de cette implantation ? Rappelons que le dossier de demande doit préciser le périmètre de la zone de chalandise, sa desserte pour les infrastructures de transport, les effets attendus en matière de développement durable et de préservation de l’environnement, les flux de véhicules prévus… Comment peut-on programmer l’implantation d’un supermarché sur plus de 4 ha sans cette autorisation ?
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Le problème de la desserte de cette ZAC des Courelières est évacué par une réserve à l’avis favorable de M. le commissaire-enquêteur exigeant « la création effective d’un emplacement réservé définissant sur le périmètre de la modification n°4 les conditions de raccordement à la RD 86 de la future voie routière assurant la liaison avec le boulevard périphérique ». Y a-t-il un emplacement réservé dans le PLU modifié ? Si oui, quelle procédure d’expropriation est prévue ? Qui financera ce lourd investissement (25 à 30 millions d’euros) ? Le Conseil Général d’Indre et Loire a déjà pris ses distances avec ce projet. Et quelle place pour les transports collectifs dans cette « écoquartier » des Courelières situé à plus de 2 km des terminus tramway et Fil Bleu actuels ? Pas une ligne sur la nécessité de promouvoir les transports publics dans ce projet. Et quid de l’étalement urbain dans ces perspectives ?
Pour ces raisons, nous vous prions de bien vouloir déférer la délibération du Conseil Municipal de Joué lès Tours relative à la modification n°4 du Plan Local d'Urbanisme de cette commune, en date du 23 septembre 2013, devant le tribunal administratif afin que celui-ci statue sur l'annulation éventielle de cette délibération
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos salutations respectueuses.
Le Président de la SEPANT,
Michel Durand
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Le Président de l'AQUAVIT,
François Louault
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Pièces jointes:
- la délibération contestée (conseil municipal du 23 septembre 2013)
- les dépositions de la SEPANT et de l’AQUAVIT à l’enquête publique
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Tours, le 23 octobre 2013
Objet : demande de recours gracieux pour contrôle de légalité, délibération du conseil municipal de Joué lès Tours du 9 novembre 2013 sur l’écoquartier des Courelières
Réf. N/lettre du 23/10/2013
Objet : demande de contrôle de légalité concernant une délibération du conseil municipal de Joué lès Tours en date du 23 septembre 2013 sur « l’écoquartier des Courelières » - mémoire complémentaire.
Monsieur le Préfet,
Par le courrier cité en référence, et par les observations faites par chacune de nos deux associations lors de l’enquête publique relative à la modification n° 4 du PLU de Joué lès Tours, nous avons appelé l’attention sur la non-conformité du projet de ZAC des Courelières par rapport aux principes de l’aménagement du territoire dans l’agglomération de Tours, par le sacrifice de plusieurs dizaines d’hectares d’excellentes terres agricoles, et souligné les irrégularités qui entachent la procédure déclenchée par la Mairie de Joué lès Tours. Nous vous avons demandé d’opérer un contrôle de légalité sur les actes ayant abouti à la délibération d’approbation de la révision du PLU du 23 septembre 2013, et si ces irrégularités étaient confirmées par votre analyse, de bien vouloir déférer cette délibération au tribunal administratif, comme le prévoit l’article 3 de la loi du 22 juillet 1982 modifiée.
En complément de notre récent courrier, nous transmettons ci-après les références des textes qui nous paraissent justifier sur le plan juridique une censure de la délibération précitée du 23 septembre 2013.
Les moyens soulevés dans notre lettre du 26 octobre dernier sont les suivants :
- La manipulation d’écriture (la modification du PLU n° 5 devenant la modification n° 4) et l’absence de procédure régulière pour la modification n° 4 (pas d’enquête publique) constituent une manœuvre destinée notamment à gagner quelques mois pour devancer l’entrée en vigueur du SCOT.
La Ville de Joué dispose d’un PLU depuis juillet 2006. Le 25 mars 2013, son conseil municipal a approuvé une modification n° 4 du PLU, afin d’en adapter le règlement à des projets immobiliers privés, dont celui portant sur la ZAC des Courelières.
Lors de la séance suivante du conseil municipal, le 27 mai 2013, a été approuvé le dossier de réalisation de la ZAC des Courelières, qui précise le programme de construction : il s’agit de la modification n° 5 du PLU. Cependant, celle-ci est qualifiée dans l’arrêté de prescription du PLU du 6 juin 2013 de « projet de modification n° 4 », et non plus n° 5 comme il était indiqué dans la délibération du conseil municipal du 27 mai 2013.
L’enquête publique préalable à la révision du PLU s’est déroulée du 25 juin au 30 juillet 2013. Au terme de celle-ci, et de la remise du rapport du commissaire-enquêteur le 10 septembre, le conseil municipal alors de sa séance du 23 septembre 2013 a entériné cette révision, et a reconnu que « l’enquête publique relative à la modification n° 5 sur les Courelières s’est réalisée avant la précédente prescription. Elle doit dorénavant porter le n° 4 ». A nos yeux, l’incohérence porte non seulement sur la numérotation des modification du PLU, mais aussi – facteur aggravant – sur l’ordre logique des délibérations, et sur leur soumission à enquête publique : la seconde (n° 5) dépendant de la première (n° 4) qui n’a donné lieu ni à enquête publique ni à réalisation sous forme d’un acte, comme le prescrit le code de l’urbanisme.
On attend donc la mise en place d’une enquête publique permettant de valider la délibération du 25 mars 2013 modifiant le PLU, puisque l’enquête publique de l’été 2013 a en fait porté sur la modification n° 5. Cette dernière, qui a donné lieu à la délibération du 23 septembre, manque donc de base juridique, puisqu’elle dépend des acquis dus à une modification précédente du PLU (portant sur le contenu du règlement, la modification du zonage, la redéfinition des règles de l’emprise au sol, la hauteur des constructions, des modifications sur les documents graphiques) inexistante, car n’ayant pas été soumis à la procédure d’enquête publique.
Comme le précise le code de l’urbanisme (art. L.123-13-1), la modification des orientations d’aménagement et de programmation décidées par une commune (telles que l’aménagement d’une ZAC) donnent lieu à une modification du PLU après mise en oeuvre d’une procédure d’enquête publique : la révision validée par le conseil municipal de Joué lès Tours le 23 septembre 2013 a méconnu cette règle, car elle dépendait d’une révision antérieure du PLU qui n’a pas été finalisée dans les formes requises.
Il apparaît que la Ville de Joué lès Tours a fait le choix délibéré de se dispenser de la procédure de modification n° 4 de son PLU décidée lors de la séance du conseil municipal.du 23 mars 2013 afin de gagner quelques mois dans le lancement du projet immobilier des Coureliéres .Ce subterfuge étant destiné à devancer la finalisation du SCOT de l’agglomération tourangelle
Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de l’agglomération de Tours, dont l’élaboration est prescrite par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, et dont l’adoption a trop tardé - mais cette adoption sera prochainement effective -, comporte des orientations majeures au regard desquelles l’opération dite des Courelières paraît incompatible : l’axe stratégique 1 « la nature, une valeur capitale » prône la préservation des espaces naturels et agricoles existants, et l’introduction d’espaces naturels dans la ville existante ; l’axe stratégique 2 « faire la ville autrement » prône un développement urbain basé sur le renouvellement de la ville sur la ville, l’intensification, la polarisation autour des gares et des noyaux communaux existants. La lutte contre l’étalement urbain y constitue une ardente obligation : la pérennisation des activités agricoles et forestières y constitue un enjeu du niveau de sensibilité le plus élevé.
Or le plan local d’urbanisme doit être compatible avec le schéma de cohérence territoriale, ainsi qu’avec le plan climat-énergie territorial (art. L.123-1-9 du code de l’urbanisme). Et si un schéma de cohérence territorial est en cours d’approbation, comme c’est le cas ici, il doit néanmoins s’y conformer. L’article L.123-12 du code de l’urbanisme dispose que « dans les communes non couvertes par un plan de cohérence territoriale, le préfet peut demander par lettre motivée à la commune des modifications qu’il estime nécessaire d’apporter au plan lorsque les dispositions de celui-ci (…) 7°) sont de nature à compromettre la réalisation (…) d’un schéma de cohérence territoriale (…) en cours d’approbation ». Le législateur a donc voulu que les PLU des communes relevant d’un ScoT engagé dans la procédure d’approbation doivent se conformer aux orientations du ScoT dans leurs décisions d’urbanisme ; disposition méconnue par la Ville de Joué lès Tours, qui a au contraire essayé d’accélérer la procédure afin que l’opération des Courelières soit considérée comme un « coup parti » au moment de l’entrée en vigueur du ScoT.
- Absence dans le rapport d’enquête sur la révision n° 4 du PLU de Joué lès Tours des arguments présentés par la SEPANT et par l’AQUAVIT dans leurs dépositions.
Dans son rapport, le commissaire-enquêteur se borne à dresser une liste (incomplète) des thèmes présents dans ces deux dépositions, sans exposer le moins du monde le contenu des arguments développés. Or le code de l’environnement (art. L.123-15 alinéa 2) dispose que « Le rapport doit faire état des contre-propositions qui ont été produites durant l’enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d’ouvrage ». Le rapport du commissaire-enquêteur, qui se borne pour l’essentiel à reprendre à son compte l’argumentation figurant dans le rapport initial du maître d’ouvrage, en y ajoutant une incongruité (l’objectif de l’opération, en détruisant la campagne au sud de Joué lès Tours, est « d’amener la nature en ville », désinformation de nature à vicier la délibération du conseil municipal de Joué lès Tours, dont les élus n’ont eu accès qu’à une partie de l’information nécessaire à leur prise de décision.
Au demeurant, l’absence de curiosité manifestée par le commissaire-enquêteur dans son rapport peut être constatée au sujet de l’existence d’un établissement classé Seveso à proximité immédiate de la ZAC des Courelières : l’usine de l’Air Liquide située au Grand Mareuil, dans laquelle sont conditionnées et stockées des matières dangereuses. Certes, il est prévu qu’un espace vert sépare cette usine des premières habitations des Courelières. Mais n’est-ce pas à dessein que cet établissement à risques a été implanté loin de l’agglomération au sud de Joué lès Tours, et est-il judicieux de rapprocher l’agglomération dudit établissement, à travers l’opération des Courelières ? Il y a lieu de rappeler que, parmi les critères d’autorisation par le Préfet (après avis de la commission départementale concernée) d’une installation classée au titre de la protection de l’environnement figure l’absence de risques technologiques immédiats pour les populations, et donc l’éloignement de celles-ci de tout site classé à ce titre : « La délivrance de l’autorisation, pour ces installations, peut être subordonnée notamment à leur éloignement des habitations, immeubles occupés habituellement par des tiers, établissements recevant du public, cours d’eau, voies de communication, captages d’eau, ou des zones destinées à l’habitation par des documents d’urbanisme opposables aux tiers (art. L.512-1 alinéa 6 du Code de l’environnement). Le voisinage de l’établissement « l’Air Liquide » et du nouveau quartier d’habitation paraît donc ni souhaitable, ni autorisé par la loi. L’exemple récent de l’usine Primagaz à Saint Pierre des Corps constitue pourtant un précédent qui aurait du alerter notamment les services de l’Etat.
- Absence de maîtrise du phénomène de l’étalement urbain sur la commune de Joué lès Tours.
L’artificialisation des sols et l’urbanisation en nappe ou par mitage de la campagne sont des tendances que l’on s’accorde à combattre, maintenant, en France. Selon l’Institut Français de l’Environnement, ce sont plus de 600 km2 qui sont artificialisés chaque année, soit l’équivalent d’un département français en moins de dix ans. D’où la mobilisation des pouvoirs publics pour limiter ce phénomène, qui contribue au réchauffement climatique, et conduit à la disparition des zones agricoles péri-urbaines, tout en augmentant le coût des infrastructures nécessaires aux nouvelles zones urbanisées, à la charge des collectivités concernées. Les outils permettant de lutter contre l’étalement urbain excessif sont notamment les ScoT et les Agendas 21, adoptés par les collectivités territoriales responsables. L’article L.121-1 du code de l’environnement prescrit que les ScoT « déterminent les conditions permettant d’assurer, dans le respect des objectifs du développement durable, (..) 1°b) l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels » (…).
La mise au point d’un nouveau ScoT, approuvé par le Syndicat Mixte de l’Agglomération Tourangelle (SMAT), constitue un signal fort de prise en compte de l’impératif d’arrêt de l’artificialisation massive des sols du fait d’une urbanisation débridée. Le rapport de présentation « invite à développer la ville de manière économe en terme de consommation d’espace » (page 1). Le document d’orientation et d’objectifs (DOO) met en oeuvre ces principes. Il est donc étonnant de voir affirmé dans le rapport du commissaire-enquêteur que les conditions d’urbanisation du secteur des Courelières, définies par la révision n° 4 du PLU de Joué lès Tours, « ne sont pas contraires aux orientations fixées par le ScoT en cours de finalisation », sauf à faire une lecture distraite du ScoT, dans ses orientations relatives à la préservation des espaces agricoles et forestiers… Sachant que, comme indiqué plus haut, les documents de niveau inférieur tels que les PLU doivent être compatibles, ou rendus compatibles, avec le ScoT, ainsi que le prescrit l’article L.122-1-15 du code de l’urbanisme.
- Absence de consultation de la Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles (CDCEA) par la Ville de Joué lès Tours.
Alors que le projet de quartier des Courelières implique le retrait de plusieurs dizaines d’hectares de terres consacrées à l’activité agricole, pour les convertir en espaces à urbaniser, il apparaît que la Ville de Joué lès Tours n’a pas consulté la CDCEA. Or cette consultation est obligatoire depuis la loi Grenelle 2, l’article L.123-6 du code de l’urbanisme prescrivant que « Toute élaboration d’un plan local d’urbanisme d’une commune située hors du périmètre d’un schéma de cohérence territoriale approuvé et ayant pour conséquence une réduction des surfaces agricoles est soumise pour avis à la commission départementale des espaces agricoles prévue à l’article L.112-1-1 du code rural et de la pêche maritime ». Une circulaire DGPAAT/SGB/C2012-308 a été publiée le 9 février 2012 par les ministères chargés de l’agriculture, et de l’écologie, pour mettre en œuvre cette disposition législative.
La Ville de Joué lès Tours, pour la révision de son PLU, se trouve dans la situation prévue par ces textes, lesquels prescrivent la consultation obligatoire de la CDCEA lors de la révision d’un PLU ayant pour conséquence une réduction des zones agricoles, et à condition que la commune ne soit pas dans le périmètre d’un SCoT approuvé : de fait, le SCoT de l’agglomération tourangelle est encore en gestation lors de cette révision du PLU, et non encore approuvé. Ce défaut d’une consultation qui constitue une formalité substantielle, s’imposant à toutes les collectivités quelle que soit la qualification des espaces concernés, constitue donc une violation de la loi.
- Absence de référence à un projet d’aménagement et de développement durables, et absence d’étude d’impact dans le dossier de consultation relatif à la révision du PLU de Joué lès Tours.
Le code de l’urbanisme prescrit (article L.123-1 alinéa 1) qu’un plan local d’urbanisme « comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durables, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes ». Le contenu du projet d’aménagement et de développement durable, défini à l’article L.123-1-3 du code de l’urbanisme, porte sur des matières très diverses : habitat, transports, déplacements, communications numériques, équipement commercial, etc. et aussi la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et la préservation ou la remise en bon état des continuités écologiques. Surtout, il fixe des objectifs de modération de consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain.
Bien que le conseil municipal de Joué lès Tours soit fréquemment sollicité pour réviser le PLU local, il n’est pas fait mention dans le dossier d’enquête publique d’un projet d’aménagement et de développement durables élaboré par la Ville. Or un PADD pourrait servir de boussole à l’urbanisme dans la commune, et amener notamment à mieux distinguer le rural de l’urbain. L’absence de référence à un PADD approuvé affaiblit donc considérablement le dossier de modification du PLU.
Il apparaît également que les consultations prévues à l’article L.123-8 du code l’urbanisme (notamment le président du conseil général, le président de l’établissement public de coopération intercommunale, et l’autorité compétente en matière de transport urbain) n’ont pas été effectuées lors des révisions du PLU mentionnées ci-dessus.
Le rapport du commissaire-enquêteur sur cette révision fait état brièvement d’une étude d’impact, réalisée pour le dossier de création de la ZAC des Courelières. Cette étude ne figurait pas non plus dans le dossier de consultation du public, alors qu’elle aurait permis de connaitre l’incidence sur l’environnement du projet de modification du PLU, et de savoir également de quelle manière l’évaluation avait été effectuée.
Or « les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact » (code de l’environnement – art. L.122-1 alinéa 1). L’étude d’impact du projet immobilier dit des Courelières, si elle existe, n’a pas été communiquée lors de l’enquête publique sur la révision du PLU de Joué lès Tours, ce qui ne peut que jeter un doute sur le souci de la transparence dans cette enquête, et traduit la faible importance que revêt l’environnement dans la politique d’urbanisme de cette commune.
- Absence d’information sur le devenir des 12 hectares de la « zone à vocation économique », et notamment des 4 hectares destinés à recevoir un nouvel hypermarché.
Le projet présenté prévoit une zone (3AUY) d’environ 12 hectares, destinée à l’implantation dans le sud de la commune d’un nouvel équipement commercial.
Dans ce domaine également, on se trouve en contradiction avec le SCoT en cours de validation, cette nouvelle implantation ne figurant pas parmi les ZACOM, c’est à dire dans la programmation des surfaces de vente de plus de 1000 m2 dans l’agglomération tourangelle ; donc à nouveau en contradiction avec les dispositions fixées par l’article L.123-12 du code de l’urbanisme.
Au demeurant, il convient de rappeler que la création d’une nouvelle surface de vente de plus de 1000 m2 (dont la Mairie a déjà annoncé l’enseigne principale) est soumise à une autorisation d’exploitation commerciale (Code de commerce- art. L.752-1), L’examen de cette autorisation est assuré par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), présidée par le Préfet (Code de commerce – art. L.751-2). Les implantations de nouveaux ensembles commerciaux doivent notamment répondre aux exigences de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme (Code de commerce – art. L.750-1). Il ne semble pas que la Ville de Joué lès Tours ait engagé la procédure de consultation de la CDAC, et elle ne peut pas en tout cas se prévaloir d’une autorisation d’exploitation commerciale pour un hypermarché, d’autant qu’il existe déjà plusieurs établissements de ce type à Joué lès Tours ; et qu’existe à quelques kilomètres de là la ZACOM de Chambray lès Tours, la plus importante du Département d’Indre et Loire.
- Défaut de prise en compte des questions de desserte de la ZAC des Courelières.
L’absence de projet d’aménagement et de développement durables est particulièrement regrettable dans le domaine de la voirie et des dessertes par transport en commun, éléments évacués du rapport préparatoire à l’enquête publique sur la révision du PLU. Or il apparaît qu’aucune voie permettant d’améliorer l’accès ou la sortie du nouveau quartier en projet ne figure dans le dossier. Le rapport du commissaire-enquêteur, constatant cette insuffisance, donnait lieu du reste à une réserve, préconisant « la création effective d’un emplacement réservé définissant sur le périmètre de la modification n° 4 les conditions de raccordement à le RD 86 d’une future voie routière assurant la liaison avec le boulevard périphérique ». Le conseil municipal de Joué lès Tours prenait en compte cette remarque, dans sa délibération du 23 septembre 2013, en créant une réserve foncière destinée à une telle infrastructure.
Sur cette question de desserte, il y a lieu de se référer au SCoT de l’agglomération tourangelle en cours de validation, car ce document d’urbanisme « précise les conditions permettant de favoriser le développement de l’urbanisation prioritaire dans les secteurs desservis par les transports en commun ainsi que celles permettant de désenclaver par transports collectifs des secteurs urbanisés qui le nécessitent » (Code de l’urbanisme – art. L.122-1-5 III), sachant également « qu’il peut définir des secteurs dans lesquels l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation est subordonnée pour les constructions, travaux, installations et aménagements à respecter (…) des critères de qualité renforcée en matière d’infrastructures, et réseaux de communication électronique » (Code de l’urbanisme – art. L.122-1-5 V 2°). D’où le lien avec la prescription d’études d’impact, prévue à l’art. L.122-1 du code de l’environnement.
Or le Schéma de cohérence territoriale de l’agglomération tourangelle, qui a l’ambition de « faire de l’espace agricole un pilier de l’organisation territoriale », et de limiter la consommation d’espaces pour assurer la pérennité des espaces agricoles et forestiers, ne prévoit pas une opération immobilière d’une telle ampleur, et par suite ne prévoit pas de nouvelles voiries ni de nouvelles voies de transport collectif pour la desservir. Il en est de même pour le Plan de Déplacement Urbain (PDU) de l’agglomération, qui est lui aussi en passe d’être effectif à l’issue d’une enquête publique, et qui à travers son plan d’action prône la construction « de la ville des courtes distances », en organisant l’urbanisation du territoire autour des transports collectifs, et en promouvant un urbanisme qui favorise les alternatives à la voiture : tout le contraire de l’opération des Courelières, implantée dans la campagne à plus de deux kilomètres des lignes de tram et de bus urbains, et dont la population sera tributaire de la voiture pour se déplacer. Cette situation se traduira par un engorgement des voies existantes : route départementale n° 86 (route de Monts), route départementale 127 (route de la Vieille Carte), rue de Cercelé. On est bien là à l’inverse des orientations définies par le PDU, qui supposent moins de voitures et plus de « déplacements doux ». Et qui ne prévoient pas de nouvelles voiries au sud de Joué lès Tours (mais seulement des études pour une liaison routière reliant la zone d’activités jocondienne de la Liodière à Chambray lès Tours ; liaison qui serait fort coûteuse, car impliquant plusieurs ouvrages d’art, notamment pour passer deux voies ferrées, et dont la réalisation est donc hypothétique). Les aménagements en matière de voirie, et les liaisons en matière de transport en commun ont été négligés, dans le dossier des Courelières, ne respectant pas les règlements d’urbanisme prescrivant la prise en compte des déplacements des futurs habitants, et cet élément est aussi de nature à fragiliser juridiquement ce dossier.
- Remise en cause de l’économie générale du PLU.
Le projet mis en cause aboutirait à une augmentation considérable, en une seule opération, du nombre de logements de la commune de Joué lès Tours. Cette première étape d’un chantier final couvrant environ 150 hectares porte sur plus de 1200 logements. L’opération a donc un impact démesuré sur la politique d’aménagement de la commune, ayant pour effet de porter atteinte à l’équilibre du PLU. Ce constat était de nature à obliger le conseil municipal à opérer une révision générale du document d’urbanisme, et non pas une simple modification improvisée et opportuniste .
Pour l’ensemble de ces raisons, la délibération attaquée nous paraît illégale. Nous vous invitons donc, Monsieur le Préfet, au terme du contrôle de légalité qu’il vous appartient de mener, de déférer pour excès de pouvoir au tribunal administratif la délibération du conseil municipal de Joué lès Tours en date du 23 septembre 2013 approuvant la modification n° 4 du PLU de Joué lès Tours, et parallèlement de suspendre la mise en oeuvre de l’opération immobilière dite des Courelières, pendant l’instruction du dossier par le tribunal administratif.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos meilleures salutations.
Le Président de la SEPANT,
Michel Durand
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Le Président de l'AQUAVIT,
François Louault
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