L’association AQUAVIT a été créée en 1990 et agréée en 1995. Elle est aujourd’hui affiliée à Paysages de France et à la SPPEF. Il s’agit d’une association environnementale et patrimoniale constituée de bénévoles. Elle est d’intérêt général, indépendante des pouvoirs politiques et économiques, elle fonctionne en dehors de toute subvention. La présente contribution au Grand Débat vise à faire connaître les difficultés des associations locales à défendre leurs positions face aux collectivités territoriales (Tours-Métropole, communes…) et aux maîtres d’ouvrage. Etant en contact direct avec la population de nos quartiers, l’AQUAVIT suggère des propositions afin de renforcer la prise en compte des associations environnementales dans les dossiers concernant l’amélioration de la qualité de la vie urbaine. 1) Relations citoyens – associations – autorités locales En place depuis près de 30 ans, l’AQUAVIT déplore la dégradation des principes de démocratie participative. Les Conseils de Vie Locale (CVL), devenus Conseils de Quartier, sont de plus en plus délaissés par les élus locaux et désertés par les citoyens. Ces derniers sont détournés d’une participation active par les modalités d’un fonctionnement qui les marginalise. Les réunions publiques sont davantage perçues comme lieux de médiatisation des projets municipaux déjà arrêtés que comme espace de propositions et d’initiatives Il est important aussi de s’interroger sur les motifs de désaffection croissante des citoyens vis-à-vis de ces structures. De leur côté, nos associations peinent à se faire entendre. Tout est de plus en plus impulsé par le haut. Lorsque des projets sont initiés par la base, ils sont systématiquement ignorés ou reportés. Exemples : 20 ans pour reconstruire la passerelle Fournier, aucune des passerelles programmées (St Cosme - Fondettes, Valadon...) dans le PDU de 2013 n’a été étudiée à ce jour… La plupart des documents d’urbanisme ou de protection de l’environnement (PLU, SCOT, PDU, PPRI, PSMV, PPA …) souffre de leur complexité, de leur emboîtement et de la subtilité de leur portée (opposabilité ou non, conformité avec, compatibilité). Les modalités de leur conception expliquent largement ces défaillances. Les citoyens n’interviennent que trop tardivement dans les choix retenus. Lors de l’enquête publique finale, le projet est totalement ficelé et ne peut être retouché qu’à la marge. Par ailleurs, le contenu des dossiers d’enquête publique est fréquemment établi afin de convaincre les participants de la validité des choix retenus. L’exemple de la procédure actuelle sur le choix de la deuxième ligne de tramway illustre ces remarques lors de la concertation publique. Malgré la nomination d’un « garant » chargé de veiller à la bonne forme de l’opération, le choix de tracé retenu n’est pas celui souhaité par une large majorité de citoyens et d’associations. Quant au choix modal (tramway, Bus à Haut Niveau de Services…), il a été totalement éludé. Il nous apparaît que l’avis motivé du « garant » sur cette concertation publique n’a pas été assez critique. Le cas du projet d’aménagement du Haut de la rue Nationale ("Porte de Loire") s’avère encore plus surprenant. Du fait de l’hostilité aux choix urbanistiques et architecturaux retenus, un saucissonnage complexe fut élaboré. Il aboutissait à sept enquêtes publiques successives. Et simultanément était engagée une procédure d’extension-révision du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV), permettant de contourner les exigences du secteur sauvegardé afin de laisser une totale possibilité de choix architecturaux. Aucune des quatre réserves émises par l'Architecte des Bâtiments de France (DRAC) à caractère pourtant obligatoire n'a été retenue. Sur ces concertations et enquêtes publiques, nous sommes inquiets d’un manque croissant de transparence. Plus préoccupant encore, le gouvernement vient de remplacer la plupart des enquêtes publiques par une banale concertation Internet. Propositions : revoir fonctionnement des organes de démocratie participative pour en faire de véritables lieux de concertation ; les citoyens doivent intervenir le plus tôt possible dans la procédure, au plus tard au stade de la concertation publique ; un accès aux documents techniques préalables et une volonté de laisser les choix ouverts permettraient d’aller vers des options plus consensuelles ; les contributions citoyennes et associatives doivent être rendues publiques, y compris celles transmises par Internet ; les commissaires-enquêteurs doivent rester en contact avec la population et gagneraient à assumer leur rôle d'enquêteur indépendant ; des rencontres annuelles entre autorités et principales associations permettraient un meilleur dialogue. 2) Référendums locaux Alors qu’actuellement il y a débat sur la pertinence des référendums d’initiative citoyenne, nous estimons que la pratique du référendum est déjà possible à l’échelle municipale. L’usage de cette formule a déjà été expérimenté avec succès dans la ville de Tours en 1978, afin de trancher un choix divisant les Tourangeaux : reconstruction ou rénovation du pont Wilson ? Les citoyens votèrent massivement en faveur de l’option la plus respectueuse des enjeux patrimoniaux. Il nous semble surprenant que ce type de consultation n’ait pas été reprise par la suite, si l’on excepte quelques sondages dérisoires (comme sur le nez du tramway…). A plusieurs reprises, l'AQUAVIT a demandé un référendum pour le Haut de la rue Nationale, demande ignorée par les pouvoirs publics. Propositions : le référendum local nous semble être un excellent moyen de promouvoir la démocratie locale ; ce choix devrait être réservé à des projets importants d’un point de vue financier ou emblématique ou d’impact majeur. Les thèmes retenus pourraient provenir des structures de démocratie participative (conseils de quartiers, CODEV). 3) Respect des documents d’urbanisme Les élus et l’administration prennent beaucoup trop de libertés avec le contenu de documents d’urbanisme qu’ils ont voté et qui résultaient d’une longue et savante procédure, soumise à enquête publique. Il en est ainsi du PSMV de fin 2013 qui programmait sur les boulevards Béranger et Heurteloup le renforcement des quatre rangées de platanes. Cinq ans plus tard, pour la deuxième ligne de tramway, les élus décidaient l’abattage de deux de ces rangées sur tout le boulevard Béranger et une partie du boulevard Heurteloup. Ce même PSMV était pareillement ignoré en 2016 par le projet de construction d’un bâtiment "Cligman" dans le jardin du musée des Beaux-Arts. Quant au PDU 2013-2023, il ne prévoyait pas de seconde ligne de tramway et privilégiait la construction de passerelles cyclables, afin de favoriser les circulations douces. Cinq ans plus tard, le lancement d’une seconde ligne de tramway est officialisé, aucune des passerelles n’a fait l’objet d’études et la compétition entre élus a fait apparaître deux autres implantations, jamais prévues… Et que dire du Plan de Gestion du Centre Mondial de l'UNESCO, établi par les élus, respecté en d'autres lieux et complètement ignoré à Tours ? Les citoyens et associations sont désarmés face à ces pratiques qui discréditent la planification urbaine. Ni la Préfecture, ni l’Architecte des Bâtiments de France, ni la Justice Administrative, ni les ministères concernés n’ont la volonté de faire appliquer ces documents. Le développement de la trame verte, la promotion de la biodiversité, la réduction de l'étalement urbain, la non-augmentation de la population exposée aux inondations, la réduction des gaz à effets de serre sont autant d'objectifs qui auraient dû être atteints et ne le sont pas par refus d'appliquer des planifications pourtant votées par les élus eux-mêmes, après enquête auprès des citoyens. Nous déplorons aussi que trop souvent les élus soient davantage à l'écoute des lobbies que des citoyens : démolir et reconstruire plutôt que réhabiliter, opter pour des partenariats public-privé… Propositions : un suivi de l’avancée et du respect de ces planifications apparaît indispensable, incluant des sanctions en cas de dérive ; des garde-fous législatifs, réglementaires ou financiers apparaissent nécessaires ; il nous apparaît que l'Etat devrait véritablement appliquer un "contrôle de légalité" pour que la Loi soit respectée de façon plus uniforme en notre pays ; à cet effet, l’Architecte des Bâtiments de France devrait avoir le pouvoir d’appliquer un tel contrôle en son domaine et la Préfecture devrait agir en étant davantage à l'écoute des associations, en tant que relais des aspirations citoyennes. 4) Justice administrative Notre association déplore le manque de crédibilité des tribunaux administratifs. Dans notre agglomération, depuis vingt ans, presque tous les recours administratifs sont rejetés au point que plusieurs associations renoncent à y faire appel. Les motifs de rejet apparaissent arbitraires, faisant douter de l’indépendance de la Justice Administrative. En particulier, on perçoit la volonté de limiter la recevabilité des recours et celle d’appliquer des sanctions financières pour recours abusif afin de fragiliser et décourager les requérants. Lorsque, exceptionnellement, une association obtient gain de cause, il arrive que le jugement soit rendu inefficace. Exemples. Le PPRI de 2016 est validé, malgré un mauvais zonage (incohérence en fonction d’un ouvrage fondamental, la digue du Canal), tandis qu’à Marseille un PPRI avait été annulé pour motif similaire. Le projet des Courelières, à Joué lès Tours, a été entériné en dépit des contraintes du SCOT qui cherchait à maîtriser l’étalement urbain. Le parc de Grandmont a été coupé en deux par l’implantation d’une ligne de Bus, alors qu’un autre tracé était planifié. Propositions : nous souhaitons une Justice Administrative réellement indépendante, aussi bien à l’écoute du rapporteur public (ou commissaire du gouvernement, suivi à 90 % actuellement) que des citoyens et associations ; les associations doivent être dispensées de dommages et intérêts (par stricte application de l’article M600-7 du Code de l’environnement). En dépit de la volonté affichée de promouvoir la démocratie participative (le Grand Débat en est une illustration, de même que la création du CODEV Tours Métropole), le constat pour nos associations est préoccupant. Alors que les pouvoirs locaux disposent de plus en plus d’autonomie et que les dérives se multiplient, nous souhaitons la promotion de véritables leviers démocratiques appuyés par une Justice efficiente. |